Expertise sur la situation économique et financière de l’entreprise : à défaut d’accord collectif ou de décision de l’employeur de le consulter, le CSEE ne peut pas y recourir

Instances repésentatives du personnel

- Auteur(e) : Evdokia Maria Liakopoulou

Dans un arrêt rendu le 20 septembre 2023, la Cour de Cassation apporte des précisions concernant la répartition de compétences entre le comité social et économique central (CSEC) et le comité social et économique d’établissement (CSEE) en matière de recours à l'expertise pour l’examen de la situation économique et financière de l’entreprise. La Cour juge qu’en l’absence d’accord collectif d’entreprise prévoyant la consultation du CSEE et si l’employeur n’a pas décidé de le consulter, l’expertise relève du seul CSEC.

Pour rappel :

Selon l’article L2312-22 du Code du travail: « En l'absence d'accord prévu à l'article L. 2312-19, le comité social et économique est consulté chaque année sur : 1° Les orientations stratégiques de l'entreprise dans les conditions définies au sous-paragraphe 1er ; 2° La situation économique et financière de l'entreprise dans les conditions définies au sous-paragraphe 2 ; 3° La politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi dans les conditions définies au sous-paragraphe 3.

Au cours de ces consultations, le comité est informé des conséquences environnementales de l'activité de l'entreprise.

Les consultations prévues aux 1° et 2° sont conduites au niveau de l'entreprise, sauf si l'employeur en décide autrement et sous réserve de l'accord de groupe prévu à l'article L. 2312-20. La consultation prévue au 3° est conduite à la fois au niveau central et au niveau des établissements lorsque sont prévues des mesures d'adaptation spécifiques à ces établissements. ».

Puis, l’article Article L2315-81-1, précise que : « A compter de la désignation de l'expert par le comité social et économique, les membres du comité établissent au besoin et notifient à l'employeur un cahier des charges. L'expert notifie à l'employeur le coût prévisionnel, l'étendue et la durée d'expertise, dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat ».

Selon l’article R2315-46 du même Code: « L'expert notifie à l'employeur le coût prévisionnel, l'étendue et la durée d'expertise dans un délai de dix jours à compter de sa désignation ».

Concernant les missions des experts, l’article L2315-82 précise que : « Les experts mentionnés aux paragraphes 2 et 3 ont libre accès dans l'entreprise pour les besoins de leur mission ».  En outre, conformément à l’article L2315-84 « L'expert est tenu aux obligations de secret et de discrétion définies à l'article L. 2315-3 ».

En l’espèce, par une délibération datée du 17 juin 2021, un CSEE décide de recourir à une expertise en vue de la consultation sur la situation économique et financière de l'entreprise. A cette fin, il désigne un cabinet d’expertise. L’employeur saisit le Président du Tribunal judiciaire aux fins d’annulation de cette délibération.

Cependant, le tribunal judiciaire déboute ce dernier de sa demande, en retenant que le CSEE peut faire appel à un expert-comptable en vue de sa consultation sur la situation économique et financière de l'établissement. Plus précisément, le tribunal estime que « la possibilité du comité central d'entreprise d'être assisté par un expert-comptable pour l'examen annuel de la situation économique et financière de l'entreprise ne prive pas le comité social et économique d'établissement, qui dispose d'une autonomie suffisante et dans les limites de pouvoirs confiés au chef d'établissement, d'être assisté par un expert-comptable (…) ». Pour le tribunal, « le CSEE doit pouvoir notamment se comparer avec les autres établissements ».

L’employeur se pourvoit ainsi en cassation. La Cour censure le jugement, tout en rappelant l’article L.2312-22 du Code du travail. Pour la Cour, la consultation sur la situation économique et financière étant conduite au niveau de l’entreprise, l’expertise relève du seul comité social et économique central, et non du comité social et économique d’établissement.

La Cour constate en effet que ni un accord collectif, ni une décision de l’employeur prévoyant la consultation du CSEE n’existe en l’espèce, ce qui permettrait la désignation d’un expert par le CSEE.

Cass., Soc., Pourvoi n° 21-25.233