Audition des salariés par l’expert du CSE : l'accord de l’employeur et des intéressés doit être préalablement recueilli

Instances repésentatives du personnel

- Auteur(e) : Evdokia Maria Liakopoulou

La Cour de Cassation apporte des limites aux prérogatives de l’expert-comptable désigné dans le cadre de la consultation sur la politique sociale d’une l’entreprise. Dans un arrêt rendu le 28 juin 2023, la Haute juridiction juge qu’aucune audition ou interrogation des salariés n’est possible sans accord préalable de l’employeur et des salariés concernés.

Pour rappel :

Selon l’article L2315-81-1 du Code du travail : « A compter de la désignation de l'expert par le comité social et économique, les membres du comité établissent au besoin et notifient à l'employeur un cahier des charges. L'expert notifie à l'employeur le coût prévisionnel, l'étendue et la durée d'expertise, dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat ».

Les articles L2315-82 et L2315-83 définissent les pouvoirs d’investigation de l’expert comptable. Ainsi, selon l’article L2315-82 du Code du travail : «Les experts ont libre accès dans l’entreprise pour les besoins de leur mission». L’article L2315-83 du même code dispose que : « L'employeur fournit à l'expert les informations nécessaires à l'exercice de sa mission ».

En l’espèce, le comité social et économique (CSE) désigne un expert (une société d’expertise) pour l’assister lors des consultations annuelles sur la situation économique et financière de l’entreprise ainsi que sur la politique sociale, les conditions de travail et l'emploi. Quelques jours après sa désignation, l'expert a notifié à l’entreprise sa lettre de mission. Concrètement, il envisageait de mener des entretiens avec vingt-cinq salariés, d’une durée d’une heure et demie chacun, ce qui représenterait un total de cinq entretiens sur cinq à six jours.

L’entreprise saisit le Tribunal Judiciaire aux fins de réduire le taux journalier et le coût prévisionnel de l'expertise ainsi que la durée de celle-ci. De sa part, l’expert demande qu’il soit fait injonction à l’employeur de lui permettre de conduire lesdits entretiens. Le Tribunal Judiciaire rejette la demande de l’expert. Il constate que l’employer s'était opposé à ces entretiens, de sorte que le nombre de jours prévus pour l'expertise devait être réduit.

La Cour de Cassation s’aligne à la position du Tribunal. Elle rappelle tout d’abord les missions de l’expert, telles que prévues par les textes. Or, pour la Cour de Cassation, ces textes n’autorisent pas l’expert à auditionner les intéressés sans leur accord, tout comme sans celui de l’employeur. Par conséquent, en l’absence de cet accord, ou, en l’occurrence, en cas d’opposition de l’employeur, cette audition n’ est pas possible : « Il résulte de ces dispositions que l'expert-comptable, désigné dans le cadre de la consultation sur la politique sociale, les conditions de travail et l'emploi, s'il considère que l'audition de certains salariés de l'entreprise est utile à l'accomplissement de sa mission, ne peut y procéder qu'à la condition d'obtenir l'accord exprès de l'employeur et des salariés concernés ».

Cass., Soc., Pourvoi n° 22-10.293