Le point de départ du délai de forclusion pour agir en nullité d’un accord de branche

- Auteur(e) : Altina POTOKU

 

Dans un arrêt du 21 septembre 2022, n° 20-23.500, la chambre sociale répond à la question de savoir à partir de quand le point de départ du délai de forclusion commence à courir, pour contester un accord de branche.

En l’espèce, un accord de branche national « relatif au contrat de travail à durée déterminée et au contrat de travail temporaire dans la métallurgie », a été signé le 29 juin 2018 puis publié le 15 septembre 2018, par le ministère du travail au bulletin officiel des conventions collectives comportant cet accord. Le 29 novembre 2018 un syndicat autorisé intente une action en fin de nullité de cet accord de branche national.

La Cour d’appel a rejeté la demande d’action en annulation de l’accord national de branche par le syndicat, en déclarant irrecevable sa demande, car le délai de deux mois pour contester l’accord de branche n’a pas été respecté par ce dernier.

Pour rejeter le pourvoi formé en cassation, la chambre sociale rappelle dans cette décision les conditions de recevabilité de l’action en nullité de tout ou partie d'une convention ou d'un accord collectif. L’action en nullité doit être engagée dans un délai de deux mois à compter :

 

  • De la notification de l'accord d'entreprise prévue à l'article L. 2231-5 du Code du travail, pour les organisations disposant d'une section syndicale dans l'entreprise ;
  • ou de la publication de l'accord dans la base de données nationale (Légifrance) dans tous les autres cas, en vertu de l’art. L. 2262-14 du Code du travail.

 

La Cour rappelle plus précisément que les conventions et accords de branche, de groupe, interentreprises, d'entreprise et d'établissement sont rendus publics et versés dans une base de données nationales, « dont le contenu est publié en ligne dans un standard ouvert aisément réutilisable » (C.trav., art.L.2231-5). En l’espèce, les juges de cassation considèrent que le délai de forclusion pour agir en nullité d'un accord de branche n’a pas été respecté car il a commencé à courir à compter de la date à laquelle l'accord de branche a été rendu public par sa publication au bulletin officiel des conventions collectives, et non sur l'unique base de données devant être mise en ligne sur le site de Légifrance.

Il résulte donc de cette décision que le délai de forclusion pour agir en nullité d'un accord de branche court à compter de la date à laquelle l'accord de branche a été rendu public par sa publication au bulletin officiel des conventions collectives qui répond parfaitement à l'objectif de sécurité juridique. Selon les juges, le versement dans une base de données nationale, dont le contenu est publié en ligne dans un standard ouvert aisément réutilisable, n'est qu'une mesure complémentaire répondant à l'objectif d'accessibilité de la norme de droit. Et qu'en l'espèce, la publication pour les accords de branche sur le site Légifrance restait complémentaire

Ainsi la parution de l’accord de branche national au bulletin officiel des conventions collectives répond, tout comme la mise en ligne sur le site de Légifrance, à l’exigence légale de l’article L.2231-5-1 du code du travail, d’une publication « en ligne dans un standard ouvert aisément réutilisable » fait courir le délai de deux mois pour agir en nullité. Les juges de cassation viennent apporter donc une nuance, car s'il y a eu au préalable une publication au bulletin officiel des conventions collectives et par la suite une publication sur Légifrance, c'est bien la date de la publication au bulletin officiel des conventions collectives qui va faire courir le délai de forclusion pour agir en nullité d'un accord de branche.

La chambre sociale veille donc à assurer et à faire respecter l’objectif de sécurité juridique, en faisant une application stricte des dispositions du Code du travail, et considère que la publication de l’accord de branche national au bulletin officiel répond parfaitement à l’objectif d’accessibilité de la norme de droit.

 

Cour de cassation, chambre sociale, 21 septembre 2022, pourvoi n° 20-23.500