Santé au travail et changement climatique : les défis à relever et les pistes à creuser (avis CESE)

Qualité de vie au travail
Conditions du travail

- Auteur(e) : Evdokia Maria Liakopoulou

« Le dérèglement climatique et plus généralement la dégradation de l’environnement peut affecter la santé des salariés », estime 70% des participants à l’enquête menée par le Conseil économique social et environnemental (CESE)[1]. Et pour cause : episodes caniculaires, équipements de protection individuelle inadaptés, augmentation des risques psychosociaux dans certaines activités. Exploitant ces données, le CESE rend, le 25 avril 2023, un avis intitulé « Travail et santé-environnement : quels défis à relever face aux dérèglements climatiques ? ». Parmi ses 17 recommandations visant à « promouvoir une vision globale de la santé et des actions compatibles avec l’enjeu d’atténuation du changement climatique », figure la mobilisation tant des entreprises et des branches pour accélérer la prise en compte des risques environnementaux.

  • Faire primer une stratégie de prévention des risques environnementaux au sein des entreprises

« Les acteurs du dialogue social doivent passer d’une logique de gestion de crise à une logique de prévention », suggère le CESE, en s’inspirant des diverses crises et des nouveaux facteurs de risque qui ont bouleversé l’activité des salariés. Il incombe, en premier lieu, aux employeurs de s’engager dans une démarche de prévention moyennant l’élaboration/actualisation du document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP). En s’appuyant sur les données de l’enquête susmentionnée, le CESE révèle qu’environ la moitié des employeurs ne souscrivent pas à cette obligation. Une meilleure mise en œuvre du dispositif et une association satisfaisante des travailleurs et de leurs représentants à l’identification des risques, passerait par un accompagnement plus poussé des employeurs notamment par les SPST. De manière plus drastique encore, le texte preconise de conditionner l’attribution et le maintien des aides publiques au respect par l’entreprise de cette obligation.

Selon le texte, c’est aussi dans le cadre des négociations en entreprise portant à l’organisation et aux conditions de travail que pourront être anticipés des plans de continuité de l’activité permettant de s’adapter aux impacts du dérèglement climatique. Au-delà, l’enjeu pour le CESE est de savoir comment intégrer ce risque, de manière permanente, dans la négociation collective.

  • Faire la santé-environnement un véritable enjeu de dialogue social

Le CESE met en avant le rôle des branches dans la prise en compte des impacts du changement climatique. Q titre d'exemple, dans les secteurs particulièrement touchés, tels que le BTP, les négociations cadres entre les partenaires sociaux pourraient insérer la canicule dans le champ des intempéries, ouvrant droit au dispositif du régime de chômage-intempéries. Par ailleurs, le texte propose d’intégrer les conséquences du dérèglement climatique dans les obligations de négociation de branche sur les conditions de travail, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et sur la prise en compte des effets de l’exposition au facteur de risque professionnel[2].

Une place importante dans le dialogue social environnemental est occupée par l’élargissement des attributions du CSE. En effet, dans le cadre des consultations ponctuelles du CSE, une obligation spécifique d’information-consultation sur les conséquences environnementales est prévue[3]. Si le CESE se félicite de cette avancée, il constate que le droit d’information-consultation reste partiel : dans le cadre des consultations récurrentes portant sur les orientations stratégiques, la situation économique et financière de l’entreprise ou encore sa politique sociale, le CSE est simplement informé sur les impacts environnementaux[4]. Le texte insiste ainsi sur la nécessité d'une consultation systématique du CSE «sur les conséquences environnementales ainsi que leurs effets sur les salariés lors de l’examen des thèmes de consultations récurrentes ». Dans cet objectif, il préconise également l’intégration de la santé-environnement dans la base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE).

Le CESE mise particulièrement sur la sensibilisation et la formation des acteurs du monde du travail, employeurs, salariés et leurs représentants. Il réclame ainsi, un renforcement des droits à la formation des élus au CSE et aux comités sociaux des fonctions publiques sur les questions environnementales, ainsi qu’une extension du dispositif de formation commune prévu à l’article L. 2212-1 du Code du travail, afin qu’il englobe de manière spécifique les thématiques environnementales et de santé-environnement.

[1] CESE, Quel impact du dérèglement climatique sur la santé au travail ?, 14 février 2023.

[2] Article L. 2241-1 du Code du travail.

[3]  Article L. 2312-8, III du Code du travail.

[4] Article L. 2312-17 du Code du travail.

Vous trouverez, ci-après, l’intégralité de l’avis du CESE « Travail et santé-environnement : quels défis à relever face aux dérèglements climatiques ? », 25 avr. 2023.