Seul un accord d’entreprise peut mettre en place des représentants de proximité

Instances repésentatives du personnel

- Auteur(e) : Evdokia Maria Liakopoulou

Pour la première fois, la Cour de cassation précise le niveau à retenir pour la mise en place des représentants de proximité. Dans un arrêt rendu le 1er juin 2023, elle relève, selon une interprétation littérale des articles L2313-2, L2313-7 et L2232-12 du Code du travail, que seul un accord conclu au niveau de l’entreprise déterminant le nombre et le périmètre des établissements distincts peut instituer des représentants de proximité.

Pour rappel :

Selon l’article L2313-2 du Code du travail :

Un accord d'entreprise, conclu dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L2232-12, détermine le nombre et le périmètre des établissements distincts.

L’article  L2313-7 du Code du travail précise que :

L'accord d'entreprise défini à l'article L2313-2 peut mettre en place des représentants de proximité.

L'accord définit également :

1° Le nombre de représentants de proximité ;

2° Les attributions des représentants de proximité, notamment en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail ;

3° Les modalités de leur désignation ;

4° Leurs modalités de fonctionnement, notamment le nombre d'heures de délégation dont bénéficient les représentants de proximité pour l'exercice de leurs attributions.

Les représentants de proximité sont membres du comité social et économique ou désignés par lui pour une durée qui prend fin avec celle du mandat des membres élus du comité.

Enfin, suivant l’article L2232-12 du même Code :

La validité d'un accord d'entreprise ou d'établissement est subordonnée à sa signature par, d'une part, l'employeur ou son représentant et, d'autre part, une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés en faveur d'organisations représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires au comité social et économique, quel que soit le nombre de votants.

Si cette condition n'est pas remplie et si l'accord a été signé à la fois par l'employeur et par des organisations syndicales représentatives ayant recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés en faveur d'organisations représentatives au premier tour des élections mentionnées au premier alinéa, quel que soit le nombre de votants, une ou plusieurs de ces organisations ayant recueilli plus de 30 % des suffrages disposent d'un délai d'un mois à compter de la signature de l'accord pour indiquer qu'elles souhaitent une consultation des salariés visant à valider l'accord. Au terme de ce délai, l'employeur peut demander l'organisation de cette consultation, en l'absence d'opposition de l'ensemble de ces organisations.

[…]

Dans le cas de l’espèce, des négociations avaient été engagées au plan national entre un groupe ferroviaire et les organisations nationales représentatives, en vue de la conclusion d'un accord collectif portant à la fois sur la détermination des établissements distincts pour la mise en place des comités sociaux et économiques (CSE) et sur la mise en place de représentants de proximité. Faute d'accord, la détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts a été réalisée par décision unilatérale de l’employeur. Saisis par voie d’un recours contre cette décision, la Direccte, puis le tribunal d’instance, la valident. Parmi les 33 établissements distincts déterminés, figurait l’établissement « Gare et connexions », au sein duquel un accord d’établissement a été négocié qui fixait la mise en place de 25 représentants de proximité.

Une fédération syndicale non signataire de ce dernier accord a saisi le tribunal de grande instance en annulation des désignations des représentants de proximité, en invoquant que seul l'accord d'entreprise déterminant le nombre et le périmètre des établissements distincts pourrait mettre en place des représentants de proximité et définir leur nombre et leurs attributions. La Cour d’appel la déboute de sa demande, en retenant qu’aucune disposition légale ou conventionnelle ne s'oppose à l’institution de représentants de proximité par accord d’établissement.

La Cour de cassation ne suit pas l’argumentation des juges d’appel. Tout en rappelant les dispositions du Code du travail pertinentes en la matière (susvisées), elle juge que les représentants de proximité « ne peuvent être mis en place que par l'accord d'entreprise, conclu dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 2232-12, qui détermine le nombre et le périmètre des établissements distincts ».

La Cour prend aussi soin de clarifier l’hypothèse de l’échec des négociations et de détermination ainsi du nombre et périmètre des établissements distincts par décision unilatérale de l'employeur, validée dans le cadre d’un recours devant l’administration. Pour la Cour, là encore, « un accord d'entreprise conclu dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 2232-12 de ce code (du travail) peut prévoir pour l'ensemble de l'entreprise la mise en place de représentants de proximité rattachés aux différents comités sociaux et économiques d'établissement ».

Cass. soc., 1er juin 2023, nº 22-13.303