Assises sur l'emploi des seniors à l'Assemblée Nationale. Discours de Brice Hortefeux. 10 juin 2009.

Publics prioritaires

- Auteur(e) : Hakim EL FATTAH

Permettez-moi, tout d’abord, de remercier Jacques Kossowski pour tout l’intérêt qu’il témoigne à cet enjeu majeur qu’est l’emploi des seniors, et saluer la part décisive qu’il a jouée dans l’organisation de ces assises parlementaires.

Dans cette salle Victor Hugo où nous nous trouvons cet après-midi, il me revient en mémoire ce vers du poète de Guernesey : « Le jeune homme est beau, mais le vieillard est grand ».

Au-delà des mots, il y a, en réalité, une leçon profonde. Cette leçon, quelle est-elle ? Une société qui est incapable de donner leur place aux seniors et qui se presse même pour les évincer, est une société qui régresse.

Nous avons, pendant des décennies – et il faut le reconnaître, dans un consensus social et politique – oublié cette leçon au nom d’une idéologie absurde : celle du partage du travail.

La tenue de ces assises parlementaires en porte témoignage : les mentalités sont en train de changer. Je m’en réjouis. Il est temps d’offrir de nouvelles sécurités à nos concitoyens.


I. L’initiative de Patrick Ollier et de Jacques Kossowski vient à point nommé pour nous rappeler une évidence : les seniors ne doivent pas être la variable d’ajustement dans la crise que nous traversons.

- D’abord, un constat

En France, le taux d’emploi des seniors s’établit à 38,3%, alors que la moyenne de l’Union est de 44,7% et qu’un pays comme la Suède affiche un taux de 70%.

Très concrètement, cela signifie que si la proportion des personnes de 55 à 64 ans disposant d’un emploi était la même en France que dans certains pays européens, nous aurions 800 000 personnes en activité de plus. Je ne me résous pas à ce que nous occupions la place de mauvais élève.

- Ensuite, une interrogation : doit-on, sous l’effet de la crise économique mondiale et de la remontée du chômage, changer de stratégie ?

La réponse est doublement non.

Non, parce qu’à court terme, nous le savons, les seniors sont aussi des victimes de la crise.

Non seulement leur taux d’emploi reste faible, mais en plus, d’après les chiffres rendus publics par l’INSEE la semaine dernière, leur taux de chômage augmente.

Non, surtout, parce qu’à moyen terme, il est de notre responsabilité de préparer l’après-crise.

Ce n’est pas en utilisant les recettes du passé qui ont échoué que nous préparerons la croissance économique de demain. Nous n’avons nullement l’intention d’encourager les préretraites et les départs anticipés.

Ce n’est qu’à titre tout à fait exceptionnel, pour une durée limitée d’un an et pour ceux qui ont travaillé toute leur vie et qui ne parviennent plus à retrouver un emploi après 55 ans, que nous avons reporté, avec Laurent Wauquiez, l’entrée en vigueur de la suppression de l’Allocation équivalent retraite.

La poursuite des réformes structurelles est, encore plus qu’hier, un impératif de justice.


II. Nous avons tenu les engagements que le Président de la République avait pris, devant les Français, des engagements clairs pour réhabiliter la valeur travail et donc, aussi, pour soutenir l’emploi des seniors.

- Sous l’autorité du Premier ministre, François Fillon, mon prédécesseur, Xavier Bertrand, a mis en œuvre dans ce domaine des mesures qui marquent une vraie rupture.

Je veux brièvement vous rappeler les deux principes d’action auxquels ces mesures répondent.

 

Premier pilier :

Nous faisons confiance aux partenaires sociaux, dans les branches et les entreprises pour se mobiliser et définir les actions les plus adaptées.

Faire confiance au dialogue social, c’est tout l’esprit du dispositif adopté l’année dernière en loi de financement de la sécurité sociale et dont nous venons de publier le décret d’application.

  Il s’agit d’inciter les entreprises à conclure, d’ici l’année prochaine, des accords en faveur de l’emploi des seniors.

Le message est clair : nous souhaitons mettre les partenaires sociaux face à leurs responsabilités.

Nous leur avons pour cela fixé des règles du jeu : le décret définit un cahier des charges pour cet exercice.

  Certes, je le reconnais, se fixer un objectif de recrutement de salariés âgés n’est pas évident dans la période que nous traversons.

Ce que nous demandons aux entreprises et aux partenaires sociaux, ce n’est pas uniquement un objectif quantitatif de recrutement, c’est d’abord une nouvelle approche qualitative de l’emploi des seniors avec l’anticipation de l’évolution des carrières professionnelles, l’amélioration des conditions de travail, la prévention des situations de pénibilité, le développement des qualifications, l’aménagement des fins de carrières ou encore le développement du tutorat.

Vous le voyez, il s’agit de mettre en œuvre une idée simple : la gestion des âges et la mobilisation en faveur de l’emploi des seniors passent par une démarche d’anticipation.

 J’ai tenu à mobiliser les services de l’État, au plan central comme à l’échelon déconcentré, pour assurer la réussite de ce dispositif.

L’agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail et les directions régionales du travail appuient les entreprises et les accompagnent dans la préparation et l’application de ces accords en faveur de l’emploi des seniors.

 Je sais que quelques-uns se sont inquiétés de la capacité des plus petites entreprises à assumer ces nouvelles responsabilités.

Je veux ici les rassurer : il n’est évidemment pas question d’exiger les mêmes efforts d’une multinationale et d’une petite entreprise, elles n’ont ni les mêmes contraintes, ni les mêmes moyens.

C’est pourquoi nous avons tenu, avec Hervé NOVELLI et Laurent WAUQUIEZ, à ce que les entreprises de moins de 50 salariés ne soient pas soumises au dispositif. De même, nous avons tenu dans un souci de simplification que les entreprises de 50 à 300 salariés puissent être couvertes par un accord de branche. Pour ces PME, il n’y aura donc pas d’obligation de négociation au sein de chaque entreprise.

Enfin, j’ajoute que si la négociation n’aboutit pas à un accord, il reviendra au chef d’entreprise d’établir un plan d’action afin de mettre en œuvre, très concrètement, des mesures en faveur de l’emploi des seniors.

 

Second pilier :

Nous avons souhaité rendre aux salariés leur liberté de choix au moment de partir à la retraite.

  Il fallait, d’abord, mieux récompenser ceux qui travaillent au-delà de la durée nécessaire pour bénéficier de la retraite à taux plein.

C’est chose faite depuis le 1er janvier 2009. Nous avons porté, pour les trimestres accomplis depuis cette date, le taux de la surcote à 5% par année travaillée.

  Il fallait, ensuite, mettre fin à ce système absurde qui interdisait aux gens de retravailler parce qu’ils avaient liquidé leur pension de retraite.

La libéralisation du cumul emploi-retraite est désormais une réalité pour nos concitoyens depuis le 1er janvier dernier. Nous avons pris cette mesure dans les régimes de base de la sécurité sociale. Je me réjouis qu’au mois de février dernier, les partenaires sociaux gestionnaires des régimes complémentaires Agirc et Arrco l’aient étendue à ces régimes.

Enfin, je vous annonce que je signerai, dans les jours qui viennent, l’arrêté approuvant la transposition de cette libéralisation du cumul emploi-retraite au régime complémentaire de retraite des artisans et commerçants.

  Il fallait, enfin, mettre un terme à une autre forme d’injustice : celle qui veut qu’un salarié pouvait être mis à la porte de son entreprise simplement en raison de son âge et alors même qu’il souhaitait continuer à travailler.

Nous avons modifié en profondeur le régime des mises à la retraite d’office en portant à 70 ans l’âge auquel cette mise à la retraite peut intervenir.

Cela n’a pas été simple. Grâce au travail du Parlement, la solution adoptée est équilibrée.

  Mais ce libre choix en matière de retraite doit aussi être accompagné.

C’est le sens de la convention d’objectifs et de gestion, que j’ai signée avec la Caisse nationale d’assurance vieillesse, le 6 avril dernier, pour la période 2009-2013.

Nous avons particulièrement insisté dans cette convention sur une dimension nouvelle : le conseil aux assurés.

Ceci constitue une évolution importante du métier des caisses de retraite. La bonne explication des nouveaux outils dont nous nous sommes dotés, la pédagogie, la possibilité de réaliser des simulations chiffrées.


III. Ces mesures fortes marquent une rupture à un triple point de vue : dans les droits des salariés, dans la responsabilité des partenaires sociaux, mais surtout dans les mentalités. Je souhaite aller plus loin.

Je souhaite aller plus loin pour promouvoir une vraie gestion prévisionnelle des emplois et des compétences afin de promouvoir l’emploi des seniors

J’ai pris connaissance, comme vous, avec grand intérêt du recueil de bonnes pratiques que la présidente de l’agence européenne Vigeo, Nicole NOTAT, a remis mardi dernier au Gouvernement.

Ce recueil, qui a vocation à être largement diffusé, constitue un outil méthodologique qui sera très utile aux entreprises. Les enseignements que nous pouvons tirer de ce travail approfondi et, surtout, très concret sont nombreux.

Je veux en retenir deux principaux :

 D’abord, l’amélioration des conditions de travail : c’est, vous le savez, un sujet auquel je suis particulièrement attaché.

Pour travailler plus longtemps, il faut, en effet, d’abord travailler mieux.

J’ai installé le 30 avril dernier, le conseil d’orientation sur les conditions de travail (COCT) en lui confiant la mission d’élaborer un nouveau plan santé au travail pour la période 2010- 2014.

La mobilisation politique peut porter ses fruits comme le montre par exemple les résultats spectaculaires obtenus ces dernières années en matière de sécurité routière. C’est pourquoi je souhaite que, dans le cadre de ce nouveau plan santé au travail, nous nous fixions des objectifs chiffrés ambitieux.

 Ensuite, l’anticipation et l’évolution des carrières professionnelles : la question de l’emploi des seniors rejoint plus profondément celle de la gestion des âges dans l’entreprise.

L’emploi des seniors doit nous inciter à mettre en place une nouvelle gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.

En 2008, 300 accords allant dans ce sens ont été négociés et déposés auprès de mes services, couvrant ainsi 1,5 millions de salariés.

La moitié de ces accords comporte la mise en place de dispositifs spécifiques et 40% incluent un système de tutorat qui renforce la motivation des seniors, tout en assurant une meilleure intégration des jeunes salariés.

Parmi les solutions les plus innovantes, je voudrais citer l’exemple du groupe Vinci avec son programme « trans’faire » qui prévoit tout à la fois un tutorat pour les salariés volontaires qui peuvent, cinq ans avant leur départ et après un entretien, choisir le maintien dans le même poste, l’évolution vers une fonction du tuteur ou de formateur interne. _ _L’entreprise Adecco mène, elle aussi, des opérations de tutorat dans le cadre de son dispositif « bonnes pratiques seniors ». Enfin, AXA utilise ces accords de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences pour gérer les secondes parties de carrière de ses collaborateurs.

 Enfin, si nous gardons un cap constant, nous sommes disposés à suivre les résultats obtenus et à mesurer les progrès réalisés.

C’est pourquoi, dès janvier 2010, je ferai avec les partenaires sociaux, le point sur les mesures qui auront été mises en œuvre en 2009.

Mesdames, Messieurs,

Vous le voyez, comme le souhaite le Président de la République, nous souhaitons réhabiliter la valeur travail dans notre pays. En traitant de l’emploi des seniors, ces Assises parlementaires y contribuent, et je vous en remercie.

Il s’agit là, en effet, d’un véritable projet de société, qui doit être mis en œuvre dans le respect de la liberté de chacun.

La gestion équitable des âges dans l’entreprise constitue une nouvelle sécurité que nous voulons donner aux salariés de notre pays.

C’est aussi une question de solidarité inter-générationnelle, qui passe par la reconnaissance de l’expérience des seniors et la transmission des savoir-faire.

Alexandre DUMAS écrivait : « Le travail est indispensable au bonheur de l’homme, il l’élève, il le console ». Soyez certains de la volonté du Gouvernement d’aider chacun à vivre cette liberté et cette élévation.

Notre détermination est grande, et notre mobilisation est totale.

 

 

Source :

www.travail-solidarite.gouv.fr/actualite-presse/discours/assises-emploi-seniors-assemblee-nationale.-discours-brice-hortefeux.-10-juin-2009-.html

 www.agoraeurope.com/colloques/inscription/inscription.php (vous pouvez commander les actes de ce colloque sur ce site).