Allongement du congé de paternité : mesure phare du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021

Égalité professionnelle F/H

- Auteur(e) : Evdokia Maria Liakopoulou

Faisant suite à l’annonce du Président de la République faite le 23 septembre 2020, le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2021 prévoit l’allongement des congés liés à la paternité. Par le biais de cette réforme, l’exécutif souhaite « lutter contre les inégalités aujourd’hui observées dans le recours à ce congé, en permettant aux salariés plus précaires d’y avoir accès plus facilement » etœuvrer « en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes, qui est la grande cause nationale de ce quinquennat ».

 

Chronologiquement, la mesure s’inscrit dans un contexte législatif évolutif. En effet, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, puis un décret du 24 juin 2019 avaient déjà instauré un congé spécifique en cas d’hospitalisation de l’enfant après la naissance, d’une durée de 30 jours maximum, qui s’ajoute à la durée du congé de paternité et d'accueil. De manière plus intéressante encore, cette mesure intervient après la publication du rapport de la commission d’experts pour les « 1 000 premiers jours »[1]. Ledit rapport met en exergue le caractère fondamental de la proximité physique et émotionnelle des parents pendant les 1 000 premiers jours de l’enfant et plaide, entre autres, pour l’allongement du congé paternité « qui serait une première étape d’une réforme ambitieuse du congé parental, dans l’intérêt du développement de l’enfant, mais également pour lutter contre la solitude et l’isolement des mamans ».

 

  • Régime actuel du congé de paternité et d'accueil de l'enfant

Bénéficiaires

Le régime du droit commun en vigueur, régi par les articles L. 1225-35 et L. 1225-36 du Code du travail, bénéficie au père salarié ainsi que, le cas échéant, au conjoint salarié de la mère ou la personne salariée liée à elle par un PACS ou vivant maritalement avec elle.

En outre, il concerne tous les salariés, indépendamment de leur ancienneté et de leur contrat de travail (CDI, CDD, intérimaire, saisonnier, temps partiel...) et il est ouvert à plusieurs statuts professionnels : aux demandeurs d'emploi (sous certaines conditions requises par l’Assurance Maladie), aux exploitants agricoles, aux travailleurs indépendants (artisans, commerçants, chefs d'entreprise, micro-entrepreneurs), aux professions libérales (médecins, notaires, avocats, etc.), aux fonctionnaires.

 

Début et durée

Pris dans les quatre mois qui suivent la naissance de l’enfant, le congé de paternité et d’accueil de l’enfant a une durée de 11 jours (18 jours en cas de naissances multiples) calendaires consécutifs (week-ends et jours fériés compris). Il peut se cumuler avec le congé de naissance de 3 jours, pris successivement ou séparément dans un laps de temps proche à l’accouchement.

 

N.B. : Deux exceptions permettent reporter le congé au-delà des quatre mois : l’hospitalisation de l’enfant (le congé est pris dans les quatre mois qui suivent la fin de l’hospitalisation) et le décès de la mère (le congé est pris dans les quatre mois qui suivent la fin du congé dont bénéficie le père en remplacement du congé maternité).

 

Effets sur le contrat de travail

Le congé paternité entraine la suspension du contrat de travail du salarié. Le salaire n'étant pas maintenu, des indemnités journalières peuvent être versées par la sécurité sociale, attribuées et calculées dans les mêmes conditions que les indemnités journalières de maternité. L'employeur n'est pas tenu de compléter ces indemnités, sauf si un accord collectif prévoit autrement. À l'issue du congé, le salarié retrouve son emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente.

 

  • Régime à compter du 1er juillet 2021

L’article 35 du PLFSS pour 2021 propose de doubler la durée du congé de paternité et d’accueil de l’enfant grâce à un financement par la sécurité sociale, et de le rendre obligatoire sur une période de sept jours consécutive à la naissance de l’enfant. Adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 23 octobre 2020, l’allongement de la durée du congé paternité a été très largement validé par le Sénat dans la nuit de vendredi à samedi 14 novembre.

 

Allongement de la durée

La durée du congé paternité sera portée de 11 à 25 jours (ou 32 jours en cas de naissances multiples) auxquels continueraient à s’ajouter les 3 jours du congé de naissance.

 

N.B. : Cet allongement devrait s’appliquer aussi au congé pour l'adoption d'un enfant, qui passera de 10 à 16 semaines. Cela s’appliquera aux familles adoptantes qui n'ont pas encore d'enfant ou qui ont un seul enfant à charge. La durée de 18 semaines pour les familles ayant déjà deux enfants à charge ou plus ne sera pas modifiée.

 

Définition de deux périodes distinctes :

-Une période de prise obligatoire

Sur ces 28 jours (25 jours de congé paternité et 3 jours de congé naissance), les bénéficiaires auront l’obligation d’en prendre 7 immédiatement dès la naissance, sous peine d'amende. D’après l’étude d’impact du PLFSS pour 2021, cette obligation porterait sur les 3 jours de congé de naissance et sur 4 jours de congé paternité.

Le texte du projet de loi précise que, durant le congé paternité, l’employeur aura l’interdiction d’employer les salariés concernés, à l’exception d'une prolongation éventuelle en cas d’hospitalisation immédiate de l’enfant après la naissance. De même, deux dérogations sont prévues : i) l’interdiction d’emploi ne s’applique pas au cas où le salarié ne peut pas bénéficier d’une indemnisation au titre du congé paternité ; ii) lorsque au moment de la naissance de l’enfant le salarié se trouve en congés payés ou en congés pour évènements familiaux, l’interdiction d’emploi débute à compter de l’issue de cette période de congés.

 

-Une période fractionnable

Le reste du congé paternité, soit 21 jours (28 en cas de naissances multiples), pourrait être pris dans un délai déterminé par décret. De plus, il serait fractionnable, selon des modalités fixées par décret. Actuellement, cette possibilité s’applique aux fonctionnaires qui peuvent bénéficier de 11 jours calendaires maximum fractionnables, en deux périodes dont une d'au moins 7 jours.

 

Prise en charge

Les 3 jours de congé de naissance continueront d’être à la charge de l’employeur et les 25 jours restants seront indemnisés par la sécurité sociale. De même, le complément des indemnités journalières par l'employeur devrait rester à la discrétion des accords collectifs applicables à chaque entreprise.

 

Entrée en vigueur

Lesdites dispositions seraient applicables aux enfants nés ou adoptés à partir du 1er juillet 2021 et aux enfants nés avant cette date alors que leur naissance présumée était postérieure au 30 juin 2021.