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Lettre d'information n°153 Juillet 2024

Editorial

Dans cette lettre, nous vous invitons à lire le compte rendu du webinaire d’Arnaud Lucchini sur le dialogue social de plateforme qui a eu lieu en mai 2024. Après avoir analysé « les liens brouillés » qui unissent les travailleurs et les plateformes, l’intervenant propose une analyse des négociations menées par les plateformes et leurs spécificités.


Pour vos accompagner dans vos réflexions et votre analyse, nous avons joint aussi une analyse détaillée d’un arrêt majeur sur le sujet-l’arrêt Uber du 4 mars 2020- ainsi qu’une bibliographie préparée par la bibliothécaire de l’Institut.


Bonne lecture

Tiphaine Garat et Michèle Forté


Compte-rendu - Les Rendez-vous du dialogue social
Arnaud Lucchini - La négociation collective de plateforme

Le 17 mai 2024, l’Institut du Travail en partenariat avec la DREETS Grand-Est a organisé un webinaire intitulé « La négociation collective de plateforme », animé par Arnaud Lucchini, maître de conférences en droit privé et sciences criminelles à l’Université Sorbonne Paris Nord[1].

Par le terme « plateforme », il faut entendre plateforme numérique, communément illustrée par les entreprises Uber et Deliveroo. Celles derniers renvoient à deux types de secteurs : activités de chauffeurs (de personnes) ou chauffeurs-livreurs pour le transport de marchandises (courses alimentaires et plats). Leur développement s’est accompagné d’un questionnement sur les conditions de travail des chauffeurs-livreurs de ces plateformes, qui s’apparentent clairement à celles d’un salarié. Les travailleurs n’ont alors pas hésité à saisir les juges pour voir leur contrat commercial, requalifié en contrat de travail. La limite de cette contestation réside dans le fait que la décision de requalification en relation de travail salariée ne s’applique qu’au demandeur, et ne permet donc pas de taire le débat sur la relation de travail dégradé entre les plateformes et leurs travailleurs.

Même si le doute demeure quant à la qualification des travailleurs de plateforme, les législations actuelles ont frayé une place à la négociation dans des secteurs aussi particuliers. L’intervention de Arnaud Lucchini traite précisément de ce sujet en proposant une analyse des négociations menées par les plateformes, et l’incidence qu’a la question non résolue du salariat sur celles-ci.

 

I/ Genèse

Depuis plusieurs années, le sujet de la requalification de la relation de travail entre les travailleurs et les plateformes en relation de travail salarié occupe une grande place dans le débat juridique et politique. Et pour cause : selon la terminologie de l’Uber, « la plateforme n’est pas l’employeur » mais constitue plutôt « un intermédiaire, entre le chauffeur-livreur qui lui est un travailleur indépendant (et donc autoentrepreneur) et le client ». Or, en pratique, la réalité est toute autre : « ces plateformes exercent un pouvoir de direction, de contrôle et de sanction, sur les travailleurs », pointe l’intervenant.

Ces liens brouillés qui unissent les travailleurs et les plateformes, ont généré de nombreux contentieux de requalification en contrat de travail : « Le travailleur indépendant demande à ce que sa situation avec la plateforme soit requalifiée en relation de travail salarié afin de bénéficier du droit du travail, et de ses avantages au vu de la réglementation sur le salaire minimum, la protection en matière de santé-sécurité, la règlementation de la durée du travail, etc. », précise l’intervenant. 

Etant invitée à se prononcer sur ce type d’affaires, la Cour de Cassation semble suivre deux voies : soit elle valide le raisonnement des juges du fond qui retiennent la requalification en relation de travail salariée, soit elle réfute cette argumentation alors que tous les éléments en faveur d’une requalification étaient réunis. Ce qui signifie, selon l’intervenant que la Cour de Cassation « n’a pas une approche dogmatique en la matière et procède à un contrôle strict au cas par cas ».

A titre illustratif, l’intervenant présente deux décisions récentes du 25 janvier 2023[2] et du 15 mars 2023[3] dans lesquelles les juges se prononcent en faveur de l’existence d’une relation salariée en retenant « l’existence d’un pouvoir de direction, de contrôle de l’exécution de la prestation ainsi que d’un pouvoir de sanction à l’égard du chauffeur, éléments caractérisant un lien de subordination ». A contrario, dans l’arrêt bien connu « Le Cab »[4] la Cour a considéré qu’il n’y a pas eu de relation salariée ». 

Pour mener son contrôle, la Haute Juridiction utilise un faisceau d’indices, dont le plus catalyseur « est l’unilatéralisme ». Ce qui signifie que lorsque les conditions de travail sont déterminées unilatéralement par l’employeur, et que ce dernier dispose d’un pouvoir de directive et de contrôle, l’existence d’une relation de travail salariée est bien présente. A titre indicatif, l’intervenant mentionne le système de la déconnexion, qui permet aux plateformes de suspendre temporairement ou définitivement les comptes d’un travailleur qui n’a pas respecté une directive. Pour M. Lucchini,« c’est là que se situe la différence avec la relation de travail indépendante, c’est à dire dans le pouvoir de la plateforme sur le travailleur, car le fait que la plateforme ait un pouvoir de sanction n’est pas un indice de la qualité de salarié ».

L’intervenant observe tout de même un mouvement jurisprudentiel français en faveur de la requalification en contrat de travail, avec une attention particulière portée sur les conditions de travail réelles des plateformes. Il précise néanmoins que ces requalifications prononcées ne semblent pas avoir d’impact sur le statut des travailleurs des plateformes dans son ensemble : « Ce n’est pas parce que ces décisions de requalification ont été rendues que les plateformes ont adopté le modèle du salariat. Au contraire, elle continuent à considérer que leurs travailleurs sont des travailleurs indépendants ».

Le même avis est partagé par les pouvoirs publics français. L’hostilité envers la reconnaissance du statut salarial se constate non seulement dans le cadre du débat public intérieur mais aussi européen. Significative en ce sens, est la coalition de certains Etats Membres, menée en particulier par la France, contre la directive du 24 avril 2024. Cette directive, que l’intervenant qualifie d’ambitieuse, vise à imposer aux Etats Membres de reconnaître, sauf preuve contraire, une présomption de salariat pour les travailleurs de plateforme.

Cette présomption de salariat portée par la directive « serait une grande avancée car en France, il y a une présomption de non-salariat. Avec cette directive, on inverse les choses : c’est alors à la plateforme de démontrer que c’est un travailleur indépendant ». En effet, l’intervenant observe que depuis l’arrivée au pouvoir du président Macron, une série de tentatives ont vu le jour visant à légitimer et à renforcer le statut du travailleur indépendant pour les travailleurs de plateforme. Par exemple, la loi d’orientation des mobilités[5] instaurait une présomption irréfragable de travail indépendant au bénéfice des plateformes qui adoptaient une charte de responsabilité sociale.

Toutefois, cette disposition de présomption irréfragable a été censurée par le Conseil Constitutionnel[6]. Ce qui a mené les pouvoirs publics, à opter « pour le fait de reconnaître les travailleurs de plateforme comme étant des travailleurs indépendants, tout en les accordant un droit à la négociation collective ». Selon l’intervenant, ce droit a un double objectif : encadrer ces relations de travail indépendantes d’une part et réguler les relations de travail par les plateformes d’autre part. « L’idée est d’accorder une forme de protection aux travailleurs de plateforme de sorte qu’ils n’aient pas besoin du salariat. Ils bénéficieraient de certains droits garantis par la négociation collective, ce qui les dissuadait de demander la requalification de leur relation de travail en relation de travail salarié ».

Ce régime de négociation collective a été mis en place progressivement : en 2021, par le biais d’ordonnances[7] et en 2022 avec deux grands décrets[8] visant à créer un « dialogue social de secteur ». Si ce dernier ne concerne que les travailleurs dits indépendants, son intégration dans le Code du travail marque une tentative de transposer le modèle de la négociation collective salariée à celui de la négociation pour les travailleurs indépendants. Un régime « dont la pérennité risque d’être remise en cause suite à l’adoption de directive de 2024 » avertit l’intervenant.

Il faut noter que la négociation collective de plateforme concerne deux types d’activité, à savoir la conduite de transport avec chauffeur et l’activité de livraison par le moyen d’un véhicule de deux ou trois roues motorisé ou non. La promotion et régulation de cette négociation collective, sont confiées à l'Autorité des relations sociales des plateformes d'emploi (ARPE), dont la mission est décrite dans l’article L7345-1 du Code du travail.

 

II/ Régime juridique

Le processus de la négociation collective peut résulter d’un accord dit « accord de secteur » qui sera applicable aux travailleurs de plateforme. « Nous sommes ici en présence d’un objet juridique nouveau », marque l’intervenant. Il s’avère ainsi que « le régime juridique de cette négociation collective est en réalité le régime juridique de l’accord de secteur » confie-t-il. 

Qui sont les négociateurs ?

Le système des négociateurs de ces accords s’appuie sur la dichotomie classique entre les représentants des travailleurs de plateforme et les organisations professionnelles de plateforme. Ce qui signifie « qu’on a totalement transposé le régime de la représentativité connu en droit du travail vers la négociation collective de plateforme ». Ainsi, seuls les syndicats des travailleurs de plateforme représentatifs sont aptes à participer à la négociation collective de plateforme. « Pour ce faire, il faut remplir plusieurs critères, qui sont les mêmes pour les organisations syndicales de salariés ». 

L’intervenant s’attarde sur le critère de l’audience. Pour lui, ce critère soulève une interrogation : comment calculer la représentativité d’une organisation de travailleurs indépendants, qui exercent leur travail à travers d’une plateforme qui n’a pas de collectif de travailleurs ? C’est dans ce sens qu’une élection nationale a été organisée afin de déterminer quelles sont les organisations représentatives. « Sans surprise, ces élections ont donné lieu à un taux de participation très faible, ce qui s’explique surtout par leur caractère complètement dématérialisé ». Pour l’intervenant, ce faible taux de participation, quoiqu’il interroge sur la pertinence du critère de l’audience, ne remet pas en cause la représentativité des organisations. Ce n’est pas le cas lorsqu’on s’intéresse à la représentativité des organisations professionnelles de plateforme. Ici, le critère de l’audience semble beaucoup plus pertinent « au regard de la manière dont il est pensé, c’est à dire qui dépend du nombre des travailleurs qui se connectent à la plateforme et du revenu d’activité générée par elle».

Au final, s’agissant du nombre des organisations reconnues représentatives, des phénomènes similaires avec le régime salarié apparaissent, c’est à dire « une forme de dislocation du côté des travailleurs et une concentration des organisations représentatives du côté des plateformes ». Et pour cause: il n’y a que deux organisations représentatives parmi les organisations professionnelles de plateformes, tandis qu’il y en a sept parmi les organisations représentatives des travailleurs de plateforme. Les représentants de chacune de ces organisations représentatives composent, avec les représentants de l’ARPE, la commission de négociation chargée de négocier les accords de secteur. 

Les représentants des travailleurs bénéficient aussi d’un régime de protection inspiré par celui des salariés protégés. Ce qui est pour le moins « original », selon M. Lucchini : « il y a une protection contre la rupture du contrat commercial, qui lie le représentant travailleur à sa plateforme. Il faut donc une autorisation préalable de l’ARPE. Toutefois, il n’y a pas de droit à réintégration en cas de rupture non autorisée ». Par ailleurs, une action spécifique est prévue dans le cas où le représentant se voit confier moins de travail en raison de son mandat. « Mais cela soulève un problème : si le représentant est par ailleurs salarié, les textes ne disent rien quant à sa protection de salarié ».

 

Négociations obligatoires et facultatives

L’intervenant aborde le sujet des négociations obligatoires. Chacun des deux secteurs, doit négocier obligatoirement les thèmes suivants, à savoir les revenus, les conditions d’activité, la gestion par algorithme, le risque professionnel, le développement des compétences, la sécurisation des parcours professionnels . « Pour l’instant, tous les thèmes de négociation obligatoire n’ont pas encore été abordés », remarque M. Lucchini.

 

Validité de l’accord de secteur

L’accord doit être signé par des organisations de travailleurs qui ont obtenu au moins 30% des suffrages lors des élections.

 

Les effets de l’accord

L’accord de secteur s’applique aux organisations représentatives, mais aussi aux plateformes qui adhèrent aux organisations signataires. « On a repris donc l’idée de l’accord collectif, avec l’idée d’étendre l’effet de la négociation à tout le monde », remarque l’intervenant.La plateforme va devoir appliquer l’accord aux contrats commerciaux conclus avec chaque travailleur. Arnaud Lucchini précise que si une plateforme démissionne d’une organisation qui a signé l’accord, ce dernier est maintenu, « et plus encore, l’ARPE peut homologuer l’accord afin de le rendre obligatoire à tous, c’est le même régime que l’extension de l’accord de branche ». En pratique, « tous les accords conclus ont été homologués en pratique, sauf un »

L’intervenant attire pourtant l’attention sur l’existence d’un principe de faveur : « L’accord s’applique aux contrats commerciaux conclus au sein de la plateforme, sauf si ces contrats sont plus favorables ». Il explique ainsi que dans le cas où un accord est dénoncé par les signataires, une négociation de substitution s’ouvre. Si un accord de substitution n’est pas trouvé, « les travailleurs n’ont pas droit au maintien des avantages acquis, contrairement à ce qui serait le cas dans le régime salarié ». 

 

III/ Contenu des accords

Deux grands thèmes ont mené à la conclusion d’accords: la rémunération minimale garantie, essentiellement présente dans le secteur de la livraison et le secteur des VTC, et la désactivation.

 

La rémunération minimale garantie

L’intervenant rappelle que les travailleurs indépendants ne sont pas payés à l’heure de travail. Pourtant, si des adaptations au travail spécifique de plateforme et surtout au travail indépendant se constatent « nous retrouvons dans ces accordsdes références horaires dans ces accords. Par exemple, dans le cadre des VTC, il y a des rémunérations minimales de 9 euros par course ».

Contrairement donc au principe du travail indépendant, les accords incluent une référence sur une rémunération minimale par heure d’activité, le but étant de tenir compte d’un certain temps spécifique à leur travail : le temps d’attente de la réception de la commande, le temps de course etc. « Attention, les plateformes ne rémunèrent pas à l’heure », prévient M. Lucchini, « elles rémunèrent à la course, mais on s’assure que la rémunération atteint au moins ce minimum monétaire par heure d’activité ». L’intervenant s’interroge pourtant sur le niveau de ces minimas, surtout au vu de l’apparition de nouveaux types de plateformes dites « solidaire », sous forme associative ou auto gérées par les travailleurs. Ces dernières assurent des minimas beaucoup plus importants que ceux négociés au niveau du secteur. 

 

La désactivation

L’intervenant clarifie le mécanisme de la désactivation, qui consiste en une sanction « infligée » au travailleur par la plateforme pour des raisons liées, par exemple, à des retards, des commandes non livrées en intégralité, et autres. Or, la difficulté de ce mécanisme tient à sa gestion algorithmique, ce qui conduit parfois à des désactivations intempestives : « Les accords cherchent à prévenir cette désactivation en obligeant les plateformes à être transparentes sur les conditions de sa mise en œuvre ». Ils arment donc les travailleurs avec une possibilité de s’opposer à ces désactivations intempestives. Ils prévoient égalementune procédure avant la désactivation totale, « à l’image de la procédure disciplinaire avant la rupture du contrat », ainsi qu’une nécessaire intervention humaine préalable à la désactivation « pour éviter qu’il n’y ait uniquement qu’une gestion algorithmique ».

 

Autres thèmes

Plusieurs autres thèmes de négociation, quoiqu’obligatoires, n’ont pas encore été abordés : les risques professionnels, la limitation du temps d’activité, la gestion algorithmique pour l’attribution des courses. De l’autre côté, certains thèmes semblent intéresser particulièrement certains secteurs comme la formation des travailleurs, dans le secteur VTC.

 

IV / Questions en suspens

 

Qualification des travailleurs de plateforme indépendants au sens du droit de l’Union Européenne

L’intervenant explore la possibilité pour les travailleurs de plateforme de se voir appliquer le statut de travailleur au sens du droit de l’Union Européenne. Tout d’abord, il souligne que la notion de travailleur en droit de l’Union Européenne est beaucoup plus large que la notion de salarié en droit français : « On y fait entrer des personnes qui ne sont pas des salariés, comme les étudiants, les militaires, les fonctionnaires etc. », explique-t-il. 

Ensuite, il considère que cette qualification des travailleurs de plateforme en tant que travailleurs au sens du droit de l’UE pourrait se faire en vue de l’application de certaines règles favorables : « Je pense notamment aux dispositions sur la limitation du temps de travail, issues d’une directive, qui peuvent être transposées par accord collectif ».

« La négociation collective de plateforme ne pourrait-elle pas être utilisée comme source de transposition de directives, à travers la reprise directe de leur contenu dans les accords ? », s’interroge alors l’intervenant.

 

La négociation sur la protection sociale complémentaire

« Le code du travail[9] prévoit que la négociation collective de plateforme peut porter sur les garanties de protection sociale complémentaire », révèle Arnaud Lucchini. La question qui se pose est la suivante : « est-ce que les plateformes pourront imposer aux travailleurs indépendants une couverture obligatoire ? Avec une adhésion à un tiers assureur spécialement déterminé, au risque de geler la concurrence ? ».

Un premier élément de réponse vient du droit de l’Union Européenne « quiest favorable à ce que les branches et secteurs d’activités s’entendent sur la protection sociale complémentaire ». Cela n’est pasle cas en France : « Le Conseil Constitutionnel[10], qui est très sensible aux questions de la concurrence, a interdit la désignation d’un tiers assureur dans les accords de branche ». « Est-ce donc impossible de pouvoir imposer cette protection sociale complémentaire aux travailleurs, surtout compte-tenu de leur statut comme indépendants ? ». L’intervenant nuance ses propos en se référant aux régimes de prévoyance applicables aux barreaux.

 

Temps d’échange

« J'ai toujours du mal à comprendre en quoi les plateformes sont un secteur », pointe un participant.

« Les ordonnances de 2021 et 2022 ont prévu l’existence de deux secteurs, à savoir la livraison de marchandises et le transport de personnes par VTC », rappelle l’intervenant. « Ce choix des pouvoirs publics est révélateur de quelque-chose : la négociation collective est très encadrée et très imposée. C’est le gouvernement qui l’a créée de toute pièce pour avoir une sorte de compromis dans ces deux secteurs », indique-t-il.

Est-il possible de dissocier aussi nettement taux de participation et représentativité.

« On pourrait affirmer que, dès lors qu’il y a peu de participation, les organisations perdent en représentativité », présume l’intervenant. Il attire pourtant l’attention sur le faitque les organisations syndicales « ont du mal à rentrer dans le secteur des plateformes et toucher tous les travailleurs ». Néanmoins, leur légitimité tient du pouvoir que la loi leur accorde : « dès lors qu’on leur reconnait un pouvoir, elles deviennent représentatives ».

« Vu que ces indépendants sont couverts par des articles du code du travail, peuvent-ils être défendus devant le Conseil de Prud'hommes ? Et de ce fait, par des défenseurs syndicaux ? », demande un autre participant.

« Non, en raison de l’absence de contrat de travail » explique l’intervenant. « Si le contrat d’un travailleur de plateforme est requalifié en contrat de travail, les accords collectifs de secteur ne seraient plus applicables » complète-t-il. Ainsi, pour ce qui concerne le contentieux qui surgit de ces accords, c’est le tribunal judiciaire qui se voit compètent. Alors que si le travailleur veut agir contre la plateforme, ce sera devant le tribunal de commerce, leur relation étant commerciale.

Est-ce que les syndicats de travailleurs se sont positionnés sur cette question ou jouent-ils sur les deux tableaux, en participant à la négociation collective de plateforme tout en travaillant à ce que les travailleurs de plateforme soient reconnu comme des salariés ? 

L’intervenant affirme qu’il ne connaît pas la position des différentes organisations syndicales sur ce sujet. Toutefois, il a pu observer un engagement conséquent de la CFDT dans la question de la représentation des travailleurs de plateforme et les négociations de plateforme.

« Pour moi, derrière ce régime nouveau de la négociation de plateforme il y a une finalité politique, celle d’assécher, voire occulter le débat sur la question du salariat.  C’est même une manière d’occuper les organisations représentatives ». Dès lors que les organisations s’investissent dans une mission représentative, elles sont « occupées ».Il s’agit ici du même mécanisme qu’emploient les entreprises :« les directions occupent les délégués syndicaux en créant des négociations à tout va ». « Est-ce qu’il n’y aurait pas la volonté de canaliser l’ensemble des actions vers une négociation guidée par l’ARPE ? », se demande finalement Arnaud Lucchini. « Ce ne serait pas surprenant », conclut-il. 

Pourtant, il ne faut pas négliger le fait que certains travailleurs de plateformes « ne veulent justement pas du salariat ». Il s’agit surtout de nouveaux types de plateformes associatives, ou de coopératives. Or, « à force de créer des différents modes d’organisation, on laisse finalement perdurer le modèle indépendant », signale l’intervenant.

Quand le donneur d’ordre (plateforme) est unique, ne peut-on qualifier la relation de travail en relation de travail « salariée » ?

« Ce n’est pas un argument qui peut être retenu », admet l’intervenant. En effet, « un indépendant peut aussi n’avoir qu’un seul client », explique-t-il. Selon lui, il serait plus intéressant d’examiner le revers de cet argument, qui consiste à savoir si le travailleur indépendant a la possibilité de créer sa propre clientèle, si la plateforme l’empêche, etc. « Ce sont ces arguments qui permettent de pencher vers le salariat ».

Un autre participant demande « en quoi la notion de travailleur est-elle plus large en droit de l’UE par rapport au droit français dès lors qu’il y a un renvoi aux dispositions nationales ?

L’intervenant précise tout d’abord que le droit européen ne renvoie pas directement aux dispositions nationales, mais propose une notion assez large du « travail » qui consiste « au fait de travailler pour le compte d’une autre personne ». Cette définition « englobe alors des personnes qui ne seraient pas des salariés en droit interne ». Cela étant, l’application du droit européen pourrait alors permettre la création d’un statut de travailleurs semi-indépendants. Ces derniers se verraient appliquer l’accord issu de la négociation collective de plateforme, qui reprend le contenu des directives européennes.

 

[1]

Ces Rendez-vous sont organisés par l’Institut du travail de Strasbourg, avec le soutien de la DREETS Grand Est: idt.unistra.fr/recherches-et-publications/colloques-et-seminaires-organises-par-linstitut-du-travail-de-strasbourg/;

[3] Cass. soc., 15 mars 2023, no 21-17.316, Bolt

[4] Cass. soc., 13 avr. 2022, no 20-14.870

[5] Loi no 2019-1428 du 24 déc. 2019 d’orientation des mobilités (LOM)

[9] C. trav. art. L7343-37, 3°.

[10] Conseil Constitutionnel, Décision n° 2013-672 DC du 13 juin 2013.

 


Analyse d'arrêt
Retour sur l’arrêt Uber du 4 mars 2020 - Le contrat de partenariat signé par un conducteur de VTC avec la société Uber est-il un contrat de travail ?

Dans un arrêt du 4 mars 2020[1], la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par la société Uber BV contre l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 10 janvier 2019[2]. Par cet arrêt, la Cour d’appel de Paris a jugé que le contrat de partenariat signé par un conducteur de VTC avec la société Uber s’analyse en un contrat de travail et donne compétence au conseil de prud'hommes pour régler le différend.

Après une première décision rendue le 28 novembre 2018 requalifiant la relation contractuelle entre les livreurs à vélo et la plateforme Take Eat Easy en relation de travail, la Cour de cassation s’est prononcée à nouveau sur cette problématique. Tout en maintenant le cap, la Cour est allée plus loin en s’appuyant sur tout un faisceau d’indices qui permettent de caractériser l’existence d’une relation de salariat (1). Cette décision s’inscrit dans un contexte de vifs débats au niveau constitutionnel et européen en la matière (2). Il n’en reste pas moins qu’elle a suscité des conséquences tant juridiques que financières pour le modèle des plateformes (3). 

 

1. La reconnaissance d’une relation de travail salariée par la Cour de cassation au regard du faisceau d’indices

Rappel des faits et de la procédure :

L’affaire concerne un chauffeur, M. X., contractuellement lié avec la société de droit néerlandais Uber BV. Afin d’exécuter son activité, le chauffeur avait loué un véhicule auprès d’un partenaire de cette société, et s’est inscrit au répertoire des métiers en tant qu’indépendant, sous l’activité de transport de voyageurs par taxis. Au regard de l’article L. 8221-6 du Code du travail, cette inscription entraine une présomption simple de non salariat. Après avoir exercé l’activité de chauffeur pour la période entre octobre 2016 et avril 2017, la société Uber avait désactivé son compte à cette dernière date, sans donner une explication. Le chauffeur, contestant les conditions de cette rupture qu'il assimile en un licenciement abusif, a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de requalification de sa relation contractuelle avec la société Uber en contrat de travail.

La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt rendu le 10 janvier 2019, infirme la décision du conseil de prud'hommes de Paris qui n’a pas fait droit à la demande de M. X. Elle estime que le chauffeur renversait la présomption de non salariat de l’article L. 8221-6 du Code du travail et retient l’existence d’un faisceau suffisant d’indices permettant de caractériser l’existence d’un lien de subordination entre le chauffeur et Uber. La société a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.

Moyen du pourvoi :

D’abord, les sociétés Uber France et Uber BV font valoir que le chauffeur reste totalement libre de se connecter à l’application ou non. La conclusion et l’exécution du contrat de partenariat n’emporte aucune obligation pour le chauffeur de travailler pour le compte de la plateforme « de sorte que la relation contractuelle ne pouvait être qualifiée de contrat de travail ».

De plus, Uber affirme que si «plusieurs refus consécutifs peuvent entraîner une déconnexion de l’application pour des raisons opérationnelles liées au fonctionnement de l’algorithme », cela n’empêche pas pour autant le chauffer de pouvoir « se reconnecter à tout moment et cette déconnexion temporaire n’a aucune incidence sur la relation contractuelle entre le chauffeur et Uber BV ».

La société met encore en exergue que « le chauffeur n’est tenu d’aucun engagement financier envers la plateforme susceptible de le contraindre » puisque « la rémunération de la plateforme est exclusivement assurée par la perception de frais sur les courses effectivement effectuées par le biais de l’application ».

In fine, la possibilité pour le chauffeur de « librement utiliser de manière simultanée d’autres applications de mise en relation avec la clientèle », révèle pour la société l’absence d’une « obligation d’exclusivité pour le chauffeur ».

S’agissant de la caractérisation du lien de subordination juridique, la société la conteste sur plusieurs terrains. Elle soulève ainsi que « le chauffeur n’était soumis à aucune obligation, ni à aucun contrôle, en termes de connexion et d’activité ». De même, le contrat de partenariat ne lui impose ni d’engagement financier ni d’obligation d’exclusivité à l’égard de la société et mentionne expressément que le chauffeur est libre de se connecter et d’utiliser des applications concurrentes.  

S’agissant de l’exercice d’un pouvoir disciplinaire, la société la conteste en affirmant que même s’il existe la « possibilité pour une plateforme numérique de rompre unilatéralement le contrat en cas de manquements graves et répétés du chauffeur aux obligations résultant du contrat de partenariat », cela « n’a ni pour objet ni pour effet de restreindre la liberté du chauffeur de choisir si, quand, et où il se connecte et de ne pas accepter les courses proposées ». Elle souligne par ailleurs qu’elle n’impose aucun ordre, ni aucune directive personnalisée à ses chauffeurs et n’exige simplement que des règles élémentaires inhérentes à l’activité de chauffeur VTC, telles que la politesse et le savoir-vivre, le respect de la réglementation et de la sécurité des personnes.

La société estime, entre autres, que la détermination du prix des prestations de services fournies par le chauffeur ne constitue pas un indice de l’existence d’un contrat de travail et que le système de géolocalisation ne caractérise pas un lien de subordination juridique en termes d’un contrôle de l’activité des chauffeurs. Ce système est simplement utilisé«pour mettre ces derniers en contact avec le client le plus proche, assurer la sécurité des personnes transportées et déterminer le prix de la prestation ».

Question de droit :

Lorsqu’il réalise une prestation pour Uber, un chauffeur, inscrit au registre des métiers comme travailleur indépendant, est-il lié par un lien de subordination avec cette société, situation de nature à justifier la requalification de la relation contractuelle en contrat de travail ?

Réponse de la Cour de cassation :

La Cour commence par rappeler sa jurisprudence bien établie selon laquelle « l’existence d’une relation de travail salariée ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont données à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité professionnelle »[3].

Elle en a déduit, dans l’arrêt Take Eat Easy, et réitère dans la présente affaire, que la présomption du non salariat pour les autoentrepreneurs, déclenchée par l’article L. 8221-6 du Code du travail, « peut être renversée lorsque ces personnes fournissent des prestations dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard du donneur d’ordre ».

Telle que fixée depuis l’arrêt Société générale du 13 novembre 1996, la définition du lien de subordination repose sur le pouvoir de l’employeur de donner des instructions, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner le non-respect des instructions données.

Or, la Cour de cassation, parmi les indices retenus par les juges du fond, insiste sur le fait:

1) que ce chauffeur a intégré un service de prestation de transport dont la société Uber définit unilatéralement les conditions d’exercice. A travers l’utilisation de ce service, le chauffeur « ne constitue aucune clientèle propre, ne fixe pas librement ses tarifs ni les conditions d’exercice de sa prestation de transport » ;

2) que le chauffeur doit suivre un itinéraire particulier imposé par la société. Si le chauffeur ne suit pas cet itinéraire « des corrections tarifaires sont appliquées » ;

3) que la destination finale de la course n’est parfois pas connue du chauffeur qui, par conséquence, ne peut pas choisir celle qui lui convient ou non « comme le ferait un chauffeur indépendant » ;

4) qu’à partir de trois refus de courses, la société a la faculté de déconnecter temporairement le chauffeur de son application. Ce dernier peut perdre l’accès à son compte « en cas de dépassement d’un taux d’annulation de commandes ou de signalements de "comportements problématiques" ».

Par conséquence, la Cour de cassation a « approuvé la cour d’appel d’avoir déduit de l’ensemble de ces éléments l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements et d’avoir jugé que, dès lors, le statut de travailleur indépendant du chauffeur était fictif ». Pour la Cour, le fait que le chauffeur n’ait pas l’obligation de se connecter à la plateforme et qu’aucune sanction n’existait en cas d’absence de connexion, quelle qu’en soit la durée, « n’entre pas en compte dans la caractérisation du lien de subordination ».

Elle se fonde ainsi sur le fait que, selon la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), la qualification de « prestataire indépendant », telle que donnée par le droit national, « n’exclut pas qu’une personne soit qualifiée de "travailleur" au sens du droit de l’Union, si son indépendance n’est que fictive, déguisant ainsi une véritable relation de travail »[4].

 

2. L’influence de la jurisprudence constitutionnelle et européenne 

Dans la note explicative, la Cour de cassation justifie cette appréciation du lien de subordination à l’égard des décisions prises par les instances tant au niveau européen que national. Au vu de ces décisions, il ne lui était pas possible de s’écarter de la définition désormais traditionnelle du lien de subordination et d’adopter le critère de la dépendance économique suggéré par une certaine partie de la doctrine.

La Cour invoque ainsi la jurisprudence de la CJUE[5] selon laquelle la notion de travailleur constitue une notion autonome au sens du droit européen qui ne saurait recevoir une interprétation variant selon les droits nationaux. Or, la définition que la CJUE adopte « est semblable à celle de la chambre sociale depuis l’arrêt Société générale ».

La Cour de cassation se retranche également derrière la décision du Conseil constitutionnel du 20 décembre 2019[6] qui a censuré partiellement l’article 44 de la loi d’orientation des mobilités relatif aux chartes de responsabilité sociale pouvant être établis par les plateformes. Le Conseil, en se fondant également sur le critère de la subordination juridique, a considéré que les engagements prévus par la plateforme dans cette charte ne peuvent pas empêcher un juge de requalifier en contrat de travail la relation qu’elle entretient avec un travailleur indépendant.

Au-delà de cet appui aux positions européenne et constitutionnelle, la Cour fait une référence au droit comparé. Elle signale que des catégories juridiques de travailleur dites « intermédiaires », entre le salariat et le statut de travailleur indépendant existent en Italie (contrats de “collaborazione coordinata e continuativa”, “collaborazione a progetto”) ou le Royaume-Uni (le régime des “workers”, régime intermédiaire entre les “employees” et les “independents”). Au contraire, le droit français ne connaît que deux statuts, celui d’indépendant et de travailleur salarié.

 

3. Quelles conséquences pour le modèle économique et juridique des plateformes ?

Le rappel par la Cour du système binaire français constitue-t-il un appel du pied au législateur français ? Si la ministre du Travail de l’époque[7] confirme que l’arrêt du 4 mars 2020 avait « fait jurisprudence », elle a souligné que « la Cour de cassation juge en droit ». Parallèlement à ce mouvement jurisprudentiel donc, la ministre avait déjà signalé à l’époque la nécessité d’émettre des propositions afin d'inventer des règles claires pour les plateformes. Elle a noté, toutefois, que certains chauffeurs restent attachés à leur statut d’indépendant : « Il faut trouver un cadre qui permette aux travailleurs d'être protégés, qu'ils veuillent ou non être salariés ».

Au demeurant, ce sont les conséquences sur le modèle économique des plateformes qui seront probablement visibles dans l’immédiat. De fait, l'issue favorable de cette affaire semble avoir suscité une augmentation du contentieux porté par des chauffeurs Uber ou même des chauffeurs d’autres plateformes pour demander la qualité de salarié.

 

Lien site :  https://www.dialogue-social.fr/articles-par-themes/article/la-cour-de-cassation-requalifie-en-contrat-de-travail-la-relation-contractuelle-entre-uber-et-lun-de-ses-chauffeurs-cass-soc-4-mars-2020

 

[1] Cass. Soc., 4 mars 2020, pourvoi n°19-13.316, Bull. V, n°374.

[2] CA Paris, 10 janvier 2019, 6-2, RG 18/08357.

[3] Cass. Soc., 17 avril 1991, pourvoi n° 88-40.121, Bull. V, n° 200 ; Cass. Soc., 19 décembre 2000, pourvoi n° 98-40.572, Bull. V, n° 437 ; Soc., 9 mai 2001, pourvoi n° 98-46.158, Bull. V, n° 155.

[4] CJUE,13 janvier 2004, Allonby, C-256/01, point 71 ; CJUE, 4 décembre 2014, C-413/13, FNV Kunsten Informatie en Media, point 35.

[5] Notamment CJUE, 14 octobre 2010, Union syndicale Solidaires Isère, C-428/09 ; CJUE, 7 avril 2011, Dieter May, C-519/09 ; CJUE, 26 mars 2015, Fenoll, C-316/13CJUE.

[6] Conseil constitutionnel, décision n° 2019-794 DC du 20 décembre 2019.

[7] Interview de la ministre du Travail Muriel Pénicaud à Europe 1, 5 mars 2020.


Agenda
Les Rendez-vous de la rentrée

Rendez-vous dès septembre pour de nouveaux évènements ![1]

 

  • Conférence en présentiel à Strasbourg sur les enjeux du vieillissement

Vendredi 6 septembre 2024

De 9h à 12h

Strasbourg | Amphithéâtre Béretz Nouveau Patio - Campus de l'Esplanade
Présidence de l'Université de Strasbourg, 20A Rue René Descartes, 67000 Strasbourg

 

Pierre-Louis Bras est un haut fonctionnaire spécialisé dans les questions sociales et de santé publique. Il a notamment été à la Direction de la Sécurité Sociale, était en poste à l'IGAS et a présidé le Conseil d'Orientation des Retraites jusqu'en octobre 2023.

Pierre-Louis Bras construira son propos autour des nombreux enjeux que pose le vieillissement de la population et des politiques publiques pouvant être mises en place. Sur le plan économique, il augmente les coûts des retraites et des soins de santé. Socialement, il nécessite des adaptations pour maintenir l'inclusion et la qualité de vie des personnes âgées. Il soulève par ailleurs des questions sur l'adaptation du marché du travail et la gestion des ressources humaines face à une main d'œuvre vieillissante. 

Inscription

 

  • Webinaire - Pour une écologie des temps du travail (quatrième webinaire d'un cycle de 6 conférences sur les innovations organisationnelles).

10 septembre 2024

De 11h à 12h

Ce webinaire reprend les enseignements présentés dans l'ouvrage "le travail pressé"[2] rédigé en 2022 par Corinne Gaudart, directrice de recherche au CNRS et ergonome et Serge Volkoff, statisticien et ergonome. Ils y décrivent les changements du rapport au temps avec notamment de nouvelles pressions temporelles liées à l'intensification du travail dans les organisations.

Ce modèle "à la hâte" sera illustré par différentes réalités de travail : ouvriers de l’automobile, de la sidérurgie ou du BTP, pâtissiers, horticulteurs, infirmières et aides-soignantes, agents administratifs et encadrants et force sera de reconnaitre que ces travailleurs  vivent bien des expériences communes relatives aux injonctions contradictoires du faire « vite et bien » et à l’impossibilité de prendre le temps nécessaire pour acquérir et faire circuler des savoirs professionnels.

Les auteurs décrivent les rouages du modèle de la hâte, ses méfaits, mais aussi les stratégies et les ruses déployées dans l’activité quotidienne, individuelle et collective, pour le contrer. Ils dessinent les temps essentiels, ceux grâce auxquels on peut faire vivre son expérience, défendre sa santé et redonner au travail tout son sens.

Inscription

 

  • Conférence en présentiel à Châlons-en-Champagne - Classification, focus sur la convention métallurgie

Jeudi 14 novembre 2024

De 14h à 17h

Logis Hôtel Le Renard – 24 place de la République

La nouvelle convention nationale de la métallurgie, signée le 7 février 2022, est entrée en vigueur au 1er janvier 2024. Cette nouvelle convention pour être « déployée » dans chaque entreprise nécessite un travail préalable de « cotation des emplois », lui-même porteur de  risques et de potentielles dénonciations d'autres accords collectifs de l'entreprise .

Dès 2016, l’accord de méthode prévoyait que ce « socle commun » national soit « repris dans son intégralité, paritairement, au niveau territorial ». L’IUMM en a fourni la méthode en inventant le concept d’avenant « révision-extinction », que les chambres territoriales étaient priées de conclure avant juin 2022. Une invention validée par la Cour de cassation dans un arrêt du 4 octobre 2023, en dépit des difficultés majeures qu’elle pose au regard du droit du travail, difficultés qu’avaient soulignées certaines cours d’appel.

Sur le fond, la nouvelle convention charrie de nombreuses modifications: remise en cause des classifications selon la qualification au profit d’une « cotation des emplois », possibilité de « déclassement », primes revues à la baisse, logique de « l’indemnité différentielle » à plusieurs niveaux (logique menant à un gel des salaires que l’on retrouve dans différents secteurs aujourd’hui), suppression des jours de congés d’ancienneté pour les nouveaux embauchés...Bref, une construction qui n’est pas sans poser, en droit, nombre d'interrogations.

Inscription

 

Gratuit, sur inscription uniquement, dans la limite des places disponibles.
Uniquement en présentiel
Contact : tiphaine.garat[ad]unistra.fr | 03.68.85.83.25

[1]Les Rendez-vous du Dialogue Social sont organisés par l’institut du travail de Strasbourg, avec le soutien de la DREETS Grand Est et de la Direction Général du travail. Ils sont organisés sous la responsabilité scientifique de Fabienne Tournadre, directrice de l'Institut du travail de Strasbourg, avec le soutien de Tiphaine Garat, ingénieur d'études. 

[2] Le travail pressé : pour une écologie des temps du travail / Corinne Gaudart et Serge Volkoff; Paris : Les petits matins, 2022. EAN 9782363833518 - Présentation sur le site de l'éditeur


Bibliographie
Sélection bibliographique - Plateformes