Accès des salariés à la formation professionnelle continue : autre vecteur des inégalités femmes-hommes ?

Égalité dans le travail
Égalité professionnelle F/H

- Auteur(e) : Evdokia Maria Liakopoulou

Par une étude publiée le 28 juillet 2020[1], la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) dresse un état des lieux des inégalités d’accès à la formation entre les femmes et les hommes en emploi pour la période 2010-2015. L’étude s’appuie sur l’enquête Formation et qualification professionnelle (FQP) conduite en 2014-2015 :

 

L’enquête FQP porte sur près de 27 000 personnes en France métropolitaine âgées de 18 à 65 ans. Celles-ci ont été interrogées entre avril 2014 et décembre 2015, 60 % en 2014 sur la période allant d’avril 2009 à avril 2014 ; 40 % en 2015 sur la période d’avril 2010 à mars 2015.
L’étude porte sur les personnes en emploi lors de l’enquête et cinq ans avant, pour lesquels peuvent être étudiées l’évolution des conditions de travail sur la période et, pour les salariés, l’évolution de la mobilité statutaire. Sont notamment exclues les personnes encore en formation initiale et les personnes retraitées lors de l’enquête ou cinq ans avant.
L’étude s’intéresse aux formations non formelles réalisées dans un but professionnel, ce qui correspond au champ usuel de la formation professionnelle continue. Sont considérées les formations non diplômantes d’au moins 18 heures, qui sont détaillées dans les calendriers mensuels de l’enquête, ainsi que les formations de moins de 18 heures réalisées sur l’ensemble de la période de cinq ans étudiée. Sont en revanche exclues les formations diplômantes.

 

Globalement, il en ressort, qu’ « à caractéristiques individuelles, familiales et professionnelles identiques, les femmes se forment moins que les hommes ». Les écarts sont particulièrement importants parmi les non-diplômés, les employés et les ouvriers. De même, les évènements familiaux constituent un facteur de différenciation notable entre les femmes et les hommes au regard de la formation.

 

  • Une vue d’ensemble égalitaire, des inégalités qui apparaissent en creusant  

A première vue, la formation continue des salariés entre 2010 et 2015 paraît plutôt égalitaire : 62,4 % des femmes occupant un emploi en 2010 et 2015 ont suivi une formation sur la période, contre 63,4% des hommes. Un taux qui reste aussi assez proche s’agissant des personnes qui ont suivi une formation non diplômante : 59% pour les femmes contre 61% pour les hommes. Par ailleurs, des écarts en faveur des femmes se constatent : celles-ci ont plus souvent suivi une formation diplômante (7,3% des femmes contre 5% des hommes) et moins souvent une formation obligatoire (16% contre 27%).

 

 

Proportion de personnes en emploi en 2010 et 2015 qui ont suivi une formation à but professionnel sur la période, selon la nature de celle-ci.

Dares Analyses (Source Insee, enquête Formation et qualification professionnelle 2014/2015 ; calculs Dares).

 

 

En revanche, si les situations individuelles sont examinées sous le prisme de « toutes choses égales par ailleurs » (femme relativement à un homme présentant le même profil) les inégalités deviennent plus apparentes. A situation égale, par rapport à un homme, une femme a 19% de probabilité en moins d’avoir suivi une formation entre 2010 et 2015.

 

  • Des disparités selon le secteur

Dans la quasi-totalité des secteurs, le taux de formation des femmes entre 2010 et 2015 est, en moyenne, inférieur à celui des hommes. Le secteur immobilier constitue la seule exception où les femmes se forment davantage que les hommes (65 % contre 55 %). Pour le reste, une amplitude sur l’intensité des écarts se constate :

 

-Des écarts plus faibles dans le secteur de l’administration publique, l’enseignement, la santé (67 % des femmes suivent une formation, contre 70 % des hommes). Cela s’explique par la surreprésentation des femmes dans l’administration, « secteur parmi les plus formateurs, qui réhausse le taux de formation global des femmes ».

-Des écarts plus importants dans des secteurs comme l’industrie (51 des femmes % contre 67 % des hommes), le commerce, les transports et l’hébergement-restauration (51 % contre 58 %). Pourtant, l’étude souligne que le faible taux de formation des femmes dans ces secteurs doit être nuancé : « il est à relier à leur présence plus importante dans des postes aux statuts moins propices à la formation, spécifiquement des contrats courts ». A statut équivalent (CDD ou CDI, public ou privé), les écarts d’accès à la formation des femmes et des hommes ne sont plus significatifs.

-L’agriculture constitue le secteur d’activité où le plus grand écart de formation entre les femmes et les hommes est observé (34 % contre 57 %). A statut professionnel égal, l’écart continue à rester significatif.

 

  • Des écarts en fonction du niveau de diplôme

« Si se former est d’autant plus fréquent que le niveau d’études est élevé, les différences sont encore plus importantes pour les femmes », indique le document. Suivant cette hypothèse, deux constats surgissent :

 

-Les femmes non titulaires du bac ou titulaires d’un bac professionnel se forment moins souvent que leurs homologues masculins. Entre 2010 et 2015, 33 % des femmes sans diplôme ou titulaires d’un certificat d’études primaires (CEP) ont suivi une formation. L’écart négatif de taux de formation entre les femmes et les hommes sans diplôme ou titulaires d’un CEP est de 15 points de pourcentage, y compris lorsque les taux sont corrigés des différences de durées en emploi sur la période. De même, le taux de formation des employées et leurs collègues masculins est inférieur de 11 points et se creuse davantage pour les ouvrières (19 points).

-A l’inverse, les femmes diplômées (à partir de bac+2) se forment un peu plus souvent que les hommes. Le même phénomène s’observe chez les cadres et les professions intermédiaires.

 

  • L’acquisition des enfants : frein à la formation ?

Les événements familiaux semblent affecter plus les femmes que les hommes dans leur accès à la formation. L’étude dévoile que les femmes s’engagent nettement moins dans des actions de formation après l’arrivée d’un enfant : 24 mois après une naissance, seules 16 % des jeunes mères ont suivi au moins une formation d’au moins 18 heures, contre 21 % des pères. La taille de la famille constitue un autre facteur qui semble ralentir le rythme de formation des femmes : seules 13 % des mères ont suivi une formation d’au moins 18 heures 24 mois après la naissance de leur troisième enfant (ou plus), 15 % après celle du second et 18 % après celle du premier. Au contraire, les pères ne semblent pas impactés par le nombre d’enfants dans leur accès à la formation professionnelle.

 

  • Une envie de se former plus poussée pour les femmes

Le document révèle que les femmes expriment plus souvent que les hommes le besoin et l’envie de se former. Cela est particulièrement ressenti chez les femmes qui ont déjà suivi une formation, « ce qui renvoie aux facteurs qui nourrissent le souhait de se former, à savoir le contexte plus ou moins formateur, l’information, l’espérance de bénéfices ». Plus précisément, 39,2 % des femmes ayant suivi une formation non formelle entre 2010 et 2015 déclarent avoir besoin de suivre une autre et 50,4 % à en avoir envie. Dans la même situation, les hommes se positionnent 6 à 7 points de pourcentage en retrait (33,9 % et 43,4 % respectivement).

 

En revanche, peu de différenciations se constatent quant aux obstacles à la formation invoqués par les hommes et femmes. Il s’avère ainsi que les contraintes matérielles (manque de temps, horaires inadaptés, distance, problèmes de santé) sont les plus fréquemment citées (pour plus d’un tiers des femmes et des hommes). Les femmes citent moins, par ailleurs, l’absence de proposition de formation (27,0 % contre 29,1 %).

 

Vous trouverez, ci-après, la publication de la Dares « La formation professionnelle continue – Une autre facette des inégalités femmes-hommes ? ».

 

 

 

 

 

 

 

[1] Dares Analyses (N° 021), La formation professionnelle continue – Une autre facette des inégalités femmes-hommes ?, juillet 2020