Les principales mesures sociales adoptées durant l’été 2023
Un important arsenal législatif et règlementaire a été mobilisé durant l’été pour préparer la rentrée 2023. L’accent a été mis sur la mise en œuvre de la réforme des retraites, l’accompagnement de la parentalité, la transformation du service public de l’emploi…. Cet article ne fait pas un recensement exhaustif des textes parus, mais propose un aperçu des principales mesures sociales adoptées durant l’été.
Les premiers décrets d’application de la réforme des retraites ont été adoptés le 3 juin et entrés en vigueur le 1er septembre 2023. Ils fixent les modalités d’augmentation progressive de l’âge de départ à la retraite à 64 ans et précisent les modalités de départ anticipé pour les carrières longues et pour des raisons de santé (handicap, inaptitude et incapacité permanente):
- Le décret n°2023-436[1], concerne les assurés du régime général, les régimes spéciaux de la fonction publique, du régime des professions libérales, du régime des avocats, du régime des non-salariés agricoles et du régime des salariés agricoles. Ce texte emporte la modification des Code des pensions civiles et militaires de retraite, Code rural et de la pêche maritime et le Code de la sécurité sociale ;
- Le décret n°2023-435[2]concerne quant à lui les assurés du régime général, du régime des professions libérales, du régime des avocats, du régime des non-salariés agricoles, du régime des salariés agricoles, des régimes des fonctionnaires de l'Etat, des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers, des ouvriers des établissements industriels de l'Etat, et des maîtres contractuels et agréés de l'enseignement privé.
- Détermination du « bonus-malus » : Un décret du 20 juillet 2023[3] détaille les modalités de transmission, aux employeurs qui le demanderont, des données qui ont servi à la modulation du taux de la contribution chômage, en application du dispositif du bonus-malus.
- Transposition de la réforme aux régimes spéciaux : Par 4 décrets adoptés le 28 juillet 2023[4], prend effet la suppression des régimes spéciaux de retraite des clercs et employés de notaires et aux personnels de la RATP, des industries électriques et gazières, ainsi qu'à ceux de la Banque de France. Cela ne concerne que les nouveaux recrutés à partir du 1er septembre 2023. Ils seront automatiquement affiliés au régime général, et seront donc concernés par le relèvement de l’âge de départ à la retraite.
- Deux décrets du 10 août 2023[5], créent la pension d’orphelin et plafonnent à vingt-quatre le nombre de trimestres d'assurance vieillesse des aidants. En outre, ils posent la revalorisation des pensions minimales pour les nouveaux retraités et des petites pensions des retraités actuels.
- Transition d’activité retraite: Deux décrets adoptés le 10 aout 2023[6] ouvrent la possibilité aux salariés de finir leur carrière en temps partiel en bénéficiant d’une partie de leur retraite à compter de deux ans avant l’âge légal. Ces textes étendent également la retraite progressive à tous les assurés, jusqu’alors réservée aux salariés, aux artisans et aux commerçants. Enfin, le cumul emploi-retraite ouvre désormais droit à une pension.
- Deux décrets adoptés le 21 août 2023[7] : précisent les conditions dans lesquelles les assurés sont susceptibles de majorer le montant de leur retraite de base à compter de l'âge légal de départ minoré d'un an ; posent la prise en charge des indemnités journalières maternité antérieures à 2012 dans le calcul du salaire annuel moyen, pour les femmes liquidant leur pension à compter du 1er septembre 2023, ainsi que la prise en charge, dans les droits à la retraite, des périodes des stages professionnels (travaux d’utilité collective, stages « jeunes volontaires », programmes d’insertion locale) ; prévoient le doublement du nombre de trimestres des sportifs de haut niveau, passant de 16 à 32 trimestres et relèvent le taux de surcote du régime des professions libérales.
- Retraite des élus locaux : Le décret du 30 août 2023[8], définit la procédure permettant aux élus des collectivités locales et délégués de ces collectivités territoriales membres d'un établissement public de coopération intercommunale, d’être assujettis aux cotisations de sécurité sociale sur l’indemnité de fonction.
- Mise à jour du bulletin officiel de la sécurité sociale (BOSS) du 23 juin 2023 : Un décret a porté à 6,91 € (contre 6,50€) la limite d'exonération de la part patronale des titres-restaurant pour l'année 2023.
- Transformation du service public de l’emploi : Adopté en première lecture le 11 juillet 2023, l’examen du projet de loi pour le Plein Emploi[9] s’est achevé le 4 octobre 2023. Pour atteindre son objectif principal d’une réduction du taux du chômage à 5% à l’horizon 2027, ledit texte prévoit une série de mesures, notamment :
a) la transformation de Pôle Emploi vers un nouvel opérateur dénommé « France Travail », dont les missions seront renforcées pour un meilleur accompagnement des personnes en difficulté de trouver un emploi, ainsi que des entreprises. Cette réorganisation sera accompagnée de la création du la « réseau des acteurs de l’insertion et de l’emploi », composé d’un panel diversifié d’acteurs (opérateur France Travail, l'État, les collectivités locales, mais aussi les établissements et services d'aide par le travail, représentants des familles d'handicapés, etc....) dont la mission sera l'accueil, l'orientation, l'accompagnement, la formation, le placement des demandeurs d'emploi ou des personnes en difficultés sociales ou d'insertion ;
b) une inscription généralisée auprès de l'opérateur « France Travail », au plus tard en 2025, pour toutes les personnes sans emploi (les demandeurs d'emploi relevant à présent de Pôle emploi ; les demandeurs du revenu de solidarité active (RSA) et leur conjoint, concubin ou partenaire pacsé ; les jeunes sollicitant un accompagnement auprès des missions locales ; les personnes handicapées en demande d’accompagnement auprès de Cap emploi). Pour les bénéficiaires du RSA, un minimum de 15 heures hebdomadaires d'activité obligatoire est prévue en vue de la perception de cette aide ;
c) une insertion facilitée des personnes en situation de handicap, par la pérennisation notamment des « entreprises adaptées de travail temporaire » ayant pour activité exclusive la mise à disposition à titre onéreux de travailleurs handicapés ;
d) une rénovation des dispositifs d’autorisation et d’inspection des crèches privées. Notons que l’article sur l’instauration d’un service public de la petite enfance a été supprimé.
- Généralisation des dispositifs du partage de la valeur : Le projet de loi en transposition de l’Accord National interprofessionnel du 10 février 2023 sur le partage de la valeur en entreprise[10], a été adopté le 29 juin en première lecture par l’Assemblée Nationale. Ledit texte prévoit une généralisation des dispositifs de partage de la valeur par :
a) la mise en place à titre volontaire d’un dispositif de participation de branche ou d’entreprise pouvant être moins favorable que la formule légale les entreprises de moins de 50 salariés ;
b) dès le 1er janvier 2025, une mise en œuvre, à titre expérimental, des dispositifs de partage de la valeur (un accord de participation, d'intéressement, d'abondement à un plan épargne salariale ou d'une prime de partage de la valeur) dans les entreprises de 11 à 49 salariés ayant réalisé trois ans de suite un bénéfice net fiscal positif au moins égal à 1% du chiffre d'affaires. Les entreprises de l’économie sociale et solidaire (associations, mutuelles, coopératives) ayant enregistré un résultat excédentaire au moins égal à 1% des recettes pendant trois exercices consécutifs, sont aussi concernées ;
c) un versement de la prime de partage de la valeur (PPV) facilité ;
d) une nouvelle obligation dans le cadre de la négociation sur un dispositif de participation ou d’intéressement, sur les bénéfices exceptionnels dans les entreprises de 50 salariés et plus qui disposent d'un ou plusieurs délégués syndicaux, lorsqu'elles ouvrent une négociation sur un dispositif de participation ou d’intéressement.
- Contrôle des arrêts maladie : Présenté en Conseil des ministres mercredi 27 septembre 2023, le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2024 entend renforcer le contrôle des arrêts de travail et limiter la durée de ceux prescrits en téléconsultation. Plus spécifiquement, l’article 27 du PLFSS 2024 prévoit la possibilité d’une suspension automatique du versement des indemnités journalières à compter du rapport de contrôle du médecin délégué par l’employeur, lorsque ce premier conclut au caractère injustifié de l’arrêt de travail. Ensuite l’article 28 du PLFSS 2024 limite à trois jours les arrêts de travail prescrits en téléconsultation.
- Réparation des accidents du travail et maladies professionnelles : L’article 39 du PLFSS 2024 transpose une mesure de l’ANI « AT-MP » du 15 mai 2023 relatif à la nécessité de garantir la nature duale de la rente forfaitaire AT-MP. Celle dernière serait composée d’une part, dite « professionnelle » (à savoir la perte de gains professionnels et à l’incidence professionnelle de l’incapacité) et d’une part, dite « fonctionnelle », (à savoir l’incapacité fonctionnelle permanente que la victime éprouvera dans sa vie quotidienne). A noter que cette réforme fait suite à deux arrêts de la Cour de Cassation, rendus le 20 janvier 2023[11], par lesquels la Cour précise que « la rente versée à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne répare pas le déficit fonctionnel permanent. Dès lors, la victime d'une faute inexcusable de l'employeur peut obtenir une réparation distincte du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées ».
- Lutte contre le travail illégal : Le PLFSS pour 2024, dans sa deuxième partie, contient une série de mesures visant à renforcer le contrôle contre le travail illégal et lutter contre la sous-déclaration des revenus générés par les activités des plateformes numériques, notamment : l’obligation, dès 2026, de la transmission des chiffre d’affaires des utilisateurs de plateformes aux Urssaf afin de fiabiliser les régularisations (article 6 du PLFSS) ; l’obligation, d’ici à 2027, de prélèvement par les plateformes numériques des cotisations et contributions sociales dues par les micro-entrepreneurs (article 6 du PLFSS) ; l’ouverture, dès 2024, d’un guichet de régularisation amiable des dettes sociales sans pénalité sur l’initiative de l’Urssaf ou du micro-entrepreneur.
- Contentieux du travail : L'article 8 du projet de loi Justice[12] vise à assouplir les règles prévues à l'article L. 1441-11 du Code du travail afin d'augmenter le vivier de candidats aux fonctions de conseillers prud’homaux en permettant à ceux qui n'ont plus d'activité professionnelle (personnes en recherche active d'emploi et retraités) ou qui exercent dans des lieux divers de candidater dans un conseil de prud'hommes limitrophe de leur domicile. Il vient également renforcer la responsabilité des conseillers prud'homaux, salariés et employeurs, en autorisant l'engagement de poursuites disciplinaires et le prononcé d'éventuelles sanctions malgré la cessation des fonctions des intéressés.
- Protection des parents d’enfants gravement malades ou handicapés : La loi du 19 juillet 2023[13] vise à renforcer la protection des parents qui ont un enfant gravement malade ou atteint d’un handicap. Le texte prévoit notamment : la protection contre le licenciement des bénéficiaires d’un congé de présence parentale; l’allongement de la durée de certains congés familiaux (par exemple : le congé pour décès d'un enfant de moins de 25 ans est porté à 14 jours, contre 7 jours auparavant et à 12 jours minimum pour le décès d’un enfant de plus de 25 ans, contre 5 jours auparavant) ; l'accès facilité au télétravail des salariés aidants.
- Protection des couples confrontés à une interruption spontanée de grossesse : La loi du 7 juillet 2023[14] propose une série de mesures visant à soutenir les femmes et leurs partenaires, victimes d’une fausse couche : la mise en place par chaque agence régionale de santé (ARS), d’un parcours fausse couche associant des professionnels médicaux ; la suppression du délai de carence pour bénéficier des indemnités journalières pendant leur arrêt maladie ; protection contre le licenciement pendant dix semaines suivant une « fausse couche tardive » (entre la 14e et la 21e semaine d’aménorrhée incluses, moins de 1% des grossesses sont concernées).
- Réforme des congés parentaux : Dans un rapport d’information du 21 juin 2023, la Commission des affaires sociales du Sénat, propose de revaloriser le montant de la prestation partagée d’éducation de l’enfant à taux plein (41 % d’augmentation), pour atteindre un montant équivalent à celui du revenu de solidarité active (RSA) applicable à un foyer bénéficiaire composé d'une personne seule soit 607,75 euros à compter du 1er avril 2023.
Qualité de vie au travail :
- Lutte contre les discriminations : Déposée le 4 juillet à l’Assemblée nationale, une proposition de loi[15] développe la pratique du testing en entreprise afin de détecter les discriminations. En pratique, ladite proposition prévoit la création d’un service public ayant pour mission de réaliser des testings individuels (pour des situations particulières) et statistiques (à plus large échelle) dans les entreprises et les administrations afin de procéder à des sanctions et proposer des mesures d’amélioration.