Rupture de la période d’essai concomitante à l'annonce d'une grossesse : la présomption de discrimination subsiste

Non-discrimination
Emploi
Gestion de l'emploi

- Auteur(e) : Evdokia Maria Liakopoulou

La rupture d’un contrat de travail durant la période d’essai, qui coïncide à l‘annonce d’un état de grossesse, laisse supposer l'existence d'une discrimination. C’est ainsi que juge la cour d’appel de Lyon dans un arrêt rendu le 14 février 2024.

Pour rappel :

Selon l’article L1225-1 du Code du travail : « L'employeur ne doit pas prendre en considération l'état de grossesse d'une femme pour refuser de l'embaucher, pour rompre son contrat de travail au cours d'une période d'essai ou, sous réserve d'une affectation temporaire réalisée dans le cadre des dispositions des articles L. 1225-7, L. 1225-9 et L. 1225-12, pour prononcer une mutation d'emploi.  Il lui est en conséquence interdit de rechercher ou de faire rechercher toutes informations concernant l'état de grossesse de l'intéressée ».

En l’espèce, une salariée a été engagée par contrat à durée déterminée en qualité d'assistante administrative. Au cours de sa période d'essai, et lors d’un entretien, elle informe son employeur de son état de grossesse. Suite à la réaction de son employeur, la salariée en question quitte l'entreprise et se rend à une agence de Pôle Emploi (actuelle France Travail), pour notifier que ce premier avait mis fin à sa période d’essai suite à l'annonce d'un événement personnel. Quelques jours plus tard, elle reçoit les documents de fin de contrat et l'attestation destinée à Pôle emploi indiquant que la rupture de contrat de travail résultait de sa propre initiative.

La salariée saisit le conseil de prud'hommes de Lyon, invoquant que la rupture de son contrat de travail était nulle, car discriminatoire. Elle demande subsidiairement de dommages et intérêts résultant de cette rupture abusive. L’employeur rétorque en versant aux débats les attestations de trois salariées de l’entreprise. Celles dernières soulignent que « la société a toujours bien accueilli les annonces de grossesse », et témoignent « avoir reçu les confidences de la salariée sur sa volonté de rompre la période d'essai afin d'anticiper de probables difficultés médicales ».

Les juges prud’homaux rejettent la demande de la salariée. Ils considèrent que celle-ci « n'apporte pas la preuve de ses allégations ». Ainsi, la salariée interjette appel.

La cour d’appel infirme le jugement du conseil de prud'hommes. Tout en rappelant les dispositions de l’article L1225-1 du Code du travail, la cour d’appel relève qu’en l’espèce « l'annonce de la grossesse et la chronologie des événements laissent supposer l'existence d'une discrimination ». Des lors, « il appartient à l'employeur de combattre par des éléments objectifs établissant l'absence de discrimination ». Or, les attestations litigieuses des trois salariées de l’entreprise, « ne présentent pas de garanties suffisantes d'impartialité à l'égard de l'employeur ».

Il fine, si elle ne conclut pas à la nullité de la rupture du contrat de travail, la cour juge que « la présomption de discrimination subsiste et l'employeur doit être condamné à réparer le préjudice qui en résulte ».

CA Lyon, 14/02/2024, RG n° 20/06718