La consultation ponctuelle et la consultation stratégique du CSE : deux procédures autonomes et indépendantes

Instances repésentatives du personnel

- Auteur(e) : Altina POTOKU

 

Dans un arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation le 21 septembre 2022, ayant trait aux attributions du CSE (comité social économique), les juges de cassation répondent à la question de savoir si la consultation ponctuelle sur la modification de l’organisation était subordonnée au respect préalable par l’employeur de consulter le CSE sur les orientations stratégiques de l’entreprise.

En l’espèce, le CSE d’un organisme de gestion d’un établissement d’enseignement catholique (OGEEC) souhaitait suspendre la consultation sur la résiliation d’un contrat avec le ministère de l'Agriculture visant à fermer un lycée professionnel jusqu'à ce que soit terminée sa consultation sur les orientations stratégiques.

Les juges de fond retiennent que la décision de l’organisme est un choix stratégique qui résulte du constat d'une dégradation de la situation économique, d'une trésorerie insuffisante, obérant la capacité de l'organisme à s'endetter pour faire face à des travaux d'entretien et de rénovations nécessaires, d'une baisse de fréquentation très importante de ce lycée et de la volonté de rétablir un équilibre financier après plusieurs années de déficit. La cour d’appel ajoute que ce choix n'est que la déclinaison concrète d'une orientation stratégique qui doit préalablement être soumise à la discussion du comité social et économique.

La Cour de cassation casse et annule la décision rendue par les juges de fond.

Elle retient pour la première fois le principe selon lequel « la consultation ponctuelle sur la modification de l'organisation économique ou juridique de l'entreprise ou en cas de restructuration et compression des effectifs n'est pas subordonnée au respect préalable par l'employeur de l'obligation de consulter le comité social et économique sur les orientations stratégiques de l'entreprise ».

Il s’agit, en effet d’une décision innovatrice, car pour la Cour de cassation, il s’agit de deux consultations autonomes et indépendantes, et ce n’est pas parce que l’employeur n’a pas soumis les orientations stratégiques au CSE qu’il ne peut plus le consulter sur un projet de restructuration.

Toutefois, la Cour par cet arrêt semble venir s’inscrire dans une ligne jurisprudentielle favorable à l’indépendance de ces deux types de consultations, car c’est également  dans un arrêt du 30 septembre 2009 qu’elle affirme que la consultation du comité sur le PSE n'était pas subordonnée au respect préalable par l'employeur de l'obligation de consulter le comité sur l'évolution annuelle des emplois et des qualifications, ni de celle d'engager tous les trois ans une négociation portant sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (Cass. soc., 30 sept. 2009, n° 07-20.525).

La chambre semble venir valoriser l’indépendance et l’autonomie de la procédure de la consultation ponctuelle et de la consultation stratégique du CSE. Cette solution peut être vue à la fois comme cohérente et pragmatique, par sa contribution à l’évitement de l’empilement des obligations de consultations et de l’alourdissement des procédures de consultations du CSE.



Cour de cassation, chambre sociale, 21 sept. 2022, pourvoi n° 20-23.660