« L’emploi des jeunes et des seniors constitue un enjeu fondamental ». C’est par cette affirmation que les organisations syndicales et patronales introduisent l’accord national interprofessionnel sur le contrat de génération signé le 19 octobre 2012. Loin d’être anodine, cette déclaration témoigne d’une prise de conscience de la nécessité de mener de front la promotion de l’emploi des jeunes et le maintien dans l’emploi des seniors.
Cette équation n’est pas une simple préoccupation économique liée à l’augmentation du nombre d’actifs, elle constitue un vrai enjeu de société et un défi pour l’Etat de droit : garantir le droit à l’emploi pour tous.
Ceci dit, quelle que soit l’intensité de l’ambition annoncée, il faut, toujours, savoir nuancer son optimisme et tempérer son pessimisme. Aussi, il convient de s’interroger sur le contenu des mesures prévues pour prendre la mesure du changement de paradigme annoncé sur le plan de l’approche proposée en matière de l’emploi.
De quoi s’agit-il ? Conformément aux engagements du Président de la République en faveur de l’emploi des jeunes, un document d’orientation sur l’instauration d’un contrat dit de génération est soumis par le gouvernement, début septembre, à la concertation sociale. L’objectif, à travers ce futur levier juridique, réside dans l’idée d’un pacte aux termes duquel, les jeunes se verraient proposer un contrat de travail à durée indéterminée et les seniors, le maintien dans l’emploi jusqu’à la retraite.
Après plusieurs séances de travail, les organisations syndicales et professionnelles sont parvenues à un accord interprofessionnel qui donne corps à ce futur levier juridique.
Toutes les entreprises sont concernées, certaines sont obligées d’agir, d’autres sont incitées à le faire
Entreprises de 300 salariés et plus : obligation d’agir
Les entreprises et groupes de 300 salariés et plus doivent être couvertes par un accord intergénérationnel et, à défaut d’un tel accord, élaborer un plan d’actions. A défaut de couverture, une double sanction est prévue : les entreprises réfractaires perdent une partie des allégements de cotisations sociales sur les bas salaires et s’exposent à une pénalité égale à 1% de la masse salariale similaire à celle actuellement prévue dans le cadre l’obligation relative à l’emploi des seniors.
Entreprises de 50 à 299 salariés : incitation très forte à agir
Au lieu et place de la pénalité financière imposée aux entreprises non couvertes par un accord ou plan d’action relatif à l’emploi des seniors, les organisations syndicales et professionnelles préconisent au législateur d’instaurer un système d’incitation, par le biais d’aides financières versées par l’Etat, à l’embauche de jeunes et de seniors.
L’accès aux dites aides financières est subordonné :
- à la conclusion d’un accord d’entreprise portant sur les accords intergénérationnels, ou, à défaut d’accord, à la mise en place d’un plan d‘actions;
- ou, à défaut, à la conclusion d’un accord de branche.
Entreprises de moins de 50 salariés : simple incitation à agir
Ces entreprises pourront bénéficier d’aides financières versées par l’Etat lorsqu’elles concluent des conventions de génération (liant l’entreprise et l’administration) aux termes desquelles elles recrutent un jeune en CDI et maintiennent dans l’emploi un salarié senior.
Deux catégories d’âge visées
Le déploiement du contrat de génération concerne :
Les jeunes
Les jeunes concernés sont les actifs de moins de 26 ans. Néanmoins, la borne d’âge de 26 ans peut être relevée sans jamais dépasser 30 ans dans les trois situations suivantes :
- embauche en CDI d’un jeune présent avant ses 26 ans dans l’entreprise à l’issue, soit d’un contrat à durée déterminée, d’un contrat de travail temporaire ou d’un contrat aidé, soit d’un contrat en alternance ;
- embauche en CDI d’un jeune à l’issue d’un doctorat ou d’études postdoctorales ;
- embauche en CDI d’un jeune bénéficiaire de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés.
Les seniors
Dans les accords collectifs intergénérationnels, quelle que soit la taille de l’entreprise, peuvent être considérés comme seniors les actifs de 55 ans et plus, en cas d’embauche de senior. A défaut, sont considérés comme seniors, les actifs de 57 ans et plus.
Contenu de l’accord intergénérationnel d’entreprise, de groupe ou de branche : un triple objectif
S’agissant des entreprises de 50 salariés et plus, le dispositif "contrat de génération" peut être décliné suite à un accord d’entreprise, de groupe ou de branche (sauf pour les entreprises de 300 salariés et plus qui ne peuvent se prévaloir d'un accord de branche). Le contenu de ces différents instruments doit répondre à un triple objectif :
- améliorer l’accès des jeunes à un emploi en CDI,
- maintenir l’emploi des seniors,
- assurer la transmission des savoirs et des connaissances.
A partir de là, l’ossature de l’accord intergénérationnel doit être constituée de ces trois éléments cardinaux.
Dans cette optique, il est demandé aux entreprises de réaliser un diagnostic quantitatif et qualitatif qui doit porter notamment sur la pyramide des âges, les caractéristiques des jeunes et des seniors et leur place respective dans l’entreprise, les prévisions de départ à la retraite, les perspectives de recrutement, les compétences clés de l’entreprise et les métiers dans lesquels la proportion de femmes et d’hommes est déséquilibrée.
Ce diagnostic peut également utilement s’appuyer sur les données disponibles en matière d’emplois résultant notamment des travaux des observatoires prospectifs des emplois et des compétences des branches professionnelles et des territoires, et des travaux d’autres organismes auxquels sont associés les partenaires sociaux.
Entrée des jeunes dans l’entreprise
L’accord intergénérationnel doit préciser :
- les objectifs chiffrés de l’entreprise en matière de recrutements de jeunes en contrat à durée indéterminée (y compris lorsque le CDI succède à une formation en alternance ou à un stage réalisé dans l’entreprise);
- les modalités d’intégration et d’accompagnement des jeunes dans l’entreprise. Tout jeune recruté bénéficiera d’un parcours d’accueil dans l’entreprise et d’un référent, conformément aux dispositions des articles 1 et 3 de l’accord national interprofessionnel du 11 juillet 2011;
- et les modalités de mise en œuvre d’un entretien de suivi entre le jeune, son responsable hiérarchique et son référent, adaptées selon le parcours du jeune portant notamment sur l’évaluation de la maîtrise des compétences du jeune;
- la prise en compte de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et les actions destinées à accroitre la mixité des emplois.
Emploi des seniors
L’accord intergénérationnel doit préciser :
- les objectifs chiffrés de l’entreprise en matière d’embauche ou de maintien dans l’emploi des seniors;
- la mise en place de dispositions en faveur de l’emploi des séniors : à cet effet, outre les actions à mettre en œuvre en matière de transmission des savoirs et des compétences et de développement de l’accompagnement, l’accord collectif détermine, en fonction des résultats du diagnostic réalisé préalablement à l’ouverture des négociations, une ou plusieurs actions pertinentes sur au moins trois des sept domaines suivants :
- recrutement de seniors dans l’entreprise;
- anticipation des évolutions professionnelles et gestion des âges;
- organisation de la coopération intergénérationnelle, prévue par l’article 4 de l’accord national interprofessionnel du 11 juillet 2011;
- amélioration des conditions de travail et prévention de la pénibilité;
- développement des compétences et des qualifications et accès à la formation;
- aménagement des fins de carrière et transition entre activité et retraite;
- développement de la mixité des emplois et de la coopération intergénérationnelle.
Transmission des savoirs et des compétences
L’accord interprofessionnel invite les acteurs au niveau des entreprises et des branches à agir sur un troisième volet : la transmission des savoirs et des compétences.
Ainsi, l’accord intergénérationnel au niveau de l’entreprise ou de la branche doit préciser les actions à mettre en œuvre en matière de transmission des savoirs et des compétences et d’accompagnement des jeunes. Il peut également préciser la transmission des compétences en direction des seniors embauchés.
La transmission des savoirs et des compétences dans l’entreprise peut recouvrir des modalités très diverses selon les caractéristiques de cette dernière parmi lesquelles :
- les binômes d’échange de compétences entre salariés, tels que prévus par l’article 4 de l’accord national interprofessionnel du 11 juillet 2011;
- la mise en place d’un référent et les conditions d’accueil du jeune par celui-ci;
- l’organisation de la pluralité des âges au sein des équipes de travail;
- l’organisation de la charge de travail du référent.
Rôle des institutions représentatives du personnel
La consultation des institutions représentatives du personnel est requise, lorsqu’elles existent, dés le début de la démarche « contrat de génération », à savoir lors de l’établissement du diagnostic préalable par l’employeur. Ensuite, l’accord est soumis pour avis au comité d’entreprise, ou à défaut, aux délégués du personnel.
Négociation plutôt que action unilatérale de l’employeur
Au regard du taux de chômage élevé des jeunes et des seniors en France, la promotion de l’emploi de ces deux populations constitue un vrai défi pour la société. Pour le relever, il est absolument capital que les acteurs s’approprient les enjeux et fassent leur ce défi.
Dans cette perspective, l’accord interprofessionnel promeut la négociation collective comme voie privilégiée en vue de déployer le dispositif « contrat de génération ». En cas d’échec des négociations, un procès-verbal de désaccord est dressé. Il comporte le nombre et les dates de réunions qui se sont tenues ainsi que les points de désaccord.
En l’absence d’accord, les entreprises gardent la possibilité d’élaborer un plan d’actions. Plusieurs garde-fous sont, néanmoins, prévus en vue de garantir la qualité de cet acte unilatéral de l’employeur : le plan d’action doit répondre, en termes de contenu, aux mêmes exigences que l’accord ; il doit être soumis pour avis au comité d’entreprise, ou à défaut, aux délégués du personnel ; le plan d’action, accompagné du PV de désaccord, est déposé auprès de l’autorité administrative compétente.
Enfin, un projet de loi est en préparation. Il va, selon toute vraisemblance, reprendre le contenu de cet accord interprofessionnel. Les entreprises concernées pourraient avoir un délai de six mois, après l’entrée en vigueur de la loi et des décrets d’application, pour se mettre en conformité avec le futur dispositif « contrat de génération ».