Baisse de la productivité au travail depuis la crise sanitaire : quelles sont les causes ?

Emploi

- Auteur(e) : Evdokia Maria Liakopoulou

La productivité au travail[1] dans le secteur marchand non agricole sort de sa trajectoire avant-crise pour enregistrer une baisse considérable : au 3e trimestre 2022, la productivité par tête[2] recule de 3,0 % par rapport au 4e trimestre 2019, tout comme la productivité horaire[3] (-2,9 % en 2022, par rapport à 2019). Par rapport aux prévisions initiales donc, tant la productivité par tête que la productivité horaire se situent en fort décalage (respectivement -6,4 % et -5,7 %). Tels sont les principaux résultats d’une étude publiée par la Dares, le 26 janvier 2023, qui émet une série d’hypothèses pour expliquer ce phénomène.

  • Un changement de la composition de l’emploi lié à l’arrivée progressive des alternants

Pour les auteurs, le développement considérable de l’alternance depuis 2019, favorisé par une série de politiques publiques (loi dite « Avenir professionnel » de 2018, Plan « 1 jeune, 1 solution », etc.), « est une des causes possibles de la baisse récente de la productivité du travail ». En effet, au 3e trimestre 2022, la part de l'alternance dans l’emploi salarié atteint 4%, contre 2,7% fin 2018. L'impact que susciterait le recours aux alternants sur la productivité, serait lié au fait que ces derniers sont « a priori moins productifs que le reste des personnes en emploi car ils sont plus jeunes, moins expérimentés et travaillent un volume d'heures plus faible du fait de leur temps de formation ».

  • Des facteurs liés aux contraintes sanitaires et organisationnelles de la crise Covid

Le développement de l’apprentissage ne jouerait sur la baisse de la productivité qu’à hauteur d'un cinquième, relève l’étude. Les auteurs mettent en avant ainsi d’autres facteurs qui pourraient concourir à ce phénomène.

Dans les calculs apparaissent notamment des emplois « non enregistrés auparavant », à cause notamment « d’une substitution de travailleurs résidents aux travailleurs détachés retournés dans leur pays d’origine »  provoquée par la fermeture des frontières pendant la crise sanitaire, ou même la « régularisation du travail dissimulé » pour pouvoir bénéficier de l'activité partielle.

Les auteurs remarquent en outre que, dans les secteurs affectés par une baisse de l’activité due aux difficultés d’approvisionnement, une «rétention de main-d’œuvre par les entreprises » se constate, qui pourrait contribuer à cette baisse de la productivité.

In fine, comme dernier facteur potentiel de ce phénomène figure la multiplication des arrêts maladie « qui perdure depuis la crise sanitaire ».

Vous trouverez, ci-après, l’intégralité de : Dares Focus No 5, Quel impact de la hausse de l'alternance depuis 2019 sur la productivité moyenne du travail ?, 26 janvier 2023.

 

[1] Il s’agit dans la présente étude de la productivité « apparente du travail ». Selon la définition de l’Insee, celle-ci ne tient compte que du seul facteur travail comme ressource mise en œuvre. Le terme « apparente » rappelle que la productivité dépend de l'ensemble des facteurs de production et de la façon dont ils sont combinés.  La productivité apparente du travail est usuellement mesurée en rapportant la richesse créée au facteur travail : la richesse créée est mesurée par la valeur ajoutée (évaluée en volume) ; seul le volume de travail mis en œuvre dans le processus de production est pris en compte.

[2] Si le volume de travail est mesuré par le nombre de personnes en emploi (personnes physiques), on parle de « productivité par tête » (Insee).

[3] Si le volume de travail est mesuré par le nombre d'heures travaillées, on parle de « productivité horaire apparente du travail » (Insee).