Un arrêt de la Cour de cassation relatif à la perte de la qualité des établissements distincts

Instances repésentatives du personnel

- Auteur(e) : Ali-Mehdi Oucherif

Dans un nouvel arrêt en date du 20 octobre 2021, la Cour de cassation s’est penchée sur les contours des conditions de la perte de la qualité de l'établissement distinct du comité social et économique.

En l'espèce, une société avait organisé le processus de mise en place des comités sociaux et économiques.
Après un échec du processus de négociations des périmètres de mise en place de ces comités, l’employeur a fixé leur nombre à quatorze par décision unilatérale plus tard.
Le Direccte (actuelle Dreets), après une saisine effectuée par plusieurs organisations syndicales concernant une contestation du nombre et du périmètre des Comités sociaux et économiques CSE, a validé les périmètres fixés par l’employeur. Le tribunal d’instance a confirmé par la suite cette même décision.
Des élections furent ensuite organisées avant d’être annulées par le tribunal d’instance concernant l’un des établissements avant d’ordonner l’organisation de nouvelles élections.
L’employeur avait invité les organisations syndicales représentatives à négocier sur la perte de qualité d’établissement distinct. Sans succès de la négociation, l’employeur avait donc pris une décision portant sur la perte de la qualité d’établissement distinct de l’entreprise et le transfert des agences. Les salariés ont donc saisi le tribunal pour demander la suspension de la décision prise par l’employeur. Leur demande étant déboutée, ils saisissent la Cour de cassation.

Les salariés arguent à l’appui de leur demande que le juge judiciaire ne peut être amené à se prononcer sur la décision unilatérale de l'employeur relative à la détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts en application de l'article L. 2313-4 du code du travail. Les salariés arguent ensuite que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
Les salariés ajoutent que bien que ne faisant pas partie de la liste désignée par les articles L. 2313-1 et suivants, L. 2232-12 et R. 2313-1 du code du travail, cela ne les prive pas du droit de solliciter la suspension d'une décision illicite visant à les empêcher de se porter candidats aux élections professionnelles.
Enfin les salariés ajoutent qu'en application de l'article L. 2312-8 du code du travail, la société était tenue d'informer et de consulter le CSE avant toute décision portant sur la perte de qualité d'établissement distinct.

La Cour de Cassation rejette le pourvoi en validant la décision du tribunal. Elle affirme que les salariés n’étaient pas recevables à demander la suspension des effets de cette décision unilatérale de l’employeur portant sur la perte de la qualité d'établissement distinct.
Pour fonder sa décision, la Cour s’appuie sur l’article R2313-1 du Code du travail qui dispose que seules les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise ou les organisations ayant constitué une section syndicale dans l'entreprise peuvent, dans le cas où une négociation avait eu lieu dans l’entreprise, contester la décision unilatérale devant la Dreets.

Dans cette décision, les juges de la Cour de Cassation semblent combler le silence de la loi sur certaines modalités de disparition de l'établissement distinct.

La Cour de Cassation semble consacrer au travers de cette décision un parallélisme des formes entre la détermination du périmètre du CSE et sa suppression :
L’employeur peut décider de manière unilatérale, après avoir négocié au préalable, de reconnaître un établissement distinct, tout comme il peut décider de la perte de l’établissement distinct.
Dans le même temps, les salariés ne peuvent donc pas demander l’organisation d'élections dans le périmètre de l'établissement distinct, celui-ci n’existant plus.



Cass. soc., 20 octobre 2021, n°20-60.258