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Lettre d'information n°150 Février 2024

Edito

A quelques jours de la Journée internationale des Droits des femmes, nous vous proposons dans cette Lettre de faire le point sur la directive sur la transparence des rémunérations adoptée le 10 mai 2023, qui vise à renforcer le principe de l’égalité de rémunérations entre les sexes.

Inscrit dans l’article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), ce principe connaît une application problématique, comme en atteste la persistance d’écarts importants entre la rémunération des femmes et celle des hommes dans l’Union européenne.

Vous trouverez dans cette Lettre le compte rendu-de l’entretien que nous a accordé Nicolas Moizard, Professeur de droit privé à l’Université de Strasbourg, Institut du travail, spécialiste des questions d’égalité de traitement et de non-discrimination. Il nous fait partager son analyse de la directive sur l’égalité de rémunérations, en insistant sur son caractère novateur, ses enjeux majeurs et les changements qu’elle introduit tant pour les travailleurs que pour les entreprises. 

Vous découvrirez également une présentation synthétique de cette directive, une sélection bibliographique sur le thème abordé ainsi que l’annonce de 2 évènements organisés par nos partenaires : la journée consacrée à la santé des femmes au travail "Prévenir et Agir" organisée le 8 mars 2024 par le Comité Régional d'Orientation des Conditions de Travail du Grand Est (CROCT) et le colloque Justice(s) sociale(s) : perspectives de droit social organisée le 15 mars 2024 par l’Equipe de droit social de l’Université de Strasbourg.

Bonne lecture


Entretien
Entretien avec Nicolas Moizard - Professeur à l’Institut du travail, Université de Strasbourg

« La directive 2023/970 constitue une forte incitation à agir  en matière d’égalité des rémunérations entre les sexes »

 

La nouvelle directive n°2023/970 du 10 mai 2023 vise à renforcer l’application du principe d’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes dans les pays de l’Union Européenne.

Nicolas Moizard[1], Professeur de droit social à l’Institut du travail, nous a présenté la logique de cette directive  et ses principales mesures. Il nous a également parlé de ce qui va progressivement changer, au plus tard le 7 juin 2026-date de sa transposition-, pour les entreprises et les salariés[2].

 

       1. Pourquoi cette directive alors même que le corpus législatif en la matière est déjà conséquent ?

Le principe d’égalité des rémunérations entre les sexes pour un même travail ou un travail de valeur égale est inscrit depuis longtemps dans le droit de l’Union ; et plus précisément depuis la directive refonte n°2006/54/CE du 5 juillet 2006.

L’adoption de la directive n°2023/970 dont l’intitulé exact est « directive visant à renforcer l’application du principe de l’égalité des rémunérations entre les femmes et les hommes pour un même travail ou un travail de même valeur par la transparence des rémunérations et les mécanismes d’application du droit » consacre le souhait de l’Union d’agir concrètement en faveur de l’égalité de traitement. Cette directive fait partie d’un ensemble de textes pris en ce sens : on peut évidemment la rapprocher de la directive (UE) n°2022/2042 du 19 octobre 2022 relative aux salaires minimaux adéquats dans l’Union européenne, qui poursuit aussi l’objectif de réduire l’écart des rémunérations entre les femmes et les hommes et promeut la négociation collective sur les salaires.

« Il est important de souligner l’adoption très rapide de cette nouvelle directive alors même qu’elle peut effectivement changer les règles de droit et les pratiques dans les Etats. Cela consacre l’ambition de l’Union européenne d’imposer aux entreprises une transparence sur les écarts de rémunération et ainsi d’agir concrètement en faveur de l’égalité de traitement » souligne Nicolas Moizard.

 

       2. En quoi permet-elle une meilleure identification des inégalités ?

La directive n°2023/970 définit ce qu’est un travail de valeur égale, ce qui est une grande avancée.

Cette notion existe depuis longtemps, mais jusqu’à présent elle était difficile à caractériser.

Pour la première fois, la directive n°2023/970 fixe une méthode pour évaluer ce qui est un travail de valeur égale. « On peut penser qu’elle s’est inspirée d’une jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne qui date déjà …du 26 juin 2001 ! ».

Ainsi, l’Etat doit mettre à disposition de l’entreprise une méthodologie d’évaluation du travail de valeur égale et des outils permettant des structures non sexistes de rémunération.

  • Une méthodologie d’évaluation du travail de valeur égale

« La directive l’affirme : un travail de valeur égale doit être évalué en fonction de critères non sexistes ». L’article 4 paragraphe 4 précise que, de façon non limitative, ceux-ci « comprennent les compétences, les efforts, les responsabilités et les conditions de travail, ainsi que, s’il y a lieu, tout autre facteur pertinent pour l’emploi ou le poste concerné. Ils sont appliqués de manière objective et non sexiste excluant toute discrimination directe ou indirecte fondée sur le sexe. En particulier, les compétences non techniques pertinentes ne sont pas sous-évaluées ». Dans son préambule, la directive précise que pour les micros, petites et moyennes entreprises, les critères doivent inclure quatre facteurs : compétences, efforts, responsabilités et conditions de travail.

Ces critères permettent une vue transversale des emplois dans l’entreprise, sans s’arrêter aux intitulés des fonctions. « On va prendre en compte la réalité du travail, sur la base de critères objectifs », affirme Nicolas Moizard.

Ces critères doivent être pris dans un ensemble, « pris dans un faisceau d’indice et non un par un ».

Le code du travail définit aujourd’hui les travaux de valeur égale comme « les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l’expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse ». La directive va donc impliquer des changements importants, puisque le législateur devra introduire les nouveaux critères de la directive et en particulier les conditions de travail ou les « compétences non techniques souvent sous-évalués ».

« Les conséquences seront nombreuses et en particulier », souligne Nicolas Moizard, « cela permettra de revaloriser les emplois occupés en majorité par les femmes, par exemple dans les métiers du care ».

  • La mise à disposition d’outils

La directive rappelle que les autorités publiques doivent veiller « à ce que des outils ou des méthodes analytiques soient disponibles et facilement accessibles pour soutenir et guider l’évaluation et la comparaison de la valeur du travail » (article 4 paragraphe 2). Ces outils seront mis à la disposition des employeurs et/ou des partenaires sociaux pour la mise en place et l’usage des systèmes non sexistes d’évaluation et de classification des emplois qui excluent toute discrimination en matière de rémunération sur le sexe.

Nicolas Moizard en précise les conséquences : « Il faudra être plus précis dans la construction de ces outils. Une méthode commune permettra de savoir de quoi on parle et de faire des comparaisons ».

En droit français, les outils doivent être mis en place par les conventions collectives de branches d’activité. Nicolas Moizard alerte « sur les compétences des futurs négociateurs sur ce sujet. En effet, un guide publié dès 2013 par le Défenseur des droits, soulignait déjà les biais discriminatoires des méthodes d’évaluation des emplois et des classifications professionnelles et offrait de pistes pour des classifications équitables. On ne peut que souhaiter une meilleure formation des futurs négociateurs et une remise en cause de certaines pratiques ».

 

       3. La directive prévoit-elle d’autres mesures novatrices ?

« Les mesures les plus novatrices de la directive résident dans la diffusion des données des entreprises sur les écarts de rémunérations », affirme Nicolas Moizard. « Sans précédent en droit français, la directive impose une information des candidats à l’embauche. D’autres informations sur la politique des rémunérations de l’entreprise sont à la disposition des travailleurs et du public ».

Reprenons chacun de ces mesures.

Tout d’abord, les candidats à l’embauche « ont le droit de recevoir, de l’employeur potentiel, des informations sur a) la rémunération initiale ou la fourchette de rémunération initiale, sur la base de critères objectifs non sexistes, correspondant au poste concerné ; et b) le cas échéant, les dispositions pertinentes de la convention collective appliquées par l’employeur en rapport avec le poste » (article 5 paragraphe 1).

Cette information n’est pas obligatoirement transmise au candidat qui doit en faire la demande. La directive précise que « ces informations sont communiquées de manière à garantir une négociation éclairée et transparente en matière de rémunération, par exemple dans un avis de vacance d’emploi publié, avant l’entretien d’embauche ou d’une autre manière ».

Nicolas Moizard confirme : « L’objectif bien identifié est donc une négociation éclairée et transparente en matière de rémunération. Cela bouscule les codes dans la mesure où, lors de ces entretiens, c’est plutôt les employeurs qui demandent aux candidats leurs aspirations salariales. Non seulement la directive prévoit que l’employeur donne des informations sur la rémunération initiale ou la fourchette de cette rémunération, mais elle prévoit également que l’employeur ne peut pas demander aux candidats leur historique de rémunération ». « Cela va surtout profiter aux femmes, dans la mesure où de nombreuses études témoignent qu’elles négocient moins, leur salaire, au moment de l’embauche, que les hommes ».

Ensuite, la directive prévoit que des informations importantes sur la politique de rémunération de l’entreprise sont mises à la disposition des travailleurs par les employeurs. L’article 6 paragraphe 1 précise : « il s’agit des critères qui sont utilisés pour déterminer la rémunération, des niveaux de rémunération et la progression de la rémunération des travailleurs ».

Nicolas Moizard souligne : « Les travailleurs doivent pouvoir comprendre les méthodes de fixation de leur rémunération par l’employeur, c’est-à-dire sa politique interne en matière de rémunération. Ces informations devront être intégrées en droit français ».

Enfin, les travailleurs ont le droit de demander et de recevoir par écrit des informations « plus sensibles » « sur leur niveau de rémunération individuelle et sur les niveaux de rémunération moyens, ventilées par sexe, pour les catégories de travailleurs accomplissant le même travail qu’eux ou un travail de même valeur que le leur » (article 7 paragraphe 1). Cette demande peut être adressée directement à l’employeur ou par l’intermédiaire des représentants du personnel ou du Défenseur des droits.

Nicolas Moizard conclut : « C’est une innovation en droit français ! Cela suppose évidemment que l’employeur ait fait ce travail important d’analyse avant une demande. Pourquoi important ? Puisque cela concerne des catégories de travailleurs accomplissant le même travail ou de même valeur ! La directive veut objectiver les choses en matière de rémunération et, par ce fait, renforcer le principe d’égalité de rémunération. Ainsi, les travailleurs pourront divulguer leurs rémunérations aux fins de l’application de ce principe. A contrario, les clauses contractuelles de secret seront prohibées. Par ailleurs, dans un autre champ, ces informations pourront aider les victimes d’inégalités de traitement salarial en raison du sexe à agir ».

 

       4. D’autres informations seront aussi transmises au public. Cette mesure prévue dans la directive est vraiment innovante. Comment cela va-t-il être mis en place en France ?

La directive impose en effet que les entreprises, à partir de 100 salariés, fassent remonter à un « organisme de suivi » des informations relatives à l’écart des rémunérations entre les sexes et sur la proportion de travailleurs féminins et de travailleurs masculins bénéficiant de composantes variables ou complémentaires de leur rémunération (article 9 paragraphe 1).

Cet organisme de suivi, qui va être créé dans chaque État, puisqu’il n’existe pas actuellement, va les compiler et les diffuser. Les employeurs devront, de leur côté, publier ces informations sur leur site internet.

Nicolas Moizard conclut : « Transparence, transparence, transparence…la directive affirme là que la politique en faveur de l’égalité de rémunération entre les sexes se doit d’être transparente. Cela va plus loin que l’index sur l’égalité salariale qui existe déjà dans le code du travail et qui ne publie qu’un résultat. Ici, les informations publiées sont beaucoup plus détaillées et précises. L’Etat français ne pourra donc pas transposer simplement la directive par l’index tel qu’il existe aujourd’hui. On pourrait néanmoins envisager un enrichissement des rubriques de l’index existant à condition de ne pas oublier que la directive ne souhaite pas la diffusion unique d’une note mais la diffusion d’informations sur les rémunérations ».

 

       5. Quel est le rôle des instances représentatives du personnel dans ce processus ?

Les représentants du personnel ne jouent pas un rôle central dans ce processus de transmission d’informations. La directive prévoit leur consultation avant que l’employeur confirme « l’exactitude des informations », ce qui leur permet d’avoir accès aux méthodes appliquées par l’employeur.

Par contre, leur rôle est renforcé lorsque la différence de niveau de rémunération moyen d’au moins 5% entre les sexes « quelle que soit la catégorie » n’a pas été résolue dans un délai de 6 mois à compter de la date de communication des données (article 10). L’employeur doit alors procéder à une évaluation conjointe des rémunérations, en coopération avec eux. L’évaluation conjointe doit être aussi curative, c’est-à-dire comporter des mesures visant à remédier aux différences de rémunération si celles-ci ne sont pas justifiées par des critères objectifs non sexistes. La directive précise que cette mise en œuvre de mesures curatives dans un délai raisonnable doit se faire « en étroite collaboration avec les représentants des travailleurs ». Cette notion de « représentants du personnel » est entendue largement par la directive puisqu’il peut s’agir des instances représentatives du personnel élues ou les syndicats.

L’objectif est de « recenser, corriger, prévenir » les différences de rémunération entre les sexes. « Il s’agit de faire une réelle radiographie de l’entreprise qui commence par un état des lieux (aspect rétrospectif) et qui comprend, dans le cadre de l’analyse, des mesures pour éviter les écarts futurs (aspect préventif) et lutter contre les écarts existants (aspect curatif) », explique-t-il.

 

       6. Peut-on comparer cette évaluation conjointe des rémunérations au processus déjà existant dans le code du travail d’information-consultation du comité social et économique (CSE) sur la politique sociale ?

« Il y a une différence majeure entre ce qui est prévu dans le droit français et la directive. Il s’agit de cet esprit de coopération qui pèse à la fois sur les employeurs et les représentants du personnel, non seulement sur l’évaluation mais également sur les mesures à proposer. La directive demande aux acteurs employeurs et salariés de regarder ensemble les raisons de ces écarts.

Par ailleurs, l’aspect curatif est également innovant par rapport aux attributions actuelles du CSE à qui on ne demande actuellement qu’un avis, qui ne lie pas l’employeur. Il est là aussi coopératif mais la directive fixe en plus une obligation de résultat alors qu’en France, le droit n’impose pas résultat.

Enfin, cette diffusion des données ne correspond pas à l’index de l’égalité salariale, ni aux rubriques existantes dans la base de données économiques et sociales (BDES). Cela va plus loin …le champ de transparence est plus grand et va permettre une comparaison entre entreprises, voire entre secteurs ».

 

       7. Quels sont les versants les plus novateurs de la directive ?

De manière très synthétique, on peut citer :

  • Les informations transmises à un organisme de suivi des entreprises, « qui va permettre, comme je l’ai indiqué plus haut, une comparaison entre secteurs. Cela consacre l’idée que l’égalité salariale est à prendre au sérieux puisque des informations précises seront à transmettre » ;
  • L’obligation de résultat ;
  • La coopération en vue d’atteindre un résultat ;
  • Une action en justice facilitée.

 

       8. Nous n’avons pas encore abordé ce dernier point : qu’est-ce que cela signifie ?

« Outre la transparence salariale, la directive poursuit l’application du principe d’égalité des rémunérations en développant la procédure contentieuse, c’est-à-dire en mettant en place des nouveaux mécanismes d’application du droit par une action devant les tribunaux. La directive va à la fois faciliter l’action en justice des travailleurs sur ce thème, le droit de la preuve, en consacrant le mécanisme du renversement de la charge de la preuve et une meilleure couverture des préjudices subis ».

Concernant le renversement de la charge de la preuve, la directive reprend ce mécanisme en l’appliquant expressément au principe de l’égalité de rémunération. « Néanmoins, le renversement ne s’applique pas lorsque l’employeur prouve que la violation des obligations prévues dans la directive était manifestement non intentionnelle et avait un caractère mineur. Cette dérogation est regrettable. Certes les Etats peuvent maintenir et adopter des modalités plus favorables mais la directive ne semble pas laisser de marge d’appréciation sur ce point… », regrette Nicolas Moizard.

« Par ailleurs, la directive fait progresser le droit français sur le cercle de comparabilité pour évaluer le travail de valeur égale. Par exemple, un salarié pourra se comparer au sein d’un groupe à des salariés d’une autre filiale ou à des salariés qui étaient là avant ».

Concernant la réparation, la directive impose une réparation intégrale du dommage. La directive précise la nature de cette réparation dans l’article 16 paragraphe 3 « l’indemnisation ou la réparation place le travailleur qui a subi le dommage dans la situation dans laquelle il se serait trouvé s’il n’avait pas fait l’objet d’une discrimination fondée sur le sexe ou s’il n’y avait eu aucune violation des droits ou obligations relatifs au principe de l’égalité de rémunération. Les Etats membres veillent à ce que l’indemnisation ou la réparation comprenne le recouvrement intégral des arriérés de salaire et des primes ou paiements en nature qui y sont liés, une indemnisation pour les opportunités manquées, le préjudice moral, tout préjudice causé par d’autres facteurs pertinents, dont peut notamment faire partie la discrimination inter sectionnelle ainsi que des intérêts de retard ».

Nicolas Moizard conclut : « Concrètement, cela signifie aussi que la réparation restera exclue du barème Macron sur les licenciements sans cause réelle et sérieuse ».

 

       9. Pratiquement, qu’est ce qui va changer ? pour les travailleurs et les entreprises ? Quelles sont les échéances ?

« Demain !Les autorités publiques nationales ont jusqu’au 7 juin 2026 pour transposer cette directive. Il apparait très vite que la transparence salariale imposée par la directive ne peut pas se limiter à ce qui existe à l’index de l’égalité professionnelle, ce qui induit des changements à venir dans la politique mise en œuvre.

Les entreprises devront faire ce travail d’analyse des postes. Cela sera un travail de fourmi d’identifier les composantes de chaque métier pour faire des comparaisons. Cela ne peut pas être abordé du point de vue seulement technique. Il faut accepter que l’on compare des postes moins bien rémunérés car moins valorisés et des postes plus valorisés et plus rémunérés.

Cela aura indéniablement un impact sur toute la gestion de la politique des ressources humaines. Le travail va être plus transversal, sans oublier que les résultats seront mis à disposition des travailleurs et de leurs représentants ».

 

[1] Nicolas Moizard est notamment l’auteur de 2 récents articles sur la directive :

  • Les logiques de la directive UE n°2023/970 visant à renforcer l’application du principe de l’égalité de rémunérations entre les sexes, Droit social n°11, novembre 2023
  • L’adoption audacieuse de la directive relative à des salaires minimaux adéquats dans l’Union européenne, Semaine sociale Lamy, 16 janvier 2023

[2] Entretien réalisé par Michèle Forté, MCF en économie et Tiphaine Garat, juriste en droit social (Institut du travail, Université de Strasbourg) le jeudi 25 janvier 2024.


Article
Présentation de la directive n°2023/970 du 10 mai 2023 visant à renforcer l’application du principe de l’égalité des rémunérations entre les femmes et les hommes pour un même travail ou un travail de même valeur par la transparence des rémunérations et le

Vous trouverez, ci-après, un tableau synthétique présentant les principales mesures de la directive. A noter que les États membres ont jusqu’au 7 juin 2026 pour procéder à sa transposition.

I. Mesures en matière de transparence des rémunérations

Transparence des rémunérations au stade de l’embauche

 

  • Avant l'entretien d'embauche ou avant la conclusion d'un contrat de travail, les employeurs devront communiquer aux candidats à un emploi des informations sur le niveau de rémunération initial ou sur sa fourchette. Ces informations doivent être contenues dans l’offre d’emploi ou, à défaut, être fournies par tout autre canal.
  • Les employeurs ne seront pas autorisés à demander aux candidats leurs antécédents en matière de rémunération.

Droit à l'information des travailleurs

 

  • Les employeurs mettront à la disposition de leurs travailleurs, les critères qui sont utilisés pour déterminer la rémunération, les niveaux de rémunération et la progression de la rémunération. Ces critères doivent être objectifs et non sexistes.
  • Les travailleurs auront la possibilité de demander à leur employeur des informations sur leur niveau de rémunération individuel et sur les niveaux de rémunération moyens dans l’entreprise, en fonction du sexe et des catégories de travailleurs accomplissant le même travail ou un travail de même valeur. Lorsque demandées, ces informations doivent être fournies dans un délai raisonnable et en tout état de cause dans un délai de deux mois à compter de la date de la demande.
  • Les États membres mettront en place des mesures visant à interdire les clauses contractuelles de non-divulgation des rémunérations.

Obligation de production d’un rapport sur l'écart de rémunération

  • A compter d’un effectif de 100 salariés, l’employeur doit produire un rapport contenant des informations sur l'écart de rémunération, y compris médian, entre les femmes et les hommes, incluant aussi les composantes variables ou complémentaires de rémunération. Les informations doivent aussi contenir des données sur l'écart de rémunération par catégories de travailleurs, ventilé par salaire ou traitement ordinaire de base et par composantes variables ou complémentaires ; la proportion de travailleurs féminins et de travailleurs masculins bénéficiant de composantes variables ou complémentaires ; la proportion de travailleurs féminins et de travailleurs masculins dans chaque quartile.
  • Ce rapport devra être publié (sur le site internet ou par toute une autre manière) périodiquement, en fonction de l’effectif de l’entreprise : chaque année pour les entreprises d’au moins 250 travailleurs et tous les trois ans pour les entreprises de 150 à 249 travailleurs et de 100 à 149 travailleurs.
  • Pour cette première application de la directive, les entreprises de 250 travailleurs ou plus auront jusqu’au 7 juin 2027 pour établir et communiquer le rapport, les entreprises de 150 à 249 travailleurs jusqu’au 7 juin 2027 et les entreprises de 100 à 149 travailleurs jusqu’au 7 juin 2031.
  • A noter qu’une marge de manœuvre est laissée aux Etats membres pour définir de telles obligations à l’égard des entreprises de moins de 100 salariés.

Evaluation conjointe des rémunérations avec les représentants des travailleurs

 

Lorsqu’un écart de rémunération moyen d’au moins 5 % est révélé et que l'employeur ne peut pas le justifier par des critères objectifs non sexistes et n’y remédie pas dans un délai de six mois à compter de la date de communication des données sur les rémunérations, il doit procéder à une évaluation conjointe des rémunérations avec les représentants des travailleurs.

II. Mesures en faveur d’un meilleur accès à la justice pour les victimes de discriminations en matière de rémunération

Droit à l’indemnisation

En cas d’atteinte au principe de l’égalité des rémunérations, les travailleurs victimes pourront obtenir une indemnisation ou la réparation intégrale du dommage subi. Les États veillent à ce que cette indemnisation ou réparation comprenne le recouvrement intégral des arriérés de salaire et des primes ou paiements en nature qui y sont liés, une indemnisation pour les opportunités manquées, le préjudice moral, tout préjudice causé par d'autres facteurs pertinents, ainsi que des intérêts de retard.

Renversement de la charge de la preuve

  • Lorsqu'un employeur ne s'est pas conformé aux obligations de transparence des rémunérations, c’est à lui de prouver l’absence de discrimination.
  • De même, si le salarié établit des faits qui présument de l'existence d'une discrimination, il appartiendra à l'employeur de prouver l'absence de discrimination.
  • Le juge national doit être en mesure d’ordonner la production de preuves, y compris celles contenant des informations confidentielles, et de disposer de moyens efficaces pour protéger ces informations.

Sanctions en cas de violation des droits et obligations relatifs à l'égalité des rémunérations

  • Les États membres devraient prévoir des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives, y compris des amendes.
  • Ils devraient appliquer des sanctions spécifiques en cas de violations répétées, qui pourraient comprendre différents types de mesures dissuasives d'ordre financier.

Association des acteurs de l’égalité

Permettre à des organismes pour l'égalité de traitement, ainsi qu’à des associations, organisations et représentants des travailleurs ou autres entités juridiques, d’agir dans le cadre de procédures judiciaires et administratives au nom des travailleurs.

Recours

  • Les États membres peuvent introduire des recours collectifs concernant l'égalité des rémunérations.
  • Le délai de prescription pour introduire un recours en matière d'égalité des rémunérations ne peut pas être inférieur à trois ans.

 

Aux fins de la directive, les principaux termes utilisés sont définis comme ainsi :

  • Sont entendus comme « travailleurs » ceux : à temps partiel, à durée déterminée, ayant un contrat de travail ou une relation de travail avec une entreprise de travail intérimaire, ainsi que les travailleurs domestiques, les travailleurs à la demande, les travailleurs intermittents, les travailleurs effectuant un travail basé sur des "chèques", les travailleurs des plateformes, les travailleurs occupant un emploi protégé, les stagiaires et les apprentis, pour autant qu’ils remplissent les critères pertinents.
  • La notion de « travail de même valeur » suggère que les emplois doivent être comparés sur la base de critères objectifs et non-sexistes qui sont pertinents pour l’organisation et le modèle économique de l’entreprise. Ces critères doivent être déterminés par l’employeur, au regard des lignes directrices préalablement élaborées au niveau de l’Union Européenne. 
  • Pour la première fois, dans la notion de « discrimination », le texte inclut la notion de discrimination intersectionnelle. Il s’agit de la discrimination qui est fondée simultanément sur le sexe et sur un ou plusieurs autres motifs de discrimination prohibés.
  • La « rémunération » comprend non seulement le salaire de base, mais également des composantes complémentaires (en espèce ou en nature) que les travailleurs reçoivent directement ou indirectement de la part de leur employeur.

Bibliographie


Invitations

Vous trouverez, ci-après, les informations concernant deux évènements organisés par nos partenaires :
- une journée consacrée à la santé des femmes au travail "Prévenir et Agir" organisée le 8 mars 2024 par le Comité Régional d'Orientation des Conditions de Travail du Grand Est (Programme et inscription : https://prst-grand-est.fr/la-sante-au-travail-dans-la-region/sante-au-travail-des-femmes)
- un colloque
Justice(s) sociale(s) : perspectives de droit social organisé le 15 mars          2024 par l''équipe de droit social de l'Université de Strasbourg (UMR UMR 7354 DRES Droit, religion, entreprise et société) (Programme et inscription : https://europa.unistra.fr/evenements/tous-les-evenements/evenement/justices-sociales-perspectives-de-droit-social)

Journée

Santé au travail des femmes - Journée du 8 mars 2024

 

Le Comité Régional d'Orientation des Conditions de Travail (CROCT) vous invite à la journée consacrée à la santé des femmes au travail "Prévenir et Agir" organisée le 8 mars 2024 dans le cadre prestigieux de l'IRCAD de Strasbourg.

Cette journée sera l'occasion d'établir un état des lieux, d’échanger et d’évoquer de nouvelles perspectives, ceci dans un objectif : contribuer à l’amélioration de la santé au travail des femmes.

Tous les secteurs d’activité sont concernés par cette question. En parler nécessite de connaître les facteurs de risques, d’identifier leurs conséquences, de les prendre en compte pour chercher et pouvoir trouver des solutions. Quels sont ces facteurs ? Quels sont les risques qui pèsent sur la santé d’une femme dans le monde du travail aujourd’hui ? Quel impact de l’environnement professionnel, du métier, du niveau de responsabilité ? Comment réduire les risques d’atteinte sur la santé ? Existe-t-il des solutions pratiques ?

L’invitée d’honneur sera Karen Messing, professeure émérite à l’université du Québec à Montréal et auteure de l'ouvrage "le deuxième corps".

Le nombre de place étant limité, vous êtes invités à vous inscrire préalablement (participation gratuite) à l'aide du lien suivant :

Inscription


Colloque

Justice(s) sociale(s) : perspectives de droit social

 15 mars 2024

8h45 - 17h30

 

 Salle Pasteur, Palais Universitaire
Place de l’Université
67000 Strasbourg

 fru6703-contact[at]unistra.fr

 

Informations et inscription