Contrat de génération : bilan et perspectives

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- Auteur(e) : Hakim El Fattah

Article actualisé le 10 mars 2014

Le dispositif de contrat de génération constitue une des réponses du gouvernement, élaborée en accord avec les acteurs sociaux, en vue de lutter contre les difficultés d'accès à l'emploi pour les jeunes et à celles de s'y maintenir pour les seniors. Il présente l'originalité de lier ces deux objectifs à la faveur d'une contractualisation des rapports entre les deux générations. Il s'agit là selon les propres termes du ministre du travail M. Michel Sapin de "la substantifique moelle" du contrat de génération.          

Un bilan de l'entrée en vigueur de ce dispositif a été établi par le ministère du travail, il indique qu'à la mi-janvier de cette année :

  • 17 accords de branche relatifs au contrat de génération ont été signés, dont 13 déjà étendus, couvrant plus de 5 millions de salariés   
  • Plus de 7 300 accords ou plans d’action d’entreprise ont été déposés à la fin décembre 2013       
  • Plus de 18 660 demandes d’aides enregistrées à la mi-janvier 2014, à 89% dans les entreprises de moins de 50 salariés        
  • Plus de 300 entreprises ont bénéficié du dispositif appui-conseil en 2013        
  • Au moins 80 mises en demeure ont été enregistrées pour absence de dépôt      
  • 7% des demandes d’aide concernent le volet "transmission d’entreprises".

L'on peut remarquer, et c'est un des constats frappants de ce bilan, la faible mobilisation des entreprises de 50 salariés et plus. Elles sont, en effet, peu nombreuses à avoir décliné le contrat de génération. Face à ce qui ressemble à une carence, les pouvoirs publics ont pris deux initiatives.

Les entreprises d'au moins 300 salariés sous pression

Les attentes des pouvoirs publics vis-à-vis des entreprises de 300 salariés et plus sont très fortes. Le postulat politique consiste à considérer que ces entreprises, parce que leurs marges de manoeuvre, notamment en termes de gestion des ressources humaines, peuvent être plus grandes que dans les structures plus petites, il est attendu d'elles une implication plus forte dans le déploiement du dispositif de contrat de génération. Et en filigrane, on espère qu'elles jouent un rôle de locomotives entraînant dans leur sillage le reste du tissu économique.   

Vers une effectivité plus grande de la sanction financière

Aussi, la première initiative des autorités s'adresse à ces entreprises d'au moins 300 salariés qui ont, sous peine d'une pénalité, l'obligation d'avoir un accord collectif ou, à défaut, un plan d'action relatif au contrat de génération. Or, le ministre du travail constate dans son instruction du 29 janvier 2014 qu'elles n'ont pas toutes déposés un texte relatif au contrat de génération, alors même qu'un délai supplémentaire leur a déjà été accordé l'année dernière. Il demande, par conséquent, aux directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) de sévir contre celles qui n'auraient engagé aucune démarche pour se conformer à la loi. Les administrations du travail peuvent, dans un premier temps, leur adresser une mise en demeure, puis ensuite, elles ont la possibilité de prononcer une pénalité qui, dans tous les cas, doit être engagée dans le mois qui suit la date de fin de mise en demeure. 

La mobilisation des DIRECCTE auprès des entreprises est appelée à se poursuivre

A l'inverse, le ministre du travail demande aux DIRECCTE d'accompagner, dans leurs efforts, les entreprises d'au moins 300 salariés qui finalisent actuellement leurs textes. A cette fin, des dispositifs d'accompagnement sont mis à leur disposition, notamment un site internet. Des guides d'actions ont également été édités pour les aider dans leurs démarches (entre autres exemples : un support d'aide à la mise en place du dispositif de contrat de génération publié par la DIRECCTE d’Ile-de-France en novembre 2013, trois guides méthodologiques proposés par l’ARACT du Nord-Pas-de-Calais).

Plus généralement, les administrations du travail sont appelées par M. Michel Sapin à poursuivre leur "mobilisation pour sensibiliser les entreprises sur les enjeux de contrat de génération, notamment en faisant témoigner des entreprises et des salariés pour qui le contrat de génération est devenue une réalité, ainsi que les partenaires sociaux impliqués sur le sujet" au niveau régional. 

Le contrat de génération dans les PME : un dispositif à double détente

La deuxième initiative concerne les entreprises de 50 à 299 salariés qui n'ont l'obligation d'avoir un accord collectif ou, à défaut, un plan d'action, que dans la mesure où elles souhaitent bénéficier de l'aide financière de 4000 euros prévue en contrepartie de la signature d'un contrat de génération. Ces entreprises peuvent également bénéficier de cette aide si elles sont couvertes par un accord de branche étendu. Or, l'état des lieux établi par le ministère du travail fait apparaître que le pari du gouvernement, fait, rappelons-le, en accord avec les organisations patronales et syndicales qui se sont exprimées en faveur du contrat de génération en signant à l'unanimité l'accord national interprofessionnel du 19 octobre 2012, de mobiliser le dialogue social pour déployer le contrat de génération dans les entreprises de cette taille s'avère difficile à tenir.

En effet, dans une partie des entreprises de taille moyenne, il n'y a pas forcément d’interlocuteurs pour initier un processus de négociation. Dans beaucoup de cas, ces entreprises ne peuvent pas non plus se prévaloir d'un accord de branche puisque peu d'accords ont été conclus par les acteurs dans ce cadre.

Accès plus simple à l'aide financière pour les PME 

Pour remédier à cette situation, la loi relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale (article 20) prévoit un assouplissement des conditions de recours au contrat de génération, d'une part en relevant la limite d'âge pour les jeunes embauchés via ce dispositif dans les entreprises de moins de 50 salariés en vue de leur transmettre l'entreprise, de manière à ce que toute personne âgée de moins de 30 ans (moins de 26 ans jusque-là) puisse potentiellement en bénéficier, et d'autre part en dissociant l'aide financière de l’obligation d'avoir un accord collectif ou un plan d'action pour les entreprises de 50 à 299 salariés afin de rendre l’accès à cette aide plus simple et plus rapide. Les entreprises concernées pourront, ainsi, à partir du 7 mars 2014 (le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel), bénéficier de l'aide financière indépendamment du fait qu'elles soient couvertes ou pas par un accord ou un plan d'action.

Désormais, les entreprises de moins de 300 salariés sont soumises aux mêmes conditions d’octroi de l’aide financière.

Rappel des règles applicables    

Les entreprises de moins de 300 salariés bénéficient d'une aide, pour chaque binôme de salariés, lorsqu'elles remplissent les conditions cumulatives suivantes :

1° Elles embauchent en contrat à durée indéterminée à temps plein et maintiennent dans l'emploi pendant la durée de l'aide un jeune âgé de moins de vingt-six ans ou un jeune de moins de trente ans bénéficiant de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé. Lorsque son parcours ou sa situation le justifie, le jeune peut être employé à temps partiel, avec son accord. La durée hebdomadaire du travail du jeune ne peut alors être inférieure à quatre cinquièmes de la durée hebdomadaire du travail à temps plein ;

2° Elles maintiennent dans l'emploi en contrat à durée indéterminée, pendant la durée de l'aide ou jusqu'à son départ en retraite :

a) Un salarié âgé d'au moins cinquante-sept ans ; ou

b) Un salarié âgé d'au moins cinquante-cinq ans au moment de son embauche ; ou

c) Un salarié âgé d'au moins cinquante-cinq ans bénéficiant de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé.

L'aide ne peut être accordée à l'entreprise lorsque celle-ci :

1° A procédé, dans les six mois précédant l'embauche du jeune, à un licenciement pour motif économique sur les postes relevant de la catégorie professionnelle dans laquelle est prévue l'embauche, ou à une rupture conventionnelle homologuée ou à un licenciement pour un motif autre que la faute grave ou lourde ou l'inaptitude sur le poste pour lequel est prévue l'embauche ; ou

2° N'est pas à jour de ses obligations déclaratives et de paiement à l'égard des organismes de recouvrement des cotisations et des contributions de sécurité sociale ou d'assurance chômage.

La rupture conventionnelle homologuée du contrat de travail ou le licenciement pour un motif autre que la faute grave ou lourde ou l'inaptitude de l'un des salariés ouvrant à l'entreprise le bénéfice d'une aide entraîne son interruption.

Le licenciement pour un motif autre que la faute grave ou lourde ou l'inaptitude d'un salarié âgé de cinquante-sept ans ou plus ou d'un salarié âgé de cinquante-cinq ans ou plus bénéficiant de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé entraîne la perte d'une aide associée à un binôme.

Retour de la logique d'obligation de réflexion sur la gestion des âges

Parallèlement à ce dernier assouplissement, les entreprises de 50 à 299 salariés se voient, en revanche, imposer l'obligation de négocier et de conclure un accord collectif ou, à défaut, d'élaborer un plan d'action relatif au contrat de génération. La loi prévoit, à cet effet, dans des termes inspirés de ce qui était prévu dans le cadre des accords et plans relatifs aux seniors, l'introduction d'une pénalité financière qui viendra, à compter du 1er avril 2015, sanctionner les entreprises réfractaires.

Cette pénalité est plafonnée à 1% de la masse salariale ou, lorsqu'il s'agit d'un montant plus élevé, à 10% du montant de la réduction dégressive des cotisations sociales sur les salaires inférieurs à 1,6 fois le Smic (réduction dite « Fillon », voir article L. 241-13 du code de la sécurité sociale).  

Signalons qu'en présence d'un accord de branche étendu, les entreprises couvertes par ce dernier sont à l'abri de la pénalité.

Quant aux obligations de ces entreprises en termes de contenu des accords et plans d'action, elles sont identiques à celles qui s'imposent aux entreprises d'au moins 300 salariés (voir l’étude « Contrat de génération » spécialement « Accords collectifs et plans d’action relatifs au contrat de génération ».

Ainsi, à travers ces évolutions législatives, deux logiques indépendantes l’une de l’autre mais poursuivant le même objectif se dessinent concernant les PME : une logique d’incitation financière à l’embauche de jeunes et au maintien dans l’emploi de seniors et une logique d’obligation de réflexion sur la gestion des âges et la transmission des savoirs et compétences.  

Bien que beaucoup de PME ne disposent pas des moyens nécessaires pour s’engager dans une telle démarche, cette évolution des règles de contrat de génération applicables aux entreprises de taille moyenne paraît justifiée, car, en réalité, par l'effet combiné des réformes successives des retraites (qui ont conduit à l'augmentation de la durée d'assurance et au relèvement des âges de la retraite) et l'extinction de plusieurs dispositifs de cessation anticipée d'activité dit de "préretraite", la durée de vie au travail s'allongent et pourrait s'allonger encore plus à l'avenir. De fait, plusieurs générations de salariés sont et seront amenés à se côtoyer dans les entreprises.

Dans ce contexte, une réflexion sur la place de chacun dans la collectivité de travail s’impose dans toutes les entreprises quel que soit leurs effectifs.