Compte-rendu de l’intervention de Barbara Palli sur le dialogue social environnemental
Le 2 avril 2024, l’Institut du Travail de Strasbourg, en partenariat avec la DREETS Grand Est, a organisé un webinaire portant sur le dialogue social environnemental, animé par Barbara Palli, Maître de conférences à la faculté de Droit à l’Université de Lorraine.
Ce webinaire a réuni 80 participants, ce qui témoigne de l’intérêt que suscite cette thématique à l’heure de la transition écologique et de changements environnementaux majeurs.
La prise de conscience par les acteurs de l’impact de leurs activités sur l'environnement, à travers notamment l’instauration de la responsabilité sociétale des entreprises, a des conséquences sur le dialogue social et in fine la détermination des conditions de travail des salariés.
Le dialogue social est déjà en première ligne de la transition écologique qui touche tous les secteurs d'activité, pas seulement l'agriculture et l'industrie du pétrole, les transports et la construction. Des outils sont mis en place pour permettre aux partenaires sociaux d’agir en connaissance de cause: la loi Climat et résilience de 2021 a institué un dialogue social et écologique.
Dans ce cadre, l’intervention de B.Palli poursuit un double objectif: d’une part, montrer les raisons politiques et théoriques pour lesquelles le dialogue social est intimement lié à la transition écologique. D’autre part, montrer que le dialogue social et écologique à la française n’est pas forcément à la hauteur de l’enjeu de la transition écologique. Il faudrait une transformation du dialogue social lui-même pour avoir une transition écologique juste.
Son propos est organisé en deux parties : la première est consacrée à la présentation des prémisses du discours sur le dialogue éco-social et la seconde à celle du modèle du dialogue social et écologique à la française.
I - Les prémisses du discours sur le dialogue éco-social
B.Palli débute son intervention par la question suivante: quelle est la jonction entre le travail et l’écologie ? Ces deux notions, pouvant paraître contraires, ont bien un lien: « Le travail humain a un impact indéniable sur l’environnement car il provoque des pollutions, une réduction de la biodiversité, et un épuisement certain des ressources naturelles », explique-t-elle. Le travail et l’environnement sont donc des concepts qui se rallient, car depuis longtemps, on tient compte des effets de l’environnement sur le travail. Ce qui pose problème est lorsqu’on tente d’associer le travail et l’écologie, ces deux notions étant antagonistes: « D’un côté il y a un mouvement social, visant à de meilleures conditions de travail, de l’autre côté un mouvement écologique visant à réduire la production et la consommation ».
Ainsi, une opposition naît entre l’intérêt des travailleurs qui veulent maintenir leur emploi dans leur secteur et de l’autre des objectifs écologiques qui s'opposent à leurs attentes. L’intervenante illustre son propos avec les récents mouvements des agriculteurs face aux ONG environnementales.
Ceci étant, cette opposition semble aujourd’hui dépassée. Le travailleur est aussi citoyen, et tout citoyen est confronté à une réalité scientifique: « En tant que citoyen, il est conscient de l’impact des modes de production, de consommation, de transport, à l’origine du dérèglement climatique ». Il a donc une responsabilité individuelle et collective face au dérèglement climatique.
Cette conscience individuelle et collective permet de comprendre qu’il existe peu d’alternatives. Il faudrait une transformation radicale de nos modes de production, de consommation et de transport. Le citoyen est alors concerné aussi bien en tant que travailleur, les transformations touchant à son travail, mais aussi en tant que consommateur.
Les principes directeurs de l’OIT pour une transition juste (2015)
B.Palli expose ensuite les principes directeurs de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) pour une transition juste. « Ce qui est important dans ces principes directeurs », dit-elle, « c’est qu’il y a désormais trois objectifs indissociables et égaux entre eux, à savoir économiques, sociaux mais aussi environnementaux ».
Cela étant, la transition écologique n’est pas vue comme un enjeu ou un risque, mais comme « une chance ». Elle se voit associée aux objectifs classiques de l’OIT en tant que moteur pour une croissance économique, générateur d’emplois décents et moyen pour lutter contre la pauvreté et l’exclusion.
Dès lors, selon l’OIT, le dialogue social doit faire partie intégrante du cadre institutionnel régissant l’élaboration et la mise en œuvre des politiques à tous les niveaux et permettre la consultation de toutes les parties prenantes dans le cadre d’un processus approprié, permanent et éclairé. Pour l'intervenante, c’est ainsi que se décrit l’essence même du dialogue éco-social : « C’est une définition indirecte, dit-elle, la participation de toutes les parties prenantes inclut les représentants des travailleurs et des employeurs, mais aussi les représentants des États Membres de l’OIT ».
Les politiques de transitions écologiques doivent donc prendre en compte, lors de leur élaboration même, les intérêts de toutes les parties prenantes. « Le dialogue doit donc avoir lieu en amont pour définir les objectifs et moyens d’atteindre la transition écologique. Il ne peut être ni limité à un seul niveau, ni figé dans le temps mais au contraire doit être permanent et éclairé », souligneB.Palli.
Toutefois, l’intervenante note une divergence entre l’objectif d’un solide consensus social et de l’exigence de consultation. L’amélioration du texte est tout à fait envisageable pour introduire un véritable « consensus ».
Transition écologique et justice sociale
L’association entre transition écologique et justice sociale s’est faite de manière claire dans les principes directeurs de l’OIT. Elle se reflète aussi dans d’autres textes phares. En effet, l’accord de Paris de 2015, qui pose un objectif de réduire et atteindre la neutralité carbone, fait une référence explicite à la transition écologique juste. Il est de même dans le Pacte vert pour l’Europe qui énonce que la transition écologique énergétique se réalise « sans laisser personne derrière ».
« Est-ce un engagement ou une simple formule ? » questionne l’intervenante. D’après elle, il ne s’agit pas d’une simple déclaration. La mise en place d’un « Fonds social pour le climat » visant à soutenir financièrement les citoyens et les entreprises les plus touchées en est la preuve. L’idée serait de favoriser la transition écologique des entreprises vers une production et un usage des énergies renouvelables.
Dialogue social et « transition juste »: théorie de l’action politique et syndicale
« Loin d’être un simple slogan, la transition écologique juste constitue une véritable théorie de l’action politique et syndicale », soutient l’intervenante. Elle note ainsi que cette exigence de justice sociale, de transition écologique juste, est d’origine syndicale. « Dans la littérature anglo-saxonne, on constate que c’est surtout au niveau du syndicalisme international, à partir des années 1960/1970, que l’on trouve l’exigence d’une transition écologique juste » révèle-t-elle. « J’ai découvert que beaucoup de représentants syndicaux internationaux étaient des militants au niveau de l’environnement ». Ce sont eux qui ont défendu l’idée selon laquelle « si la transition écologique est un objectif qu’il faut atteindre, il faut faire en sorte qu’elle soit juste ».
Or, le fait qu’il y ait si peu de travaux philosophiques ou juridiques en France sur la « transition juste » est extrêmement étonnant, selon l’intervenante. Pour elle, il existe deux niveaux de justice: la justice procédurale –devant les tribunaux- et la justice redistributive-concrète. Pour elle, dialogue social « est le moyen le plus approprié sur le plan procédural, pour pouvoir assurer la justice auprès de tous ceux qui sont vulnérables face au processus de transition écologique afin qu’ils puissent défendre leurs intérêts et obtenir des solutions équitables sur le plan redistributif ».
Signification et périmètres du “dialogue social"
Pour l’intervenante, il est important de poser la définition et les périmètres de la notion de « dialogue social ». Or, ce travail n’est pas exempt de difficultés. Ledit terme semble être omniprésent tant dans le discours politique que dans les textes, notamment le code du travail. L’intervenante ne manque pas de remarquer que le « dialogue social » figure déjà dans l’article premier de la partie préliminaire du Code du travail, en renvoyant en réalité aux accords nationaux interprofessionnels qui peuvent précéder un projet de loi, donc une politique sociale du gouvernement.
En règle générale, le terme dialogue social inclut tous les mécanismes de participation des travailleurs dans la mise en œuvre des décisions patronales, notamment les procédures d’information-consultation voire de négociation collective. Une ouverture est proposée tant par le Comité économique et social que par le monde académique (cf. les travaux de Frédéric Géa) qui entend inclure dans cette notion toutes les discussions informelles entre l’employeur et les salariés.
Or, la conception traditionnelle du dialogue social est assez restreinte, ce qui conviendrait peu aux enjeux qu’apporte la transition écologique : « Si on souhaite réussir une transition écologique juste, c’est une conception large du dialogue social qu’il conviendrait d’adopter », suggère B. Palli. Selon elle, « le dialogue social ne peut pas être restreint uniquement au niveau de l’entreprise entre l’employeur, les représentants des salariés et les salariés. Il doit être beaucoup plus large et se développer à des différents niveaux, par exemple au niveau territorial, supranational, et inclure d’autres parties prenantes comme les ONG, les riverains, les autorités territoriales, les commerçants, les sans emploi ». A ce titre, il serait intéressant de se référer aux travaux de l’OIT qui utilisent « une conception assez large du dialogue social ».
II- Le modèle du dialogue social et écologique à la française
La loi climat et résilience du 22 août 2021
Avant de poser les prémices de cette nouvelle conception du dialogue éco-social ou éco-sociologique, l’intervenante la positionne, l’oppose, au modèle du dialogue social et écologique du droit français. Pour ce faire, elle passe rapidement en revue les dispositifs le conditionnant, notamment la loi climat et résilience du 22 août 2021[1], ainsi que l’ANI du 11 avril 2023[2].
Inévitablement, elle ne peut pas s’empêcher d’observer les écueils que présentent ces dispositifs. En effet, la loi du 22 août 2021 offre une conception assez réductrice du dialogue social. Par ailleurs, même s’il ne semble pas être l’objectif initial du législateur, cette loi privilégierait l’information et la consultation environnementale du CSE au détriment de la négociation collective. Et pourtant, « la négociation collective ayant un objet extrêmement large, elle pourrait parfaitement tenir en compte les enjeux environnementaux », pointe l’intervenante. Il s’agit ici, selon elle, d’une occasion manquée pour le législateur français d’introduire la transition écologique comme un thème obligatoire de la négociation collective « au lieu de proposer que chaque objet de la négociation collective tienne compte les conséquences environnementales ».
B. Palli reproche aussi au législateur une propension de tout régler en urgence, ce qui se reflète dans l’adoption de cette loi sans une vraie information et consultation des partenaires sociaux. En effet, l’ANI du 11 avril 2023 n’étant adopté qu’ultérieurement, « cette loi n’est pas le résultat d’un consensus sur le climat, sur le processus de la transition écologique ». Sans oublier que « l’ANI, en lui-même, n’est pas le produit d’un accord unanime et n’apporte pas grande chose par rapport à la loi, sauf à donner des outils pour la mise en œuvre du dispositif légal ».
Quant à son contenu, cette loi climat contient des nombreuses « maladresses de formulation », parfaitement illustrées par l’examen des dispositions relatives aux consultations récurrentes et ponctuelles du comité social et économique (CSE).
Les considérations environnementales inscrites dans les consultations récurrentes du CSE (L2312-17)
Le premier volet de cette loi du 22 août 2021 concerne les considérations environnementales dans les consultations récurrentes et ponctuelles du CSE. Il est ainsi prévu qu’au cours des trois différentes consultations récurrentes sur les orientations stratégiques, la situation financière et économique et la politique sociale de l’entreprise, « le comité est informé sur les conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise ». Pour B. Palli, cette formule pose déjà un problème : « elle donne l’impression que le CSE ne fait l’objet que d’une information et n’est pas consulté sur les conséquences environnementales ».
Les considérations environnementales inscrites dans les consultations ponctuelles du CSE
Les consultations ponctuelles du CSE ne sont pas non plus épargnées par ces ambiguïtés terminologiques. Même si la formulation employée cette fois-ci est plus claire, à savoir « le comité est informé et consulté sur les conséquences environnementales…», plusieurs auteurs questionnent la notion même des consultations ponctuelles. Ils pointent l’existence d’autres consultations ponctuelles qui ne sont pas mentionnées dans le texte, sans qu’il soit clair si elles doivent aussi donner lieu à une information-consultation du CSE. « Ceci n’est pas un faux problème », alerte l’intervenante, « il va créer de l’insécurité juridique et conséquemment du contentieux ».
L’ambigüité du concept des « conséquences environnementales »
De manière plus intéressante encore, plusieurs auteurs, y compris l’intervenante, questionnent beaucoup l’emploi de la formule « conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise et des décisions de l’employeur ». B. Palli voit mal pourquoi les travailleurs seraient intéressés à ces conséquences environnementales, « à moins qu’on prenne en compte la qualité du travailleur en tant que citoyen ou militant pro-environnement ». C’est un signe ainsi que la loi en question « ne met pas l’accent sur ce qui est véritablement en jeu ».
Cela étant, une clarification, voire une modification du terme « conséquences environnementales » est absolument nécessaire. « En réalité, lorsque toute entreprise, ou au moins les entreprises particulièrement exposées à la transition écologique, telles que l’industrie automobile ou la logistique, engagent une stratégie de transition écologique, ce qui intéresse les salariés ce sont les conséquences que cette stratégie aura sur leurs conditions de travail, les compétences et leur emploi ». D’autant plus qu’en réalité, toute décision de l’employeur, même celles qui paraissent les plus anodines, ont des conséquences environnementales. L’intervenante reprend, à ce titre, l’exemple évoquée dans les travaux de Mme Duchesne : une délocalisation pas trop importante de l’entreprise, aurait forcement des conséquences environnementales. « Est-ce que ce sont donc ces conséquences qui sont l’objet et l’intérêt même de l’information et consultation des CSE ? », s’interroge alors B. Palli. Rien n’est moins sûr.
Formation, expertise, alerte
L’intervenante reconnaît tout de même que la loi de 2021 met en place des moyens en faveur des membres du CSE, afin de les accompagner dans le processus de dialogue social écologique « à la française ». Tout d’abord le texte prévoit une formation des représentants des salariés sur les enjeux environnementaux. Quoique de très courte durée, à savoir 5 jours prévus initialement au début de l’obtention du premier mandant, « cette formation a le mérite d’exister ». Ensuite, le texte prévoit la possibilité de recourir à des formes d’expertise par un expert-comptable portant, entre autres, sur « tout élément environnemental nécessaire à la compréhension des orientations stratégiques de l'entreprise ». Toutefois, l’intervenante se montre assez sceptique quant à la pertinence de l’implication de l’expert-comptable dans l’analyse de ces informations. Enfin, elle souligne la nécessité de faire usage du droit d’alerte environnementale tel qu’il est reconnu aux membres élus du CSE.
Une négociation collective à vocation environnementale…
L’autre volet de la loi climat du 22 août 2021, au delà de celui portant sur l’information et la consultation, concerne la négociation collective à vocation environnementale. L’intervenante invite à se servir de cette prolifération des accords de méthode qui se constate depuis quelques années, pour enrichir les moyens à disposition des représentants des salariés dans la négociation environnementale ou socio-environnementale. A ce titre, elle propose toute une série des pistes où la négociation collective pourrait intervenir : pour enrichir la BDESE en fonction des objectifs et de l’activité de l’entreprise, prévoir plus d’expertise ou une expertise bien plus approfondie que celle d’un expert-comptable, prévoir une formation initiale plus longue pour les élus, avec un volet axé sur cette question, augmenter les heures de délégation attachées à la consultation sur la politique environnementale de l’entreprise. A noter aussi que plusieurs enquêtes plaident pour une extension de cette formation à tous les salariés : « pour construire cette conscience environnementale des enjeux environnementaux qui vont transforment totalement l’économie, il faut que tout le monde soit formé », recommande aussi l’intervenante.
En dehors de ces cas, la loi des mobilités durables[3] offre une production conventionnelle très importante sur ces questions. En effet, l’intervenante recense 11 084 accords d’entreprise en la matière. A contrario, elle repère beaucoup moins d’accords de gestion de l’emploi et des parcours professionnels (GEPP). Ce qui est intéressant, puisque, la loi climat assigne de nouveaux objectifs environnementaux aux négociations obligatoires en la matière : « dans les entreprises de plus de 300 salariés, les négociations portant sur la GEPP devront également répondre aux enjeux de la transition écologique ». Il s’agit pourtant de dispositions supplétives, susceptibles d’être écartées, « alors que ça devrait être plutôt des dispositions d’ordre public ». L’intervenante envisagerait même « une négociation obligatoire dans toutes les entreprises, que ce soit les entreprises en première ligne de la transition écologique ou dans les secteurs d’activité qui sont particulièrement touchés par la transition écologique ». Sans oublier l’appel récent fait par le gouvernement aux différentes organisations syndicales à négocier des horaires de travail qui seraient en accord avec le dérèglement climatique. L’intervenante recense en effet 250 accords portant sur le temps de travail et dérèglement climatique. Par ailleurs, alors que la transition écologique en tant que telle n’est pas reconnue comme objet de la négociation collective, que ce soit à titre supplétif ou obligatoire, elle fait l’objet de 134 accords de branche et 1 551 accords d’entreprise. Selon B. Palli, « ces accords méritent d’être analysés pour voir quels sont les secteurs et les entreprises les plus concernés ».
III. Les failles du dialogue social et écologique et les propositions pour un dialogue éco-social juste
Cette partie fait office de conclusion.
Appréciation critique du dispositif actuel
B. Palli souligne d’emblée que le point positif du dispositif actuel en droit français est « qu’il a le mérite d’exister » ; ce qui n’est pas le cas chez beaucoup de nos voisins européens. Par exemple, il n’existe pas de cadre légal en droit espagnol.
Cependant, ce dialogue social autour de la transition écologique reste restreint. B. Palli souligne trois écueils :
Le droit français a privilégié le niveau de l’entreprise.
Elle se demande si la transition écologique doit vraiment se faire au niveau de chaque entreprise, entreprise par entreprise, ou devrait-on privilégier un niveau plus élargi ? Elle évoque le fait qu’un collègue espagnol a montré que le niveau le plus approprié est celui du territoire. Ainsi, par exemple, sur un territoire dédié à l’industrie extractive des combustibles fossiles, la destruction des emplois dans ce secteur peut être compensée par le développement de nouvelles activités vertes (énergies renouvelables, éoliennes, solaires, hydrogènes). L’entreprise qui va supprimer des emplois peut être différente de celle qui va créer des emplois ; il faudrait donc envisager une négociation inter-entreprises. Par ailleurs, d’autres acteurs peuvent être impliqués dans ces changements : les riverains, les autorités territoriales…et peuvent être inclus dans les négociations. « Pourquoi ne pas réunir tous les acteurs de la transition, au lieu de continuer à raisonner entreprise par entreprise ? »
- De ce fait, le droit français maintient une conception classique du dialogue social, par opposition à celle incluant toutes les parties prenantes
- Le droit français privilégie la concertation au détriment du « consensus ».
Proposition pour un dialogue éco-social
B.Palli fait des propositions pour un dialogue plus efficace qui permettrait de réussir la transition écologique à laquelle nous sommes confrontés. A l’heure actuelle, nous avons effectivement un dispositif qui promeut le dialogue social et environnemental mais pas la justice sociale.
Le dialogue éco-social suppose d’envisager :
- L’élargissement dialogue social pour inclure toutes les parties prenantes
- Un dialogue à tous les niveaux appropriés en fonction de l’objet (territorial, supra-national). En fonction des sujets, un des niveaux peut être plus adapté que l’autre.
- Une nouvelle répartition du pouvoir. On pourrait envisager de transformer de manière plus radicale le dialogue social à la française : une nouvelle distribution du pouvoir au profit des représentants du salarié. Il s’agit donc de passer à la codécision au lieu de la consultation
- Un dialogue avec les parties prenantes de toute la chaine de production (incluant les fournisseurs et les sous-traitants).
- Une négociation collective obligatoire au niveau de la branche et au niveau de l’entreprise sur l’objectif de la transition écologique
Lors de ces webinaires, chaque intervention est suivie d’un temps d’échanges et de questions-réponses avec les participants. Voici quelques-unes des questions abordées.
- Simplification du rôle du CSE et dialogue éco-social
Toutes les lois de simplification sont problématiques en matière de transition écologique ! Il peut tout à fait y avoir une petite entreprise en terme de nombre de salarié qui est frappée de plein fouet par la transition écologique. La politique française respecte-elle la démocratie sociale ?
- Le reporting extra-financier
La solution la plus simple serait de l’intégrer dans la BDESE.
- Réflexion autour de la loi européenne « Les plans territoriaux de transition juste », remarque d’un participant syndicaliste
Le Fonds pour une transition juste est l’un des principaux outils dont dispose l’Union pour soutenir les régions dans leur transition vers la neutralité climatique d’ici à 2050.
En décembre 2019, la Commission a adopté une communication sur le pacte vert pour l’Europe contenant sa feuille de route vers une nouvelle politique de croissance pour l’Union. Dans le cadre de ce pacte vert et dans le but d’atteindre de manière efficace et équitable l’objectif de neutralité climatique de l’Union, la Commission a proposé la création d’un mécanisme pour une transition juste, doté d’un Fonds pour une transition juste. Elle a indiqué que le mécanisme devrait cibler les régions et les secteurs les plus affectés par la transition du fait de leur dépendance aux combustibles fossiles, notamment le charbon, la tourbe et le schiste bitumineux, ou à des procédés industriels fortement émetteurs de gaz à effet de serre.
Le mécanisme repose sur trois piliers:
- Le Fonds pour une transition juste;
- Un dispositif spécifique dans le cadre du programme InvestEU;
- Une facilité de prêt au secteur public accordée par la Banque européenne d’investissement afin de mobiliser des investissements supplémentaires dans les régions concernées.
L’objet principal du Fonds pour une transition juste est d’accorder des subventions. Celui du dispositif de transition spécifique dans le cadre d’InvestEU est d’attirer les investissements privés. Les activités de la Banque européenne d’investissement devraient permettre de mobiliser des financements publics.
Le soutien apporté par le Fonds pour une transition juste est axé sur la diversification économique des régions les plus touchées par la transition climatique ainsi que sur la reconversion et l’insertion active de leurs travailleurs et demandeurs d’emploi. Les critères de recevabilité des investissements dans le cadre des deux autres piliers du mécanisme pour une transition juste sont élargis, afin de soutenir également les activités liées à la transition énergétique.
La Commission européenne a, en ce sens, attribué à la France une enveloppe de 1 029 952 599 €, dédiée à la reconversion des territoires identifiés par la France. Six régions françaises ont été identifiés. Ces six territoires sont les plus émetteurs de CO2 et présentent donc un enjeu de reconversion des activités économiques et des compétences : 250 000 emplois peuvent être concernés sur chaque bassin ! Ces enveloppes gérées par les Régions et les Directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS), doivent permettre d’assurer une transition verte et inclusive de ces territoires très exposés.
Les règles européennes qui encadrent ce processus demandent la participation des syndicats tout au long du processus…En France, il n’y en a pas eu ! Le CESE a cependant été associé « mais 1 point noyé au milieu de 10 points ». Ce participant regrette sincèrement que les syndicats ne soient pas plus conscients des enjeux, ni formés sur ces questions. « Il y a un décalage entre théorie et pratique ».
B.Palli réagit et confirme de l’importance d’impliquer les parties prenantes dès la conception. Le niveau le plus approprié est bien celui du territoire afin d’inclure les parties prenantes intéressées. En effet, « ce qui est à ce stade évident, c’est le nombre d’emploi supprimé ; par contre, le nombre de création d’emploi est mal connu ».
- La situation de l’Espagne, remarque d’un participant syndicaliste
En Espagne, le droit et la pratique syndicale concernant l’environnement est en réalité beaucoup plus développé que ce que l’on peut constater en France. Le principal syndicat – la Confédération syndicale des Commissions ouvrières- soutient fermement la mise en œuvre des objectifs de développement durable[4].