Comment l'employeur procédera-t-il à la mise à la retraite d'office d'un salarié ?

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- Auteur(e) : Tiphaine Garat

ATTENTION Ce dispositif a été profondément modifié par les lois de financement de la sécurité sociale pour 2007 et pour 2008. A lire : "Le recentrage du dispositif de mise à la retraite"

 

 

Mode autonome de rupture du contrat à durée indéterminée, la mise à la retraite d’un salarié par l’employeur n’est ni une obligation qui lui est imposée ni un droit qui lui est octroyé mais une possibilité dont la mise en œuvre est subordonnée au respect d’un certain nombre de conditions.

 

Nullité des clauses « couperets »

 

Autoriser la mise à la retraite à compter de 60 ou 65 ans ne signifie pas systématiser le départ des salariés pour la raison qu’ils ont atteint un tel âge. Ainsi les clauses dites « couperet » restent interdites : une disposition contractuelle ou conventionnelle ne peut imposer la rupture automatique du contrat de travail d’un salarié à un certain âge. De même, une disposition conventionnelle ou contractuelle « souple » autorisant une mise à la retraite avant 65 ans est inefficace sauf exeption(accord de branche étendu).

 

Conditions de mises à la retraite

 

A partir de 65 ans

 

L’employeur a la faculté de mettre à la retraite d’office tout salarié âgé de 65 ans. Cette seule condition suffit et il est inutile de s’assurer du nombre de trimestres cotisés par le salarié.

 

Les conditions de mise à la retraite s’apprécient à la fin du préavis exécuté ou non ( Cass.soc, 5 juin 1996, n°92-42.119).

 

Entre 60 et 65 ans : 2 dérogations

 

Une mise à la retraite est possible avant 65 ans si le salarié peut bénéficier d’une retraite à taux plein et si :

 

  Un accord collectif étendu est conclu à cet effet avant le 1er janvier 2008 et qu’il prévoit des contreparties en termes d’emploi et de formation professionnelle Pour voir des exemples d’accords collectifs dérogatoires.

 

  Le salarié concerné bénéficie d’un dispositif de préretraite CATS (métiers pénibles), de préretraite progressive (dispositif abrogé depuis le 1er janvier 2005) ou de tout autre avantage de préretraite défini avant le 22 août 2003 (préretraite d’entreprise).

 

Un certain nombre d’accords, dont on peut remettre en cause la validité juridique, prévoient la mise à la retraite d’office des salariés ayant effectué une carrière longue ou atteint d’un lourd handicap avant même l’âge de 60 ans dès lors qu’ils justifient de la durée d’assurance nécessaire pour bénéficier d’une retraite à taux plein. La plupart de ces accords ont déjà été étendus.

 

C’est à l’employeur de prouver que les conditions légales de la mise à la retraite sont remplies. Ne pouvant demander directement à la caisse vieillesse le relevé de carrière du salarié, il doit le demander à ce dernier. En cas de refus, le juge des référés peut ordonner au salarié de communiquer à l’employeur son relevé de carrière (motif légitime) (CA Versailles, 5°Ch B, 20 février 2003, n°02/02286, SSL du 19 mai 2003, n°13969, p.12.).

 

Procédure

 

Aucune procédure particulière n’est requise et la décision de l’employeur n’a pas à être motivée. En pratique, il est conseillé de convoquer le salarié à un entretien préalable et de lui notifier sa mise à la retraite par lettre recommandée avec accusé de réception afin de disposer d’un moyen de preuve et de fixer le point de départ du préavis. A défaut l’employeur ne saurait valablement invoquer ce motif de rupture, alors même que toutes les conditions requises pour la mise à la retraite seraient réunies.

 

L’employeur envisageant de mettre à la retraite un représentant du personnel doit consulter le comité d’entreprise ainsi que solliciter l’autorisation, auprès de l’inspecteur du travail, de procéder à cette mise à la retraite.

 

Préavis

 

La salarié a droit à un préavis qui est soit :

 

  le préavis prévu par la loi en cas de licenciement

 

  le préavis conventionnel ou contractuel de mise à la retraite (et non de licenciement) s’il est plus favorable au salarié, c’est-à-dire plus long.

 

Sanction de la mise à la retraite irrégulière

 

En cas de non-respect des conditions de fond et de forme exigées, la mise à la retraite est requalifiée traditionnellement en licenciement sans cause réelle et sérieuse (absence de motifs de licenciement).

 

Une étape supplémentaire est en passe d’être franchie puisque pour la première fois, une Cour d’appel vient de décider que la mise à la retraite d’un salarié avant que ce dernier n’ait atteint l’âge requis par la convention collective ne constitue pas un licenciement sans cause réelle et sérieuse mais un licenciement nul car fondé sur l’âge, motif discriminatoire (article L122-45 C.trav). Le salarié est donc en droit d’obtenir sa réintégration dans l’entreprise (CA Paris 27 janvier 2004, RJS 6/04, n°686).

 

L’employeur peut également être condamné à verser des dommages et intérêts en réparation du préjudice si le salarié établit un abus de droit de l’employeur : tel peut être le cas si celui-ci procède à une mise à la retraite juridiquement justifiée mais dans des conditions abusives (par exemple injurieuses ou vexatoires).

 

Indemnités du salarié mis à la retraite

 

Le salarié doit percevoir une indemnité qui ne peut être inférieure au montant le plus favorable des deux indemnités suivantes :

 

  l’indemnité légale de licenciement (tel qu’elle résulte des articles L122-9 et R122-2)

 

  une indemnité conventionnelle de mise à la retraite

 

Remarques

 

  Une « mise à la retraite » prononcée à l’occasion d’un licenciement économique doit être assimilée à un licenciement tout au moins en ce qui concerne le versement de l’indemnité conventionnelle de licenciement, ce qui permet d’attribuer au salarié concerné des indemnités plus intéressantes que l’indemnité de mise à la retraite prévue par la loi (Soc 18 avril 2000, Bull Civ, V, n°412, RJS 6/00, n°652).

 

  Les salariés qui deviennent inaptes à leur emploi à la suite d’un accident de travail ou bien d’une maladie professionnelle ont droit, lorsqu’ils sont mis à la retraite après l’avis d’inaptitude délivré par le médecin du travail, à l’indemnité spéciale de licenciement prévue par l’article 122-32-6 du code du travail (Soc 29 janvier 2002, Dr. Soc. 2002, 465).