Les mesures de la GPEC affectant le volume ou la structure des effectifs sont soumises à la consultation du CSE

Emploi
Gestion de l'emploi

- Auteur(e) : Evdokia Maria Liakopoulou

Dans un arrêt rendu le 29 mars 2023, la Cour de Cassation clarifie la portée de la dispense de consultation du comité social et économique (CSE), lorsqu’un accord a été conclu dans l’un de domaines prévus par la section relative à ses attributions et plus spécifiquement dans le domaine de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC).

Pour rappel :

Consultations ponctuelles du CSE : Selon l’article L. 2312-8 du Code du travail, « […] Le comité est informé et consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise, notamment sur :

1° Les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs ;

2° La modification de son organisation économique ou juridique ;

3° Les conditions d'emploi, de travail, notamment la durée du travail, et la formation professionnelle ;

4° L'introduction de nouvelles technologies, tout aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail ;

5° Les mesures prises en vue de faciliter la mise, la remise ou le maintien au travail des accidentés du travail, des invalides de guerre, des invalides civils, des personnes atteintes de maladies chroniques évolutives et des travailleurs handicapés, notamment sur l'aménagement des postes de travail.

Le comité est informé et consulté sur les conséquences environnementales de ces mesures […] ».

Consultations récurrentes du CSE : Selon l’article L.2312-17 du code du Travail, « Le comité social et économique est consulté dans les conditions définies à la présente section sur : 1° Les orientations stratégiques de l'entreprise ; 2° La situation économique et financière de l'entreprise ; 3° La politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi. Au cours de ces consultations, le comité est informé des conséquences environnementales de l'activité de l'entreprise».

Par ailleurs, suivant l’article L.2312-24 du code du Travail: « Le comité social et économique est consulté sur les orientations stratégiques de l'entreprise, définies par l'organe chargé de l'administration ou de la surveillance de l'entreprise, et sur leurs conséquences sur l'activité, l'emploi, l'évolution des métiers et des compétences, l'organisation du travail, le recours à la sous-traitance, à l'intérim, à des contrats temporaires et à des stages. Cette consultation porte, en outre, sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, sur les orientations de la formation professionnelle et sur le plan de développement des compétences.

 […] ».

Toutefois, l’article L.2312-14 du même code prévoit que : « Les décisions de l'employeur sont précédées de la consultation du comité social et économique, sauf, en application de l'article L. 2312-49, avant le lancement d'une offre publique d'acquisition. Les projets d'accord collectif, leur révision ou leur dénonciation ne sont pas soumis à la consultation du comité. Les entreprises ayant conclu un accord relatif à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ne sont pas soumises, dans ce domaine, à l'obligation de consultation du comité social et économique ».

En l’espèce, un groupe a conclu un accord sur la GPEC. Quelques mois plus tard, le CSE d’un établissement a été informé de la mise en œuvre d’un « projet d’adaptation des compétences », dénommé « Plan équilibre », qui découlait de l’accord GPEC. Ledit projet prévoyait une « adaptation des compétences (15 à 20 postes) » impliquant une série de mobilités. Estimant qu'ils auraient dû être consultés sur ce plan préalablement à sa mise en œuvre, le comité social et économique central et le comité social et économique de l'établissement ont saisi le tribunal judiciaire.

La Cour d’appel donne droit à leur demande en retenant que ledit projet, tel qu’il découle de l’accord GPEC, engendrait des conséquences sur le volume ou la structure des effectifs, justifiant une obligation de consultation spécifique du CSE. La Cour a ainsi ordonné à l’employeur : l’ouverture d’une consultation du CSE central et du CSE d’établissement sur le projet ; la communication au CSE central et au CSE d’établissement de l’ensemble des informations nécessaires leur permettant d’appréhender le projet et ses conséquences sur les conditions de travail et l’emploi des salariés ; ainsi que la suspension de la mise en œuvre du plan tant que la consultation du CSE central et du CSE d’établissement n’aurait pas été menée à son terme.

C’est ainsi que l’employeur se pourvoit en cassation, en invoquant que le projet en cause entrait dans le champ d’application de l’accord de GPEC, donc exempté de la  consultation du CSE.

Cependant, la Cour de Cassation confirme l’arrêt des juges d’appel. Pour se prononcer, la Cour se base sur l’effet utile de l’obligation d’information et de consultation telle que prévue tant par le cadre législatif national que par la directive 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2002.

Elle juge en effet que « si, les entreprises ayant conclu un accord GPEC ne sont pas soumises à l’obligation de consultation du CSE dans cadre de la consultation récurrente » (article L.2312-14 du Code du travail), sont, en revanche, soumises à consultation « les mesures ponctuelles intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise au sens de l'article L. 2312-8 du code du travail, notamment celles de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, quand bien même elles résulteraient de la mise en œuvre de l'accord de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ».

Cass., Soc., Pourvoi n° 21-17.729