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Lettre d'information n°158 Septembre-Octobre 2025

Editorial

La semaine de quatre jours continue de susciter débats et expérimentations. Réduction du temps de travail, attractivité, bien-être, performance : les enjeux sont multiples, mais les retours d’expérience se multiplient et permettent aujourd’hui d’en mesurer plus finement les effets.

Lors de notre dernier webinaire, Pauline Grimaud a présenté les résultats de ses travaux de recherche, qui offrent un regard éclairant sur cette transformation des organisations du travail. Son étude montre que la semaine de quatre jours ne se résume pas à une simple réorganisation des horaires : elle interroge les pratiques managériales, les collectifs de travail et le rapport au temps.

Cette lettre revient sur les principaux enseignements de cette recherche et sur les points de vigilance à avoir quand un collectif souhaite expérimenter ce nouveau mode d'organisation du travail. Vous trouverez également des exemples d'accords collectifs sur ce thème, issus du site dialogue-social.fr

Bonne lecture !

  

 

 


Compte-rendu du webinaire sur la semaine de 4 jours Les RDV du dialogue social organisés par l’Institut du travail de Strasbourg

Le 24 avril 2025, l’Institut du Travail de Strasbourg, en partenariat avec la DREETS Grand Est, a organisé un webinaire consacré à la semaine de quatre jours, dans le cadre des Rendez-vous du Dialogue Social.

Lors de cette web conférence, Pauline Grimaud, maîtresse de conférences à l’Université de Tours, a présenté les résultats de ses recherches portant sur la mise en œuvre et les effets de la semaine de quatre jours dans différentes entreprises, à partir de l’analyse des accords collectifs signés en 2023[1].

  1. Présentation globale de l’étude

Contexte

En introduction, l’intervenante replace son étude dans le contexte actuel : « depuis la crise sanitaire, l’intérêt pour la semaine de quatre jours s’est fortement accru, tant à l’échelle nationale qu’internationale ».

En France, ce dispositif suscite un engouement croissant, aussi bien du côté des directions que des pouvoirs publics. Pauline Grimaud cite notamment l’exemple du PDG du groupe LDLC, qui en fait la promotion dans les médias, ainsi que celui de l’ancien Premier ministre Gabriel Attal, favorable à des expérimentations au sein de la fonction publique.

Mais l’intérêt le plus marqué vient des salariés eux-mêmes. L’intervenante s’appuie sur une enquête récente du CREDOC portant sur la popularité des différentes formes d’organisation du travail : selon cette étude, la semaine de quatre jours est perçue comme le modèle idéal par la majorité des travailleurs français[2].

Pourtant, à ce jour, aucune mesure législative n’encourage explicitement ce mode d’organisation. Comme le souligne Pauline Grimaud, « le Code du travail n’interdit pas la semaine de quatre jours, mais il en autorise seulement l’adoption au cas par cas ». Les données du ministère du Travail confirment d’ailleurs la rareté du dispositif : en 2023, environ 10 000 salariés travaillaient à temps plein selon une organisation sur quatre jours.

Fait surprenant, l’intervenante observe que seules quelques entreprises, très médiatisées, incarnent ce modèle de réduction du temps de travail – parmi elles LDLC, IT Partner ou encore Welcome to the Jungle. Cette surreprésentation médiatique conduit la chercheuse à s’interroger : ces exemples emblématiques reflètent-ils réellement la diversité des accords collectifs conclus en France ?

Problématique et hypothèses

À travers son étude, Pauline Grimaud cherche à proposer une vision d’ensemble de ce que recouvre concrètement la semaine de quatre jours, tant du point de vue des pratiques mises en œuvre par les entreprises que des enjeux qu’elle soulève pour leurs acteurs. Pour cela, elle s’attache à répondre à trois grandes questions :

  • Parle-t-on réellement d’une semaine de quatre jours ou d’un travail en quatre jours dans les entreprises ?
  • Quels changements ce dispositif induit-il sur les horaires et les rythmes de travail ?
  • Quels secteurs d’activité et quels profils de salariés sont concernés ?

Deux hypothèses structurent le point de départ de sa recherche.

La première inscrit la semaine de quatre jours dans la continuité du mouvement historique de réduction du temps de travail. Comme le souligne Pauline Grimaud, certains économistes, à l’image de Pedro Gomez, considèrent ce dispositif comme une étape supplémentaire dans l’évolution des sociétés industrielles : l’amélioration de la productivité du travail permettrait une diminution progressive de la durée travaillée par les salariés.

La seconde hypothèse envisage, surtout, la semaine de quatre jours comme une nouvelle forme de flexibilisation du temps de travail. Depuis les années 1980, rappelle l’intervenante, la durée du travail tend en effet à devenir un outil d’ajustement, permettant aux entreprises de concilier leurs contraintes de production avec les fluctuations du marché.

Méthodologie

Les travaux de Pauline Grimaud reposent sur une analyse à la fois qualitative et quantitative de 250 accords collectifs signés en 2023, sélectionnés aléatoirement sur le site Légifrance. Ces accords comportaient les expressions « semaine de quatre jours », « quatre jours de travail » ou « travail sur quatre jours ».

Cette étude met en évidence une progression notable du nombre d’accords mentionnant la semaine de quatre jours entre 2020 et 2023. Comme le souligne l’intervenante, « la conclusion de ce type d’accords se faisait encore très timidement entre 2018 et 2020, puis elle s’est accélérée à partir de 2020, pour atteindre 459 accords en 2023 ».

Cependant, rapporté à l’ensemble des accords signés dans les entreprises françaises, ce chiffre demeure marginal. « Rien qu’en 2023, plus de 17 000 accords portaient sur le temps de travail », nuance Pauline Grimaud, rappelant ainsi la relative rareté du dispositif.

Sur les 250 accords étudiés, 150 mettent effectivement en œuvre une organisation sur quatre jours, tandis que les 100 autres se contentent d’en évoquer la possibilité. Si la chercheuse concentre son analyse sur les premiers, elle juge les seconds tout aussi révélateurs : «La simple mention de la semaine de quatre jours témoigne de la popularité grandissante de cette forme d’organisation du travail. Elle traduit également les échanges et les négociations en cours entre représentants du personnel et directions autour de cette question ».

  1. Les résultats de l’étude
  • Le bien-être au travail, motif principal des accords sur la semaine de quatre jours 

L’analyse des préambules des accords étudiés révèle, selon Pauline Grimaud, une récurrence marquée d’un même argument : la recherche du « bien-être au travail » comme principale justification de la mise en place de la semaine de quatre jours.

À titre d’illustration, elle cite le préambule d’un accord signé le 9 juin 2023 par une entreprise du secteur automobile : « La politique sociale de l’entreprise est guidée depuis plusieurs années par le souci d’assurer à l’ensemble des collaborateurs un véritable bien-être au travail, tout en préservant la compétitivité de l’entreprise ». Plus loin, le texte précise que « la direction est convaincue que cette approche sociale, reposant sur le bien-être au travail, développera dans l’entreprise une conception de l’efficacité et de la performance respectueuse de la santé des salariés, favorisant leur motivation et leur implication, contribuant à leur épanouissement professionnel, tout en améliorant l’ambiance de travail au sein des équipes ».

« Ce type de formulations est typique de la majorité des accords », remarque l’intervenante, précisant que parmi les 150 accords effectivement applicatifs recensés dans son corpus, « environ la moitié évoque explicitement le bien-être au travail ».

Toutefois, la chercheuse souligne que la conception du bien-être ainsi mobilisée mérite d’être interrogée. « Il s’agit d’un bien-être au travail pensé avant tout comme un levier de compétitivité pour l’entreprise », observe-t-elle. Autrement dit, la promotion du bien-être et de la motivation des salariés apparaît moins comme une finalité en soi que comme un moyen au service de la performance économique et de la productivité organisationnelle.

  • La semaine de quatre jours : une semaine compressée

L’analyse des accords menée par Pauline Grimaud montre que la semaine de quatre jours négociée dans les entreprises correspond, dans la grande majorité des cas, à une semaine compressée, c’est-à-dire sans réduction effective de la durée du travail.

Plusieurs constats étayent ce résultat. Tout d’abord, la semaine de quatre jours ne constitue pas une nouvelle forme de temps partiel : « seuls deux accords sur 150 prévoient une diminution de la durée du travail accompagnée d’une baisse de rémunération », précise l’intervenante.

Ensuite, la très grande majorité des accords étudiés ne modifient ni la durée du travail ni le niveau de rémunération : « pour 133 accords sur 150, il s’agit de compresser la semaine de travail sur quatre jours, sans réduction du volume horaire hebdomadaire ».

Une minorité d’accords prévoit toutefois une réduction du temps de travail, mais cette orientation appelle des nuances. Parmi ces textes, il convient de distinguer deux situations :

  • La première concerne les entreprises dont la durée hebdomadaire du travail était supérieure à 35 heures (souvent 39 heures). En adoptant la semaine de quatre jours, elles ramènent cette durée à 35 heures, mais en contrepartie de la suppression des jours de RTT. « Ainsi, si l’on considère la durée annuelle du travail, il n’y a pas de réduction réelle du temps de travail ».
  • La seconde correspond à des entreprises qui abaissent la durée hebdomadaire en deçà du seuil légal, généralement à 32 heures. « C’est la seule situation où l’on peut véritablement parler d’une réduction du temps de travail sans perte de salaire », souligne Pauline Grimaud.

Cette dernière configuration demeure néanmoins très marginale : elle ne représente qu’environ 5 % des accords de l’échantillon étudié, et correspond pour la plupart à des entreprises fortement médiatisées autour de leur passage à la semaine de quatre jours.

  • Les conséquences de la semaine compressée

Sans surprise, Pauline Grimaud observe que la mise en place d’une semaine compressée entraîne mécaniquement un allongement de la durée quotidienne de travail : « si l’on ne réduit pas la durée hebdomadaire du travail, cela signifie que les journées s’allongent », explique-t-elle.

Concrètement, cela correspond à un temps de travail effectif d’environ 8h45 par jour pour les salariés soumis à une durée hebdomadaire de 35 heures, et 9h45 pour ceux travaillant 39 heures. À cela s’ajoute le temps de pause — notamment la pause méridienne — ce qui porte l’amplitude journalière à près de 10 heures, voire davantage dans certains cas.

Au-delà de la durée, c’est également le rythme de travail qui se transforme. Selon la chercheuse, celui-ci reste le plus souvent inchangé, voire intensifié : « aucun des accords étudiés ne mentionne une baisse de la charge de travail ; au contraire, ils précisent systématiquement que la charge demeurera identique. Et cela vaut même pour les rares accords qui réduisent effectivement la durée hebdomadaire du travail », note-t-elle avec étonnement.

Cette observation renforce l’idée selon laquelle la réussite du dispositif repose avant tout sur la motivation et l’engagement des salariés, censés « faire autant en moins de temps » et, par là même, soutenir la performance de l’entreprise. Une logique que Pauline Grimaud invite toutefois à examiner avec prudence : « on peut y voir l’expression d’une intensification du travail, c’est-à-dire l’exigence de produire davantage dans un temps identique », avertit-elle.

Ce constat explique également pourquoi aucun accord n’évoque la création d’emplois. Le principe sous-jacent reste celui d’une productivité équivalente ou supérieure sans embauche supplémentaire. Or, cette orientation s’éloigne nettement de l’esprit originel du dispositif : « dès les années 1990, la loi Robien — qui a précédé les lois Aubry — concevait la semaine de quatre jours comme un levier de création d’emplois, fondé sur le partage du temps de travail », rappelle la chercheuse.

En définitive, ces éléments amènent Pauline Grimaud à considérer que la semaine de quatre jours contribue à renforcer ce qu’elle nomme, à la suite des chercheurs Corinne Gaudart et Serge Volkoff, le « modèle de la hâte »[3] : « ce concept décrit la manière dont les injonctions temporelles contemporaines poussent les travailleurs à accomplir leurs tâches dans un temps toujours plus contraint ».

Ainsi, conclut-elle, la semaine de quatre jours s’inscrit pleinement dans cette dynamique : « on travaille sur un nombre de jours réduit, mais de façon plus pressée et plus intensifiée ».

  • Des inégalités dans l’organisation des semaines de quatre jours

L’étude des 150 accords mettant concrètement en œuvre la semaine de quatre jours met en évidence une grande diversité des formes d’organisation du travail. Pauline Grimaud distingue ainsi trois principaux modèles : la semaine de quatre jours sur cinq, la semaine modulée et la semaine sur sept jours.

La semaine de quatre jours sur cinq

Ce premier modèle, qualifié de classique, est également le plus répandu : il concerne 63 % des accords étudiés. Comme l’explique l’intervenante, « c’est la configuration la plus évidente et la plus courante ».

Les secteurs concernés sont variés, mais deux grands ensembles se dégagent : d’un côté, l’industrie et la construction, et de l’autre, les emplois de bureau et de services. Contrairement à une idée reçue, « la semaine de quatre jours n’est pas l’apanage des activités tertiaires », souligne la chercheuse.

Dans le premier cas de figure (industrie et construction), le travail est généralement organisé du lundi au jeudi, le vendredi devenant le jour non travaillé.

Dans le second (emplois de bureau et services), le dispositif repose sur une organisation sur cinq jours, chaque salarié disposant d’une journée de repos fixe ou tournante, souvent le lundi, le mercredi ou le vendredi.

Pauline Grimaud met également en lumière le lien étroit entre cette forme de semaine de quatre jours et la diffusion du télétravail. « Le dispositif est fréquemment présenté comme un substitut partiel au télétravail — visant à le réduire, voire à le supprimer pour certains salariés — ou comme une compensation pour ceux qui occupent des postes non éligibles », explique-t-elle.

Cette observation est confortée par l’existence de plusieurs accords prévoyant un télétravail pour les fonctions administratives, tandis que les salariés soumis à une présence obligatoire sur site bénéficient, en contrepartie, de la semaine de quatre jours.

La semaine de quatre jours modulée

Le deuxième modèle, présent dans 20 % des accords analysés, correspond à ce que Pauline Grimaud désigne comme la semaine de quatre jours modulée. Celle-ci concerne des secteurs variés et repose sur une logique de flexibilisation du temps de travail.

Dans ce cas, la semaine de quatre jours devient un outil de modulation, permettant d’ajuster la charge de travail en fonction des fluctuations d’activité — saisonnalité, carnets de commandes, ou variations de la demande.

« Ce qui est notable ici », observe la chercheuse, « c’est que le temps de travail est pensé comme une variable d’ajustement en fonction de l’activité de l’entreprise » .

L’organisation du temps de travail est alors pluri-hebdomadaire : elle peut s’étendre sur un cycle court ou sur l’année entière. Les accords distinguent généralement :

  • des périodes de basse activité, marquées par des semaines de quatre jours comptant entre 30 et 32 heures ;
  • et des périodes de haute activité, où les semaines s’allongent à cinq voire six jours, avec des durées pouvant atteindre 40 heures ou plus.

La semaine de quatre jours sur sept

Enfin, le troisième modèle, représentant 16 % des accords étudiés, se caractérise par une organisation du travail sur six ou sept jours, avec un roulement pluri-hebdomadaire permettant à chaque salarié de ne travailler que quatre jours par semaine.

Ce type de configuration est principalement observé dans les secteurs de la santé, les services à la personne, les centres d’appels et le commerce — autrement dit, dans les activités nécessitant une large amplitude horaire pour répondre aux besoins des clients, du public ou des patients. Initialement, ce modèle est souvent présenté comme une contrepartie à une forte disponibilité ou à des horaires atypiques.

Cependant, cette justification mérite d’être nuancée. Comme le souligne Pauline Grimaud, « cette forme de semaine de quatre jours peut aussi servir à encourager, voire à faire accepter le travail le week-end ou la prise de jours de repos non consécutifs ». Elle illustre ce constat par un exemple : un accord signé le 14 novembre 2023 propose aux salariés de choisir une semaine de quatre jours, à condition d’accepter deux week-ends travaillés par mois.

  1. Conclusion

La présentation de Pauline Grimaud s’achève sur trois remarques conclusives qui synthétisent les principaux enseignements de son analyse.

Premièrement, la chercheuse rappelle que la semaine de quatre jours, telle qu’elle est majoritairement mise en œuvre, n’entraîne que très peu, voire pas du tout, de réduction effective du temps de travail. Ce constat conduit, selon elle, à considérer le dispositif comme une nouvelle modalité de flexibilisation du temps de travail, davantage qu’une mesure de réduction.

Deuxièmement, elle revient sur la conception paradoxale du bien-être au travail qui sous-tend nombre d’accords. Ce bien-être est avant tout associé au hors-travail, c’est-à-dire au gain d’un troisième jour de repos, perçu comme une échappatoire à un rythme professionnel de plus en plus intense. « Le paradoxe, souligne-t-elle, est que ce jour de repos supplémentaire peut aussi contribuer à comprimer davantage un travail déjà vécu comme pressé. »

Enfin, Pauline Grimaud insiste sur l’ambivalence du dispositif au regard de l’articulation entre vie professionnelle et vie personnelle. Le troisième type de semaine de quatre jours, notamment, s’accompagne souvent d’horaires atypiques – travail en soirée, le week-end, ou jours de repos non consécutifs – qui risquent de fragiliser l’équilibre des temps sociaux plutôt que de le renforcer. « La semaine de quatre jours, dans certaines configurations, ne favorise pas nécessairement la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle », conclut-elle.

Questions-Réponses

Certains participants reviennent sur l'articulation du dispositif avec le télétravail, notamment dans un contexte, désormais, de diminution du télétravail.

« Justement, c’est dans ce contexte postpandémique que la semaine de quatre jours acquiert une popularité croissante auprès des DRH et des représentants de direction, comme moyen de réduire le télétravail », clarifie l’intervenante.

D’autres demandent des informations supplémentaires concernant la taille des entreprises concernées.

L’intervenante admet qu’une des difficultés de l’étude est de prendre en compte l’élément de la taille des entreprises concernées. La raison est que, bien souvent, les accords ont un caractère expérimental : « les accords mettent en place des expérimentations de la semaine de quatre jours des fois uniquement sur un service de quelques dizaines, voire quelques centaines de salariés, et des fois à toute l'entreprise. Il faudrait donc à chaque fois savoir quels sont précisément les salariés concernés dans l’entreprise et c’est rarement possible avec les seuls accords ». Par ailleurs, certains accords ne portent finalement que sur la généralisation de la semaine de quatre jours à tel ou tel salarié ou à toute l'entreprise, suite à une expérimentation favorable menée préalablement dans l’entreprise. Ce qui est pour le moins sûr, est que la recherche a pu identifier assez peu de grands groupes mettant en place le dispositif. 

Des informations supplémentaires sur le suivi et le bilan de ces accords ont également été demandées.

Le caractère expérimental de plupart de ces accords déjà décrit, justifie la présence des dispositions sur le bilan et le suivi. L’analyse des accords fait émerger deux types de bilan. Le premier est un type de « point d’étape minimal », qui consiste en l’organisation d’un sondage auprès des salariés sur leur volonté de poursuive ou pas l’expérimentation. « Très souvent, les résultats de ces sondages sont mentionnés dans les accords et sont, logiquement, significativement positifs », révèle Pauline Grimaud. Le deuxième bilan soumet la prolongation de l’expérimentation à la satisfaction de certains indicateurs : « certaines entreprises se réservent le droit de revenir sur cette organisation du travail si un certain nombre d'indicateurs devient défavorable, parmi lesquels se trouvent le plus souvent le turnover et le niveau de production ».

Concernant les bénéficiaires, certains participants demandent si ce sont plutôt les femmes ou les hommes qui sont concernées par le dispositif. De même, si ces accords s’appliquent aussi aux salariés au forfait jours.

« La plupart des accords n'exclut pas les salariés au forfait jours et contient des manières de calculer leurs jours de travail », répond l’intervenante. Au contraire, elle ne dispose pas beaucoup d’informations concernant l’application du dispositif davantage aux femmes ou aux hommes. « Ce qui est pour le moins sûr, est qu’au départ, la semaine de quatre jours a été promue comme une mesure très favorable pour les femmes, qui ne seraient plus obligées de travailler à 80% et pourraient s'occuper de leur enfant le cinquième jour. Aujourd’hui, cet argument est très largement mis en cause de fait des journées de travail allongées ».

Est-ce que la question des heures supplémentaires continue à être présente dans les dispositifs récents ?

L’intervenante distingue selon les dispositifs en place. En cas de semaine de quatre jours sur cinq ou de quatre jours sur sept, « à priori, il n’y a pas de raison pour que les heures supplémentaires soient moins comptabilisées. Au contraire, en cas de semaine de quatre jours modulée, avec des périodes basses ou intenses de travail, « là effectivement, le but, c'est justement de ne plus payer les heures supplémentaires », confirme l’intervenante.

La question du bien-être intéresse plusieurs participants. Est-ce que c’est le bien-être au travail qui est l'objectif principal, ou c'est plutôt une mesure en faveur de l'organisation du travail ?

L’intervenante réitère ses propos concernant les argumentations qui entourent la mise en place du dispositif de la semaine de quatre jours : « ce qui est mis en avant est le bien-être au travail, mais au service de la compétitivité des entreprises. En réalité, si le dispositif intéresse autant les représentants de direction, est parce qu’il est vu comme favorable tant à l'organisation du travail qu’à une plus grande productivité des travailleurs ».

 

 

 

 

 

[1] Grimaud P., « La semaine de 4 jours : travailler moins tout en travaillant...plus? », Connaissance de l’emploi

, n°199, septembre 2024. ceet.cnam.fr/publications/connaissance-de-l-emploi/la-semaine-de-4-jours-travailler-moins-tout-en-travaillant-plus--1499952.kjsp

[2] Berhuet, S., Blake, H., Hoibian, S., & Millot, C. (2024). Semaine en 4 jours, horaires flexibles : des formules qui séduisent, mais dont les avantages pour l’ensemble des salariés restent à démontrer. Crédoc, Sourcing Crédoc Sou2023-4924.

[3] Gaudart C., Volkoff S., Le travail pressé. Pour une écologie des temps du travail, Les petits matins, 2022.

 

 

 


Trois exemples d’accords signés sur la semaine de 4 jours

Les salariés de l’Urssaf Caisse nationale peuvent expérimenter la semaine en quatre jours

Dans un souci « de soutien à l'attractivité des métiers, d'efficience du service public, d'amélioration des conditions de travail et de conciliation entre la vie professionnelle et personnelle », l’Urssaf Caisse nationale expérimente la semaine en quatre jours. Ainsi, la direction et les organisations syndicales CFDT, CGT et FO concluent, le 16 juin 2025, un accord prévoyant les modalités de mise en place de ce dispositif. 

Le tableau synthétique, ci-après, présente les grandes lignes du dispositif :

Accord relatif à l'expérimentation de la semaine en quatre jours au sein de l'Urssaf Caisse nationale

Eligibilité

  • Tous les salariés à temps plein dont le temps de travail est décompté en heures ;
  • Sont exclus : les salariés en forfait-jours, les cadres dirigeants, les alternants, les stagiaires et les managers.

Mise en œuvre

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  • Demande

La demande du salarié volontaire de recourir à ce dispositif est soumise à la validation de la DRH et du responsable hiérarchique.

  • Organisation du temps de travail

-La semaine de travail est d’une durée de 36 heures, sur quatre jours, ce qui implique 9 heures de travail par jour et l'acquisition de 3 jours RTT par an ;

-L’avenant au contrat de travail précise la répartition des jours travaillés et du jour non travaillé sur la semaine, comme convenu par le salarié et son responsable hiérarchique ;

-En principe, les jours travaillés et le jour non travaillé ne peuvent pas être modifiés. Par exception, le responsable hiérarchique pourra le faire en cas de : départ en formation, remplacement ponctuel impératif « dans le cas d’une absence imprévue pour assurer la continuité du service », ou de réunions et de manifestations collectives « non récurrentes où la présence est jugée nécessaire ».

Cette modification doit être notifiée au moins 7 jours ouvrés en amont.

Articulation avec le télétravail

L'expérimentation du dispositif ne modifie pas les règles relatives à la présence sur site du salarié prévues par l'accord relatif au travail à distance en vigueur.

Fin du dispositif

Tant le salarié que la direction peuvent demander le retour à la semaine de cinq jours.

Si cette demande est à l’initiative du salarié, un préavis d’un mois civil complet doit être respecté.

Si la direction « constate que l'organisation du travail présente un risque pour la santé et la sécurité du salarié ou des difficultés professionnelles importantes », la décision de réversibilité doit être précédée d'une alerte écrite du responsable hiérarchique, assortie de leviers de compréhension en vue de remédier aux difficultés ou insuffisances rencontrées par le salarié. En l’absence d’amélioration suffisante, la réversibilité pourra être mise en œuvre, sous réserve de respecter un délai de prévenance d'un mois civil complet.

Suivi

  • Deux mois avant l'échéance de l'accord, les Parties se rencontreront afin de dresser le bilan de l’accord, en examinant plusieurs indicateurs ;
  • De même, un questionnaire sera adressé aux salariés concernés, en vue de recueillir le retour d'expérience  et de décider la suite de l’expérimentation.

 

Lien de consultation de l’accord : https://www.dialogue-social.fr/articles-par-themes/article/les-salaries-de-lurssaf-caisse-nationale-peuvent-experimenter-la-semaine-en-quatre-jours

 

Les techniciens d’usinage de la SAS MONNOT TIM peuvent passer à la semaine en quatre jours une semaine sur deux

Soucieux « d’assurer auprès de l’ensemble des collaborateurs un bien-être au travail et une bonne articulation entre leur vie professionnelle et leur vie personnelle, tout en préservant la compétitivité économique de l’entreprise », les partenaires sociaux de la SAS MONNOT TIM recourent à la semaine en quatre jours. Ainsi, un accord d’une durée d’un an conclu le 16 décembre 2024 entre la direction et le CSE, instaure le dispositif de la semaine « condensée » prévoyant une organisation du temps de travail en quatre jours une semaine sur deux.

Le tableau, ci-après, synthétise les principales mesures de l’accord :

Accord collectif relatif à la semaine en quatre jours une semaine sur deux

Eligibilité

Le dispositif s'applique aux techniciens d’usinage de la SAS MONNOT TIM, dont le temps de travail est décompté en heures.

Mise en œuvre

  • Organisation du temps de travail

-Les heures de travail des techniciens d’usinage seront réparties sur quatre jours une semaine sur deux, sans réduction de la durée de travail hebdomadaire, avec jour non-travaillé le vendredi ;

-La direction repartit le personnel concerné en deux groupes et définit leur planning. Chaque groupe bénéficiera d’un vendredi libre une semaine sur deux.

-Ce planning peut être modifié en cas de besoin de l’activité de l’entreprise, sous réserve de respecter un délai de prévenance de minimum sept jours.

  • Charge de travail et congés payes

Le dispositif ne déroge pas aux durées maximales de travail et aux durées minimales de repos, légales ou conventionnelles.

Le dispositif n’a pas d’incidence sur le calcul du droit à congés payés, pour lequel une règle d’équivalence est appliquée.

Fin du dispositif

En cas de besoins de l’activité, notamment lors des périodes de congé ou pour des formations, la direction pourra suspendre le dispositif et revenir sur une organisation à cinq jours. Un délai de prévenance de minimum sept jours devra être respecté.

 

Lien de consultation de l’accord : https://www.dialogue-social.fr/articles-par-themes/article/les-techniciens-dusinage-de-la-sas-monnot-tim-peuvent-passer-a-la-semaine-en-quatre-jours-une-semaine-sur-deux

 

Le cabinet LHH teste la semaine de quatre jours

Dans un souci d’offrir plus de flexibilité à ses salariés, le cabinet de conseil en ressources humaines LHH met en place un projet pilote relatif à « la semaine compressée ». Concrétisé par l’accord test conclu le 11 avril 2023, avec les organisations syndicales représentatives FO, CFE-CGC et Unsa, leditdispositif permet de faire varier l’activité hebdomadaire sur 4 jours ou 4 jours et demi, plutôt que sur cinq, tout en gardant leur charge de travail. L’expérience s’étalera sur une période de 6 mois. Pour le déploiement du dispositif, un accompagnement poussé des équipes est assuré par le manager et la Direction des Ressources Humaines.

Le tableau synthétique, ci-après, présente les grandes lignes du dispositif :

Accord test relatif à la mise en place de la semaine compressée au sein de la société LHH

Eligibilité

  • Tous les salariés à temps plein ;
  • Tous les salariés à temps partiel ou qui ont réduit la durée du travail (supérieure ou égale à 90 %) ;
  • Sont exclus : les stagiaires, ceux en contrat de professionnalisation et contrat d’alternance, les intérimaires ainsi que les cadres.

Mise en œuvre

 

 

 

 

 

 

 

  • Demande

-Le salarié volontaire doit initier, par courriel, une demande auprès de son manager. Cette demande se fait au plus tard deux semaines avant la semaine compressée souhaitée, et le manager doit apporter une réponse au plus tard une semaine avant la semaine en question ;

- Le salarié ne pourra bénéficier du dispositif que 10 fois sur les 6 mois que recouvre l’accord, et cela dans la limite de deux fois par mois.

-En cas de trois refus consécutifs, le salarié concerné pourra se rapprocher de la Direction des Ressources Humaines afin d’exiger un arbitrage et des justifications complémentaires.

  • Organisation du temps de travail

-En pratique, le salarié éligible peut, en accord avec son manager, alterner des semaines flexibles de 5 jours, de 4 jours et demi ou de 4 jours, en fonction des obligations professionnelles et personnelles ;

-En aucun cas, le dispositif ne peut amener le salarié à dépasser la durée maximale de travail journalière et hebdomadaire de 10 heures, qui peut toutefois être portée à titre exceptionnel à 12 heures.

  • Cas spécifiques

- Salariés dont la durée du travail est décomptée en heures : possibilité d’effectuer une semaine flexible de 4 jours ou de 4 jours et demi.

En cas de semaine de 4 jours et demi, la durée journalière de travail serait 4 jours de travail de 8 heures et 15 minutes et une demi-journée de 4 heures.

-Pour les salariés à temps partiel ou qui ont réduit la durée du travail (supérieure ou égale à 90 %), dont la durée du travail est décomptée en heures : les heures au titre de la demi-journée de flexibilité seront à répartir sur les autres jours travaillés en fonction de l’organisation de leur temps de travail.

Ainsi, en cas de semaine de 4 jours, la durée journalière de travail est la suivante : 4 jours de travail de 9 heures et 15 minutes.

-Pour les salariés en forfait-jours (216 jours/an) : possibilité d’organiser, en fonction des obligations personnelles et professionnelles, la charge de travail en la répartissant sur une semaine de 5 jours, de 4 jours et demi ou de 4 jours en deux demi-journées sur deux journées différentes au sein d’une même semaine, et cela au maximum 10 semaines sur la durée de l’accord.

Une demi-journée ou deux demi-journées de flexibilité par semaine sont décomptées respectivement comme une-demi ou une journée de travail effectif.

Cette demi-journée ou ces deux demi-journées de flexibilité ne s’assimilent pas à de demi-journées de repos et ne modifient pas le nombre de jours de travail annuel stipulé à la convention de forfait.

  • Absences prévues

-Absence prévue dans la semaine (congés payés, jours de RTT, de repos ou jours fériés) : impossibilité de faire de la semaine compressée.

-Absences imprévues au cours de la semaine compressée déboutée : le salarié charge dans l’outil de suivi du temps de travail son activité de travail de la semaine et son/ses absences sur une semaine flexible de 4 jours et demi ou de 4 jours.

-Absence subie (maladie, etc.) : possibilité de reporter la semaine compressée ultérieurement, déclenchant à nouveau la demande auprès du manager.

 

Lien de consultation de l’accord : https://www.dialogue-social.fr/articles-par-themes/article/n-2011-109

 

 

 


Evènements à venir

L’Institut du travail de l’Université de Strasbourg vous invite à une série de webinaires sur les grandes thématiques du travail et du dialogue social (Contact et information : tiphaine.garat[at]unistra.fr / 03 68 85 83 25) [1]. À vos agendas !

 

Webinaire : Le télétravail facilite-t-il vraiment l'articulation des temps sociaux ?

Intervenante : Marianne Le Gagneur (Faculté des Sciences sociales, Université de Liège et Centre d'Études d'Emploi et du Travail)

 14 octobre 2025,

16h – 17h

En ligne

https://applications.unistra.fr/invitation/inscription.php?inscription=oui&time=09092025153610

Conférence en présentiel à Strasbourg : Préconisations et aménagements de poste délivrés par le médecin du travail : quelle effectivité ?

Intervenante : Sophie Fantoni-Quinton, Présidente de la Société Française de Santé au Travail et Professeur de médecine du travail/ Docteur en droit à l'Université de Lille

 21 novembre 2025,

9h – 12h

Collège Doctoral Européen - Campus Esplanade
46, boulevard de la Victoire
67000 Strasbourg

https://applications.unistra.fr/invitation/inscription.php?inscription=oui&time=19092025132111

 

Webinaire : Ça veut dire quoi vieillir au travail ?

Intervenante : Martine Gilles, Neurophysiologiste - Responsable d'études, Laboratoire Physiologie Mouvement Travail, Département Sciences Appliquées au Travail et aux Organisations (SATO)

25 novembre 2025,

11h – 12h

En ligne

https://applications.unistra.fr/invitation/inscription.php?inscription=oui&time=09092025153257

 

Conférence en présentiel à Strasbourg : Accords et désaccords collectifs : vers une nouvelle partition contentieuse ?

Intervenant :  Lucas Bento De Carvalho, Professeur de droit privé à l'Université de Montpellier

11 décembre 2025,

9h – 12h

Présidence de l'Université de Strasbourg - amphithéâtre Alain Béretz
20A Rue René Descartes
67000 Strasbourg

https://applications.unistra.fr/invitation/inscription.php?inscription=oui&time=29092025093103

 

 

[1] Les Rendez-Vous du Dialogue Social sont des conférences déployées dans le cadre de conventions de partenariat entre l'Institut du travail de Strasbourg et la DREETS Grand Est (depuis 2004) d'une part et l'Institut du travail de Strasbourg et le Ministère du travail (depuis 2024) d'autre part pour sensibiliser l'ensemble des acteurs du monde socio-économique aux problématiques du Dialogue Social et à son actualité. Depuis 2018, Fabienne Tournadre, enseignant-chercheur en économie et Tiphaine Garat, ingénieur d'études et juriste gèrent ce programme. Ils ne sont pas enregistrés, mais des comptes-rendus sont publiés dans la lettre d'information Dialogue-social.