Lors du webinaire organisé le 27 mai par l’Institut du travail de Strasbourg, dans le cadre des Rendez-vous du dialogue social, Nicole Maggi-Germain, maître de conférences HDR en droit social à l’Institut des sciences sociales du travail de l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne, a présenté les principaux points de vigilance à prendre en compte pour les entreprises souhaitant conclure un accord sur le congé menstruel.[1]
En introduction, l’intervenante souligne que le terme même de « congé menstruel » prête à confusion : « Il ne s’agit pas d’un congé lié aux menstruations en tant que telles, mais à des dysménorrhées, autrement dit des règles douloureuses et invalidantes, ainsi qu’aux pathologies qui y sont associées ».
À l’échelle internationale, la reconnaissance du congé menstruel n’est pas récente : elle remonte à plusieurs décennies, avec une première mise en place au Japon dès 1947. Toutefois, cette initiative s’est révélée largement symbolique, puisque seules 0,9 % des travailleuses y recourent. Selon Nicole Maggi-Germain, cet échec s’explique par les effets organisationnels et culturels de ce type de dispositif : « Au Japon, où la relation entre l’employé et l’entreprise relève presque d’un lien d’allégeance, il n’est pas dans les usages de s’absenter pour ce motif. La culture professionnelle valorise la discrétion et le dévouement, plaçant les femmes dans une position où elles doivent s’effacer au profit du collectif de travail ».
Peu à peu, d’autres pays ont abordé la question selon des modalités très variées. Ainsi, la Corée du Sud autorise un jour de congé non rémunéré par mois ; l’Indonésie prévoit un à deux jours d’absence en cas de règles douloureuses ; la Zambie accorde une journée de repos mensuelle sans préavis ni justificatif médical et Taïwan offre jusqu’à trois jours par an intégrés au régime des congés maladie. Enfin, l’intervenante rappelle que l’Espagne a franchi un cap en 2024 en instaurant un congé menstruel de trois jours, cette fois rémunéré, prescrit par un médecin et pris en charge par la sécurité sociale.
Au cours du webinaire, Nicole Maggi-Germain s’est penchée sur la situation française. Elle a d’abord analysé les quatre propositions de loi relatives au congé menstruel déposées en 2023 ainsi que les débats parlementaires qu’elles ont suscités. Dans un second temps, elle s’est intéressée à la manière dont les entreprises se sont saisies de cette question à travers la négociation collective.
Pour étayer son propos, elle s’est appuyée sur un corpus de 146 accords d’entreprise publiés sur Légifrance. Parmi ceux-ci, 130 ne peuvent être considérés comme « aboutis » : ils résultent de propositions syndicales rejetées par la direction, ils entérinent un statu quo dans l’attente d’une éventuelle réforme législative ou prévoient simplement l’ouverture future de concertations ou de négociations. À l’inverse, 16 accords du panel comportent un titre spécifiquement consacré au congé menstruel, témoignant d’une véritable volonté d’intégrer cette thématique dans les politiques de ressources humaines.
Quels sont les enjeux du congé menstruel ?
L’intervenante souligne d’abord les enjeux financiers associés au congé menstruel : « Ce dispositif suppose une prise en charge comparable à celle des arrêts de travail, avec, le plus souvent, la suppression des jours de carence, ce qui revient à reconnaître un véritable droit d’absence ».
Elle évoque ensuite un enjeu de positionnement économique et international : « Dans un contexte de mondialisation, le fait pour un pays de se situer parmi ceux qui offrent des garanties avancées aux femmes constitue également un levier stratégique qu’il ne faut pas négliger ».
Au-delà de ces aspects, le congé menstruel soulève des questions de politique publique, notamment en matière de conditions de travail et d’égalité entre les femmes et les hommes. Sur ce point, Nicole Maggi-Germain met en garde contre un risque d’essentialisation ou d’enfermement des femmes dans leur physiologie. Elle illustre cette dérive à travers l’accord de l’association Marché Gare du 25 juillet 2023 : « En recourant à des expressions évoquant les contraintes des douleurs menstruelles — telles que les sautes d’humeur ou les sensations d’inconfort —, le texte contribue à enfermer les femmes dans une vision pathologisante de leur corps ».
Pour éviter cet écueil, l’intervenante propose d’élargir la réflexion à d’autres événements de la vie des femmes, afin de ne pas isoler la question menstruelle. Elle cite à cet égard l’exemple du groupe Carrefour, qui a introduit des congés spécifiques couvrant différentes situations physiologiques, et parfois même ouverts aux hommes. Une approche qu’elle qualifie de « particulièrement pertinente pour favoriser une égalité réelle entre les sexes ».
Quelles sont les propositions de lois relatives au congé menstruel ?
L’intervenante dresse un panorama des différentes propositions de loi relatives au congé menstruel déposées en France. Bien qu’elles émanent de groupes politiques variés, toutes abordent la question sous l’angle de l’arrêt maladie et du recours éventuel au télétravail, souligne-t-elle. En 2023, quatre propositions de loi ont été déposées : deux par le groupe socialiste, une par le Rassemblement national et une par le groupe écologiste-NUPES.
Les propositions du groupe socialiste
La première proposition, déposée le 18 avril 2023, visait à « améliorer et garantir la santé et le bien-être des femmes au travail ». Elle ne mentionnait pas explicitement un congé menstruel, mais un arrêt maladie pour douleurs menstruelles. Nicole Maggi-Germain relève à ce sujet une dualité terminologique : « Les “douleurs menstruelles” renvoient à une réalité communément admise, tandis que les “menstruations incapacitantes” renvoient au congé menstruel proprement dit ».
Le texte prévoyait la suppression du jour de carence, le maintien intégral de la rémunération et une durée d’expérimentation d’un an. En revanche, il supprimait la prise en charge à 100 % par la sécurité sociale, au motif qu’une telle mesure créerait une inégalité de traitement vis-à-vis des arrêts maladie de droit commun, pris en charge à hauteur de 50 %. Bien que rejetée par le Sénat, cette proposition est la seule à avoir donné lieu à un véritable débat parlementaire.
La deuxième proposition, déposée le 10 mai 2023 par le même groupe, reprenait pour l’essentiel le texte précédent. Pour l’intervenante, son intérêt majeur réside dans l’inscription de dispositions nouvelles à la fois dans le Code du travail et dans le Code de la sécurité sociale, traduisant une volonté d’intégrer le congé menstruel dans une approche plus large de l’articulation entre vie professionnelle, personnelle et familiale, incluant à la fois les femmes et les hommes.
La proposition du Rassemblement national
Déposée également le 10 mai 2023, cette proposition prévoyait un congé menstruel applicable aux secteurs privé et public, pris en charge intégralement par la sécurité sociale, et incluait la possibilité de reconnaître la qualité de travailleuse handicapée (RQTH) pour les femmes concernées. Cependant, le texte a été retiré par le groupe lui-même, après que les autres formations politiques ont critiqué son approche jugée réductrice de la condition féminine.
La proposition du groupe Ecologistes-NUPES
Cette proposition, intitulée « reconnaissance et protection de la santé menstruelle et gynécologique dans le monde du travail », s’inscrivait dans une perspective plus large de santé au travail. Nicole Maggi-Germain souligne « l’intérêt de cet intitulé, qui fait clairement le lien avec les conditions de travail ». Elle interroge toutefois la pertinence d’une intervention législative sur un sujet qui « pourrait relever de la négociation collective ».
Le texte reprenait certaines mesures communes aux autres propositions, tout en introduisant des innovations notables :
- La promotion de la santé gynécologique au travail et la banalisation des questions liées aux menstruations, longtemps restées taboues ;
- La création d’une nouvelle obligation pour l’employeur en matière de santé et de sécurité au travail, l’obligeant à informer et sensibiliser les salariés aux enjeux de la santé menstruelle et gynécologique ;
- L’attribution d’une nouvelle mission aux services de prévention et de santé au travail, consistant à accompagner et orienter les travailleurs sur ces questions, notamment lors des visites d’information et de prévention prévues à l’article L.4624-1 du Code du travail, ainsi qu’à mettre en place des actions d’information et d’accompagnement des employeurs.
L’intervenante précise que cette proposition a été redéposée en 2023, mais n’a pas été adoptée.
Quels arguments sont invoqués dans les débats parlementaires ?
Les débats parlementaires entourant les différentes propositions de loi sur le congé menstruel ont mis en lumière une question terminologique centrale, observe Nicole Maggi-Germain : « Les échanges révèlent l’omniprésence des arguments relatifs à la terminologie ». Le dilemme reste entier : « faut-il parler de “menstruations incapacitantes” ou de “dysménorrhées” ? ». Selon elle, « si l’expression congé menstruel est familière au grand public, elle demeure trop générale et restrictive pour les femmes concernées par des pathologies spécifiques ». L’adoption d’un amendement mentionnant les dysménorrhées incapacitantes ouvre d’ailleurs la voie, selon l’intervenante, à « la reconnaissance d’autres affections et douleurs, au-delà des seules menstruations ».
Des craintes de discriminations persistantes
Au-delà du vocabulaire, les débats ont souvent été traversés par la crainte d’effets discriminatoires. Plusieurs groupes politiques ont exprimé leurs réserves, estimant qu’un tel dispositif pourrait pénaliser les femmes sur le marché du travail. Ainsi, le groupe Démocrates (MoDem et Indépendants) a souligné que le congé menstruel « ferait courir aux femmes un risque de discrimination, en premier lieu à l’embauche, que l’on ne peut écarter ». Le groupe Horizons a, pour sa part, alerté sur un « coût significatif pour la sécurité sociale », mais aussi sur un « effet pervers en matière d’égalité », susceptible de décourager l’embauche féminine.
Face à ces craintes, Nicole Maggi-Germain plaide pour une banalisation du dispositif, afin de dépasser les résistances symboliques : « L’un des enjeux essentiels du congé menstruel est d’inviter à une réflexion sur les valeurs que porte aujourd’hui le monde du travail ».
Les contraintes organisationnelles et financières
D’autres oppositions s’articulent autour des difficultés organisationnelles qu’un tel congé pourrait engendrer. Certains redoutent une désorganisation du travail ou une surcharge pour les collègues. Sur ce point, l’intervenante estime qu’il faut inverser la logique : « En réglant d’abord les questions d’organisation et les conditions de travail, le congé menstruel ne sera plus un problème ». Le coût pour la sécurité sociale constitue un autre argument fréquemment invoqué, nourrissant une approche plus économique du débat.
Une approche critique du dispositif
De manière plus globale, Nicole Maggi-Germain invite à adopter une lecture critique du congé menstruel sous plusieurs angles. Elle met notamment en garde contre le risque d’enfermement professionnel des femmes concernées : « Elles pourraient être reléguées à des tâches sédentaires ou administratives, notamment par le recours au télétravail ».
Elle interroge aussi la dimension stratégique du dispositif dans certaines entreprises, où il peut devenir un outil de communication ou de positionnement de marque employeur. Elle cite ainsi l’exemple de la start-up Louis, dont l’accord précise : « en tant que jeune génération de start-up, on sait que c'est important de montrer l'exemple autant sur le respect de l'environnement que l'égalité femmes/hommes. On sait aussi que c'est en prenant soin de notre équipe que nous réussirons à la motiver pour poursuivre cette aventure, alors on agit concrètement ». Cette logique peut aussi servir des objectifs de recrutement, certains accords mentionnant explicitement le congé menstruel comme levier d’attractivité dans des secteurs en tension.
Enfin, Nicole Maggi-Germain remarque que la prise en compte des menstruations incapacitantes s’inscrit parfois dans une démarche plus large de réorganisation ou de transformation de l’entreprise. Elle cite à titre d’exemple l’accord sur la qualité de vie et les conditions de travail des Laboratoires Expanscience, signé le 28 juillet 2023, où le congé menstruel s’intègre à une réflexion globale sur la santé, la performance et la modernisation du travail.
Les menstruations incapacitantes doivent-elles être prises en compte par la loi ou par la négociation collective ?
Cet aspect revêt, selon Nicole Maggi-Germain, une importance déterminante, car il conditionne les mécanismes juridiques susceptibles d’être mis en place. « Si le législateur intervient, cela signifie que la solidarité nationale sera mobilisée ; à l’inverse, si la loi n’est pas adoptée, le sujet est renvoyé à la négociation collective », explique-t-elle.
Une interrogation demeure toutefois en filigrane : « L’entreprise doit-elle se substituer à ce qui relève de la santé publique ? ». Cette question prend une résonance particulière dans un contexte où l’Union européenne renforce les exigences en matière de responsabilité sociale et environnementale des entreprises.
L’intervenante évoque notamment le dispositif du “reporting durable”, qui impose aux grandes entreprises de rendre compte de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) témoignant de leur engagement sociétal : « Le congé pour menstruations incapacitantes pourrait ainsi s’inscrire dans cette dynamique, en contribuant à l’intégration d’indicateurs sociaux valorisant le caractère responsable de l’entreprise », souligne-t-elle.
Sur le plan politique, la plupart des partis représentés au Parlement prônent un renvoi à la négociation collective, à l’exception notable de ceux ayant déjà déposé des propositions de loi sur le sujet. Cependant, Nicole Maggi-Germain plaide pour une approche complémentaire : « Même si la loi venait à intervenir, il faudrait aussi ouvrir un espace de dialogue pour la négociation collective », insiste-t-elle, afin de favoriser l’adaptation des dispositifs aux réalités propres à chaque entreprise.
Quelles alternatives peut-on envisager au congé menstruel ?
L’intervenante souligne que certaines pathologies menstruelles, et plus particulièrement l’endométriose, pourraient relever du régime des affections de longue durée (ALD). « Une telle reconnaissance impliquerait la suppression du délai de carence et une prise en charge à 100 % », précise-t-elle.
Cependant, les données disponibles mettent en évidence un écart considérable entre le cadre théorique et la réalité : seules 10 000 femmes ont obtenu la reconnaissance de leur endométriose comme ALD, alors que 2,51 millions en sont atteintes en France.
Face à ce constat, Nicole Maggi-Germain estime que la question ne peut pas être laissée à la seule négociation collective au sein des entreprises : « Cette problématique doit être appréhendée dans le cadre plus large des politiques de santé publique », affirme-t-elle.
Selon elle, cela nécessiterait un véritable travail clinique et scientifique visant à mieux comprendre l’ensemble des conséquences de cette maladie, notamment le rôle que pourraient jouer les perturbateurs endocriniens dans son développement et son aggravation.
Peut-on catégoriser les accords en fonction de la place occupée par le congé menstruel ?
À travers son analyse des accords d’entreprise, Nicole Maggi-Germain identifie plusieurs typologies de dispositifs selon la manière dont ils prennent en compte les menstruations incapacitantes.
Des accords élargissant la notion de congé menstruel
Certains textes intègrent le congé menstruel dans une approche plus globale, en l’associant à divers événements de la vie des femmes. « Par cette formulation, on élargit la question à l’aide médicale à la procréation, aux fausses couches, à l’endométriose ou encore à d’autres problématiques de santé féminine », souligne l’intervenante. Cette approche permet de dépasser la logique purement physiologique pour inscrire la réflexion dans une vision de la santé reproductive et du parcours de vie au travail.
D’autres accords vont plus loin encore en rattachant le dispositif à la thématique de la parentalité, traduisant une volonté d’articulation entre les temps de vie et d’égalité des rôles familiaux.
Le congé menstruel et la réorganisation du travail
Nicole Maggi-Germain s’attarde ensuite sur l’intégration du congé menstruel dans la réflexion sur le temps et l’organisation du travail, à travers l’exemple de l’accord de l’association Marché Gare (2023). « Cet accord fait suite à une restructuration des conditions de travail et des garanties sociales des salariés, qui reposaient alors sur des usages particuliers et mal définis. C’est une façon pour l'entreprise de repartir sur de nouvelles bases, en mettant l'accent sur une dimension sociale et en réparant peut-être les effets d'une précédente restructuration ». Dans cette perspective, le congé menstruel apparaît comme un levier stratégique permettant de cohérer les engagements de l’entreprise avec ses valeurs et son identité, voire de redorer son image sociale après des transformations internes.
Parmi les accords remarquables, l’intervenante cite celui de DCI Environnement, signé le 5 mai 2023 et consacré à la santé des femmes au travail. L’entreprise y revendique une démarche triple, associant :
- l’amélioration de la qualité de vie au travail,
- l’égalité des chances entre les femmes et les hommes,
- et la transition sociale promue par les pouvoirs publics à travers la responsabilité sociétale des entreprises (RSE).
Ce type d’accord illustre la manière dont le congé menstruel peut s’inscrire dans une stratégie globale de durabilité sociale, dépassant la simple logique d’aménagement du temps de travail.
Des réserves sur l’intégration du dispositif dans la QVCT
Nicole Maggi-Germain se montre cependant réservée quant à la tendance de certaines entreprises à intégrer le congé menstruel dans les négociations obligatoires sur la qualité de vie et les conditions de travail (QVCT). : « la QVCT conduit souvent à éviter la question essentielle de l’organisation du travail », met-elle en garde, soulignant le risque d’une approche trop formelle ou symbolique, sans effet concret sur les conditions réelles de travail des femmes.
Des accords inscrits dans la politique d’égalité professionnelle
Le congé menstruel figure également dans plusieurs accords relatifs à l’égalité femmes-hommes, où il prend toute sa portée en matière de justice sociale. L’intervenante cite en exemple l’accord de Roquette Frères du 18 janvier 2024, qu’elle qualifie de « plus complet et le plus intéressant » parmi ceux qu’elle a analysés : « Il y a un véritable travail de fond, avec un suivi statistique de l’évolution des femmes et une inscription de ce congé dans une démarche globale qui vise à lutter, de manière concrète, pratique et effective contre ces inégalités femmes-hommes ». Elle mentionne également l’accord Cargill du 19 novembre 2024, qui, malgré une faible féminisation de ses effectifs, intègre des mesures très concrètes, telles que la mise à disposition gratuite de protections hygiéniques de qualité, signe d’une prise en compte réelle des besoins des salariées.
Les menstruations sont aussi une affaire d’hommes
En conclusion, Nicole Maggi-Germain rappelle que la question des menstruations ne concerne pas uniquement les femmes : Les menstruations sont aussi une affaire d’hommes. Cela se traduit par la « nécessité d’éduquer, de sensibiliser et de banaliser ces pathologies », insiste-t-elle. Pour elle, la reconnaissance des menstruations incapacitantes et la mise en place de dispositifs adaptés doivent avant tout contribuer à transformer la culture du travail, en la rendant plus inclusive, égalitaire et bienveillante.
Questions-réponses
Un participant s’interroge : « Eu égard à la situation des femmes au Japon, le congé menstruel est-il vraiment revendiqué ? »
L’intervenante explique les particularités culturelles qui influent sur l’effectivité du dispositif au Japon : « il y a forme d’allégeance à l’entreprise. Par conséquent, malgré l’existence du congé menstruel, les personnes s’auto-censurent et ne le prennent pas. Pour elles, c’est impensable de s’absenter du travail pour leur propre bien-être ».
« Pourriez-vous préciser le lien entre parentalité et congé menstruel ? », demande un autre participant
L’intervenante envisage la parentalité comme un palliatif au risque d’essentialisation et de renforcement des inégalités en termes d’accès à l’emploi et d’évolution de carrière des femmes : « Il faut englober le congé menstruel dans la parentalité et impliquer aussi les hommes. Ce qui en fera non pas un sujet en soi, mais un sujet de réflexion sur la façon dont la parentalité peut être exercée, tout comme un sujet d’égalité femmes-hommes ». Pour ce faire, l’intervenante propose, par exemple, de ne pas planifier de réunions le mercredi, ou d’inciter les hommes à prendre leur mercredi.
« Ce serait donc aussi une question d’éducation qui doit commencer dès le plus jeune âge ? », rebondit un autre participant.
L’éducation et la communication autour du sujet des menstruations sont primordiales pour aliéner les représentations qui existent autour du sang menstruel et garantir l’efficacité du congé menstruel : « Dès l’Antiquité, le rapport au sang est particulier en ce que les femmes sont considérées comme impures. Il y a encore des pays dans lesquels on ne s'assied pas à côté d'une femme qui a ses règles. Cela génère une forme de honte autour de ce sang menstruel », rappelle l’intervenante. En ce sens, « accroitre le rôle éducatif des services de santé au travail, sur ce thème, rôle envisagé dans l’une des propositions de loi, est essentiel », souligne Nicole Maggi-Germain.
Un autre participant fait la remarque suivante : « En pratique, en cas de négociation, l’employeur oppose un risque de désorganisation du travail pour refuser le congé menstruel. Puisqu’il n’y a pas de délai de prévenance, l’employeur pourra systématiquement invoquer la répartition de la charge de travail entre salariés »
« En effet, cet argument risque d’être opposé systématiquement, même si ça ne devrait pas l’être », déplore l’intervenante. « Cela renvoie aussi à bien d’autres questions comme la ménopause et l’andropause pour les hommes. En raison de l’âge, il serait peut-être souhaitable d’adapter à certains moments les conditions de travail. C’est pour cela que ça renvoie d’abord à des politiques publiques afin de favoriser la banalisation de ces sujets ».