Quel reclassement lorsque l’inaptitude est limitée à l’entreprise?

Emploi
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- Auteur(e) : Evdokia Maria Liakopoulou

Dans un arrêt du 8 février 2023, la Cour de Cassation clarifie les contours de l’obligation de reclassement suite à l’avis d’inaptitude. Plus précisément, les Hauts magistrats jugent que, lorsque l’inaptitude vise tout emploi dans l’entreprise uniquement, la recherche d’un reclassement doit s’étendre au groupe auquel celle dernière appartient.

Pour rappel :

Selon l’Article L1226-2 du Code du travail : Lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4 à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

[…]

Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu'il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

De même, selon l’Article L1226-2-1 du même Code, lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement.

L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2 soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.

[...]

En l’espèce, une salariée en qualité d’employée polyvalente est placée en arrêt de travail à compter du 31 mai 2016. Environ une année plus tard, soit le 11 juillet 2017, elle est déclarée inapte suite à un avis du médecin du travail, avec la formulation « inapte ». L’avis précise aussi que « L’état du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi dans cette entreprise ». La salariée est par la suite licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 20 juillet 2017.

Saisis par la salariée de diverses demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail, les premiers juges déclarent le licenciement sans cause réelle et sérieuse. Ils considèrent en effet que l’inaptitude constatée par le médecin du travail ne faisait pas obstacle à tout reclassement dans un emploi tel que visé par l'article L1226-2-1, mais «dans un emploi dans cette entreprise ». Ce qui ne dispense pas l’employeur de rechercher un reclassement au sein du groupe d’entreprises auquel la société appartient.

L’employeur se pourvoit ainsi en cassation. La Haute juridiction confirme pourtant l’arrêt des premiers juges. Selon elle, les premiers juges ont bien déduit que l’avis du médecin avait indiqué que l’état de santé de la salariée faisait obstacle à tout reclassement dans cette entreprise, et ils ont bien relevé l'existence d'un groupe de reclassement. Or, en ne recherchant pas un reclassement dans les autres entreprises du groupe, l’employeur « avait ainsi manqué à son obligation de reclassement ».

Cass. Soc., 8 févr. 2023, n° 21-19.232 P.