Contrat de génération : jeunes et seniors, deux générations, un droit à l’emploi pour tous ?

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- Auteur(e) : Hakim El Fattah

Faut-il privilégier l'emploi des jeunes ou celui des seniors? La promotion des deux, bien que nécessaire, est-elle pour autant réalisable et conciliable? 

En France, en matière d'emploi, l’équation, justifiée par la crise économique, qui a prévalu pendant longtemps, a consisté, en partie, à encourager les seniors à cesser leur activité de façon anticipée (en réduisant l'âge légal de la retraite et en encourageant les préretraites), dans l’espoir de résorber le chômage de certaines catégories de jeunes.  

A en juger par les réformes intervenues dans les domaines du travail, de l’emploi et des retraites depuis une dizaine d'années, la rupture avec cette équation semble être consommée. 

Le dernier acte dans l'évolution des approches et conceptions politico-économico-juridiques en matière de l'emploi et spécialement de celui des jeunes et des seniors est consacré par le projet du gouvernement de créer un nouveau type de contrat de travail : le contrat de génération, l’un des principaux engagements de campagne de M. François Hollande en faveur des jeunes et des seniors. Il ne s'agit plus de sacrifier une catégorie d'âge en particulier, mais de faire en sorte que chacun puisse avoir le droit* d'obtenir un emploi. 

Conformément à la ligne gouvernementale fondée sur le dialogue social, le ministre du travail a transmis hier aux partenaires sociaux un document d’orientation sur le contrat de génération.

 

Ce nouveau contrat que l'on peut rebaptiser "le contrat des générations" en matière d'emploi ou "le pacte générationnel pour l'emploi", tant l'ambition qu'il postule est grande (500 000 contrats signés durant le quinquennat), s'illustre par les modifications significatives qu'elle opère dans l'architecture juridique du droit social.     

 

Ainsi, ce nouveau contrat, dont les modalités d’application devront être définies par les partenaires sociaux (ils ont 4 mois pour le faire), dans le cadre de la négociation nationale interprofessionnelle, se déclinerait dans les entreprises de deux façons :

- Pour les entreprises de moins de 300 salariés, le contrat de génération prendrait la forme d’un contrat de travail individuel. L’employeur qui embaucherait un jeune (16-25 ans) en CDI et maintiendrait un senior (57 ans et plus) en emploi, se voit accorder deux aides forfaitaires de 2000 euros annuelles chacune (pendant trois ans pour le jeune embauché en CDI, jusqu’à sa retraite pour le senior).

Le document d’orientation laisse, néanmoins, la possibilité ouverte aux partenaires sociaux dans les entreprises de moins de 300 salariés de négocier un accord collectif sur la question.

 

- Pour les entreprises de 300 salariés et plus, la conclusion d’un accord collectif sur le recours au contrat de génération « est la meilleure voie possible pour garantir la bonne adaptation » de ce nouvel outil juridique à « la réalité de l’entreprise » selon le ministère du travail.

Nouveauté importante, cet accord se substituerait aux accords et plans relatifs à l’emploi des seniors.

Contrairement aux entreprises de moins de 300 salariés, aucune aide n’est prévue en faveur des employeurs usant des contrats de génération. Il s'agit de limiter les effets d'aubaine. 

Les entreprises de plus de 300 salariés devraient conclure un accord avant le 30 septembre 2013, sous peine de perdre une partie des allégements de cotisations sur les bas salaires et seraient soumises à une pénalité égale à 1% de la masse salariale actuellement prévue pour les accords seniors.           

 

Le gouvernement invite, à travers le document d’orientation, les partenaires sociaux à définir, lors de la négociation interprofessionnelle :

- le contenu des accords collectifs relatifs au contrat de génération ;

- la durée de ces accords à portée pluriannuelle ;

- l’organisation de la négociation collective d’entreprise ;

- en cas d’absence d’accord collectif à l’issue de la négociation d’entreprise, les conditions et les modalités d’un plan d’action de même portée ;

- l’articulation avec les accords de branche, en particulier sur la formation et le tutorat. 

 

Pour les entreprises de moins de 300 salariés, la négociation interprofessionnelle devra définir les modalités d’application de ce nouveau contrat : nature des engagements pris par l’entreprise au travers du contrat de génération, notamment en matière d’embauche du jeune en CDI, du maintien en emploi du salarié senior et des autres salariés seniors présents dans l’entreprise, ou encore des actions de tutorat. 

 

*D’après l’alinéa 5 du Préambule de la Constitution de 1946 « Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi. 

Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances. »