Délégué syndical : la renonciation au mandat n’est pas définitive

Syndicats

- Auteur(e) : Evdokia Maria Liakopoulou

Dans un arrêt rendu le 19 avril 2023, la Cour de Cassation clarifie l’ambiguïté que présentent les règles relatives à la renonciation, par un candidat ou un élu ayant obtenu au moins 10 % des voix aux dernières élections au CSE, à être désigné délégué syndical. La Cour précise que, si le délégué syndical peut renoncer à son mandant, l’organisation syndicale conserve toutefois la possibilité de procéder, à nouveau, à la désignation en cette même qualité au cours du même cycle électoral.

Pour rappel :

L’article L. 2143-3 du Code du travail prévoit que :

« Chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise ou l'établissement d'au moins cinquante salariés, qui constitue une section syndicale, désigne parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli à titre personnel et dans leur collège au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité social et économique, quel que soit le nombre de votants, dans les limites fixées à l'article L. 2143-12, un ou plusieurs délégués syndicaux pour la représenter auprès de l'employeur.

Si aucun des candidats présentés par l'organisation syndicale aux élections professionnelles ne remplit les conditions mentionnées au premier alinéa du présent article ou s'il ne reste, dans l'entreprise ou l'établissement, plus aucun candidat aux élections professionnelles qui remplit les conditions mentionnées au même premier alinéa, ou si l'ensemble des élus qui remplissent les conditions mentionnées audit premier alinéa renoncent par écrit à leur droit d'être désigné délégué syndical, une organisation syndicale représentative peut désigner un délégué syndical parmi les autres candidats, ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l'entreprise ou de l'établissement ou parmi ses anciens élus ayant atteint la limite de durée d'exercice du mandat au comité social et économique fixée au deuxième alinéa de l'article L. 2314-33 ».

[…]

En l’espèce, une candidate présentée par une organisation syndicale représentative qui avait obtenu au moins 10 % des suffrages à l'issue des élections professionnelles, a été désignée déléguée syndicale. Peu après, elle renonce à cette désignation par écrit. Par la suite, le syndicat désigne l’une de ses adhérentes pour la remplacer à cette fonction. Pourtant, après une année et au cours du même cycle électoral, le syndicat désigne à nouveau cette salariée en remplacement d’un autre délégué syndical.

L’employeur a saisi le tribunal judiciaire d’une demande d’annulation de la désignation de la déléguée syndicale en cause, intervenue postérieurement à son désistement. L’employeur soutient que la renonciation au droit d'être désigné délégué syndical  est définitive et vaut, en conséquence, pour toute la durée du cycle électoral restant à courir jusqu'aux prochaines élections. Or, pour déclarer cette désignation valable, le tribunal juge que « la salariée, qui était revenue sur sa renonciation à son droit d’être désignée DS en manifestant son souhait d’être désignée en cette qualité lors de la fin d’un mandat, remplissait toujours les conditions pour être désignée ».

La Cour de Cassation s’aligne à cette position, en procédant à une interprétation souple de l’article L. 2143-3 du Code du travail. C’est pour éviter l’absence de délégué syndical dans les entreprises que le Code du travail organise la possibilité pour une organisation syndicale, lorsque tous les élus ont renoncé à leur droit d’être désigné, de choisir parmi les autres candidats ou, à défaut, parmi les adhérents du syndicat au sein de l’entreprise ou l’établissement ou parmi les anciens élus ayant atteint la limite de durée d’exercice du mandat au comité social et économique.

Cohérent à cette interprétation, est le caractère non définitif de la renonciation, qui « n'a pas pour conséquence de priver l'organisation syndicale de la possibilité de désigner ultérieurement, au cours du même cycle électoral, l'auteur de la renonciation en qualité de délégué syndical ».

N.B. Dans son avis, l’avocate générale, Mme Laulom, attire l’attention sur la nécessité «de ne pas soumettre l’exception de l’article L. 2143-3 du Code du travail à un formalisme excessif ». Selon elle, « admettre qu’une renonciation n’exclut pas la possibilité pour une organisation syndicale de désigner ultérieurement un salarié, ayant renoncé à exercer un mandat, ne signifie pas que le syndicat ait l’obligation, pour chaque nouvelle désignation, de redemander aux candidats de renoncer à nouveau à être désigné ».

Cass., Soc., 19 avr. 2023, nº 21-23.348