La mauvaise foi du salarié peut être invoquée devant le juge, même lorsque l’employeur ne s’en est pas prévalu dans la lettre de licenciement

Non-discrimination

- Auteur(e) : Aurore KAWECKI

Le 16 septembre 2020, la Chambre sociale de la Cour de Cassation rend un arrêt par lequel elle dispose que la mauvaise foi du salarié qui a dénoncé des faits de harcèlement moral peut être invoquée devant le juge même si l’employeur ne s’en est pas prévalu expressément dans la lettre de licenciement. Cette mauvaise foi peut se déduire d’un comportement contradictoire.

En l’espèce, un salarié reprochait à son employeur de l’avoir retiré d’une mission auprès d’une entreprise cliente de manière injustifiée et de ne pas lui en avoir communiqué les raisons. Dans un courrier adressé à son employeur, il se disait « dans une situation proche du harcèlement ». L’employeur lui adresse alors un courrier, dans lequel il explique que cette décision de retrait se justifiait par la communication insuffisante du salarié avec le client (ce qui avait eu des répercussions négatives sur la qualité et le délai des livraisons). Par la suite, l’employeur avait tenté de convoquer le salarié pour explications et préparations des futures missions, mais les refus de ce dernier avaient entrainé son licenciement. A ce titre, la lettre de licenciement ne mentionnait pas la mauvaise foi du salarié dans ses allégations relatives au harcèlement moral, mais seulement son « attitude de fermeture extrême ».

Le salarié saisi la juridiction prud’homale pour obtenir la nullité de son licenciement, car il estimait que celui-ci était en réalité fondé sur sa dénonciation de faits de harcèlement moral à son encontre. L’employeur conteste alors le harcèlement moral allégué et invoque la mauvaise foi du salarié car celui-ci avait en toute connaissance de cause, présenté des faits mensongers dans le cadre d’une stratégie de pression et de communication pour contourner ses obligations contractuelles.

La Cour de Cassation considère que l’absence dans la lettre de licenciement de mention de la mauvaise foi du salarié qui avait invoqué des agissements de harcèlement moral, n’exclut pas la possibilité pour l’employeur d’invoquer devant le juge la mauvaise foi de celui-ci. En ce sens, la lettre de licenciement ne fixe pas les limites du litige.