Priorité d’accès à un temps plein : ce n’est pas au salarié de démontrer qu’il existait des postes à pourvoir

Emploi

- Auteur(e) : Evdokia Liakopoulou

Dans un arrêt rendu le 13 avril 2023, la Cour de Cassation précise les contours de la priorité d’emploi dont bénéficient les salariés à temps partiel qui ont exprimé leur souhait de passer à temps plein. Selon la Haute juridiction, il encombre à  l’employeur de prouver, en cas de litige, qu’il a bien porté à la connaissance des salariés concernés la présence ou l’absence de postes disponibles (ressortissant de la même catégorie professionnelle ou d’un emploi équivalent) au sein de l’entreprise.

Pour rappel :
Suivant l’Article L. 3123-3 du Code du travail : « Les salariés à temps partiel qui souhaitent occuper ou reprendre un emploi d'une durée au moins égale à celle mentionnée au premier alinéa de l'article L. 3123-7 ou un emploi à temps complet et les salariés à temps complet qui souhaitent occuper ou reprendre un emploi à temps partiel dans le même établissement ou, à défaut, dans la même entreprise ont priorité pour l'attribution d'un emploi ressortissant à leur catégorie professionnelle ou d'un emploi équivalent ou, si une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche étendu le prévoit, d'un emploi présentant des caractéristiques différentes.
L'employeur porte à la connaissance de ces salariés la liste des emplois disponibles correspondants ».

 

En l’espèce, une salariée engagée à temps partiel en qualité d’hôtesse-caissière-barmaid, a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, assortie du paiement de dommages-intérêts pour non-respect de la priorité d’embauche à temps plein. L’employeur conteste avoir recruté des salariés à temps complet dans sa catégorie professionnelle pendant la période litigieuse.

Les juges d’appel déboutent la salariée de sa dernière demande, en retenant qu’elle n’a pas justifié l’existence des emplois à temps plein correspondant à sa catégorie professionnelle. De cette manière, ils ont fait peser la charge de la preuve sur la salariée. Cela étant, elle se pourvoit en cassation.

La Cour de Cassation censure l’arrêt des premiers juges. Elle rappelle tout d’abord que les salariés à temps partiel sont prioritaires sur les postes qui se libèrent ou qu’ils se créent à temps complet. A cet égard, l'employeur doit porter à la connaissance des salariés concernés la liste des emplois disponibles correspondants avant tout recrutement extérieur.

Pour la Cour, en cas de litige portant sur cette dernière exigence,  « il appartient à l'employeur de rapporter la preuve qu'il a satisfait à son obligation », et cela de deux manières : « soit qu'il a porté à la connaissance du salarié la liste des postes disponibles ressortissant de sa catégorie professionnelle ou d'un emploi équivalent, soit en justifiant de l'absence de tels postes ». Or, en exigeant de la seule salariée qu'elle produise ces éléments, les premiers juges inversent la charge de la preuve et violent l’article L. 3123-3 du Code du travail. La Cour souligne que c’est à l’employeur de produire de tels éléments, sous peine de dommages et intérêts.

Cass., Soc., 13 avr. 2023, pourvoi nº 21-19.742