Le 23 septembre 2020, le Président de la République a annoncé l’allongement de la durée du congé de paternité et d’accueil de l’enfant. Deux lois successives le mettent en œuvre. Tout d’abord, la loi du 14 décembre 2020[1] et son décret d’application du 10 mai 2021[2] allongent la durée du congé de paternité et d’accueil de l’enfant et le rendent en partie obligatoire. Dans un second temps, le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2022 étend la liste des bénéficiaires. Par le biais de ces mesures, l’exécutif souhaite « lutter contre les inégalités aujourd’hui observées dans le recours à ce congé, en permettant aux salariés plus précaires d’y avoir accès plus facilement » etœuvrer « en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes, qui est la grande cause nationale de ce quinquennat ».
Cette mesure intervient après la publication de plusieurs rapports depuis 2018 pronant une telle mesure et notamment, en 2020, le rapport du ministère des solidarités et de la santé pour les « 1 000 premiers jours »[3]. Ce rapport met en exergue le caractère fondamental de la proximité physique et émotionnelle des parents pendant les 1 000 premiers jours de l’enfant et plaide, à ce titre, pour l’allongement du congé paternité « qui serait une première étape d’une réforme ambitieuse du congé parental, dans l’intérêt du développement de l’enfant, mais également pour lutter contre la solitude et l’isolement des mamans ».
Par ailleurs, cette réforme s’inscrit dans un contexte législatif évolutif et marqué par une meilleure prise en compte des enjeux de la parentalité. En effet, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, puis un décret du 24 juin 2019 avaient déjà instauré un congé spécifique en cas d’hospitalisation de l’enfant après la naissance, d’une durée de 30 jours maximum, qui s’ajouterait à la durée du congé de paternité et d'accueil.
Allongement du congé de paternité et d’accueil : concrètement de quoi s’agit-il ?
Les mesures présentées sont applicables aux enfants nés à partir du 1er juillet 2021 et aux enfants nés avant cette date alors que leur naissance présumée était postérieure au 30 juin 2021.
Bénéficiaires
La loi du 14 décembre 2020 n’a pas modifié la liste des bénéficiaires, telle que fixée dans l’art. L. 1225-35, al.1 du Code du travail. Ainsi, le congé de paternité et d’accueil de l’enfant bénéficie :
- au père salarié de l’enfant, même s’il est séparé de la mère ;
- au conjoint ou concubin salarié de la mère de l’enfant ;
- à la personne salariée liée à elle par un PACS.
En revanche, le mari du père ou de la personne salariée liée à lui par un pacte civil de solidarité ou vivant maritalement avec lui sont exclus du dispositif. Saisi de cette question, le Défenseur des droits a considère que cette exclusion « constitue une différence de traitement fondée sur le sexe ainsi que sur l’orientation sexuelle »(Décision du Défenseur des droits n°2020-036 de9 octobre 2020).
Le congé de paternité et d’accueil concerne tous les salariés, indépendamment de leur ancienneté et de leur contrat de travail (CDI, CDD, intérimaire, saisonnier, temps partiel...) et est ouvert à plusieurs statuts professionnels : aux demandeurs d'emploi (sous certaines conditions requises par l’Assurance Maladie), aux exploitants agricoles, aux travailleurs indépendants (artisans, commerçants, chefs d'entreprise, micro-entrepreneurs), aux professions libérales (médecins, notaires, avocats, etc.), aux fonctionnaires.
A noter : le PLFSS pour 2022 (article 47), adopté en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale le 10 décembre, étend le bénéfice aux collaborateurs des professions libérales à partir du 1er janvier 2022.
Allongement de la durée
L’article 73 de la loi du 14 décembre 2020 a doublé la durée du congé de paternité et d’accueil de l’enfant grâce à un financement par la sécurité sociale. Celui-ci est porté de 11 à 25 jours (ou 32 jours en cas de naissances multiples) calendaires consécutifs (week-ends et jours fériés compris), qui continuent à s’ajouter aux 3 jours ouvrables du congé de naissance (tous les jours à l'exception du jour de repos hebdomadaire, généralement le dimanche et des jours fériés habituellement non travaillés en entreprise).
Modalités de prise du congé de paternité et d’accueil :
Les modalités de prise du congé ont été modifiés, lui apportant plus de flexibilité. Désormais, le congé de paternité et d’accueil est composé de deux périodes distinctes :
Une période initiale de prise obligatoire
Cette période correspond à 4 jours de congé obligatoire qui succèdent immédiatement les 3 jours de congé de naissance (art. L. 1225-35, al. 3 du Code du travail). En pratique donc, les bénéficiaires auront l’obligation de prendre 7 jours immédiatement dès la naissance, sous peine d'amende.
En d’autres termes, contrairement au régime antérieur, le salarié ne pourra plus dissocier totalement son congé de paternité et d’accueil de l’enfant et son congé de naissance (qui pourrait être pris dans un laps de temps proche à l’accouchement).
Désormais, le point de départ du congé de naissance est fixé au choix du salarié : au jour de la naissance ou au premier jour ouvrable qui le suit(art. L. 3142-4, 3° du Code du travail). Dans le cas où le salarié était déjà en congés (payés ou pour évènements familiaux) le jour de la naissance de l’enfant, le congé de naissance commence à l’issue de ce congé (art. L. 1225-35-1, al. 2du Code du travail).
Durant cette période de prise obligatoire, l’employeur aura l’interdiction d’employer le salarié concerné, même si celui-ci ne respecte pas le délai de prévenance (art. L. 1225-35-1, al. 1 du Code du travail) à l’exception d'une prolongation éventuelle en cas d’hospitalisation immédiate de l’enfant après la naissance (voir supra). De même, deux dérogations sont prévues :
- l’interdiction d’emploi ne s’applique pas au cas où le salarié ne peut pas bénéficier d’une indemnisation au titre du congé paternité (voir supra) ;
- lorsque au moment de la naissance de l’enfant le salarié se trouve en congés payés ou en congés pour évènements familiaux, l’interdiction d’emploi débute à compter de l’issue de cette période de congés.
Cas particulier : prolongation de la période initiale en cas d’hospitalisation de l’enfant
Une prolongation de la période de 4 jours est prévue en cas d’hospitalisation de l’enfant dès sa naissance dans une unité de soins spécialisée (art. L. 1225-35, al. 5 du Code du travail). La période est prolongée de droit, à la demande du salarié, pendant la période d'hospitalisation, dans la limite de 30 jours consécutifs (art. L. 1225-35, al. 5 et D.1225-8-1 du Code du travail).
Une période fractionnable facultative
Le reste du congé paternité, soit 21 jours (28 en cas de naissances multiples), pourrait être pris dans un délai de 6 mois suivant la naissance, contre 4 mois auparavant (art. D. 1225-8, al. 1 du Code du travail). De plus, il serait fractionnable, en deux périodes d’une durée minimale de 5 jours chacune (art. D. 1225-8, al. 3 du Code du travail).
Deux exceptions limitatives permettent de reporter le congé au-delà de 6 mois (art. D. 1225-8, al. 6 du Code du travail) : l’hospitalisation de l’enfant (le congé est pris dans les 6 mois qui suivent la fin de l’hospitalisation) et le décès de la mère (le congé est pris dans les 6 mois qui suivent la fin du congé dont bénéficie le père en remplacement du congé maternité).
Information de l’employeur
Le salarié doit informer l’employeur au moins un mois avant la date prévisionnelle de l'accouchement (art. D.1225-8, al. 2 du Code du travail).
Pour la seconde partie du congé (21 ou 28 jours en cas de naissances multiples), il doit informer l’employeur des dates de prise et des durées de la ou des périodes du congé (s’il fractionne) au moins un mois avant le début de chacune d’elles (art. D. 1225-8, al. 4 du Code du travail). Dans le cas où la naissance intervient avant la date prévisionnelle d’accouchement, le salarié peut débuter la ou les périodes de la seconde partie du congé au cours du mois suivant la naissance, et doit à ce titre informer sans délai son employeur (art. D. 1225-8, al. 5 du Code du travail).
Effets sur le contrat de travail et prise en charge
Le congé paternité entraine la suspension du contrat de travail du salarié. Le salaire n'étant pas maintenu, il ne perçoit donc pas de rémunération. Cependant, les 3 jours de congé de naissance continueront d’être à la charge de l’employeur et les 25 jours restants seront indemnisés par la sécurité sociale, au titre d’indemnités journalières (art. L. 331-3 et L. 331-8 du Code de la sécurité sociale). Ces indemnités sont aussi versées en cas de prolongation de la période initiale du congé liée à une hospitalisation de l’enfant, pendant une durée maximale de 30 jours consécutifs (art. L. 331-8 du Code de la sécurité sociale).
Pour bénéficier de cette indemnisation, le salarié doit :
- exercer son droit à congé de paternité et d’accueil de l’enfant dans les six mois suivant la naissance de l’enfant (art. D1225-8, al 1 Du Code du travail). A contrario, la CPAM est en droit de refuser d’indemniser le salarié au titre du congé de paternité pris hors délai (Cass. 2e civ., 10 novembre 2009, n° 08-19.510) ;
- remplir les conditions d’ouverture des droits régies par l’ art. R. 313-3 du Code de la sécurité sociale ;
- cesser toute activité salariée ou assimilée pendant le congé et au minimum pendant la période de sept jours pris immédiatement à compter de la naissance (art. D. 623-2, al. 3 du Code de la sécurité sociale), et ne pas reprendre cette activité pendant la durée d’indemnisation (art. L. 623-1 du Code de la sécurité sociale).
L'employeur n'est pas tenu de compléter ces indemnités, sauf si un accord collectif le prévoit. À l'issue du congé de paternité et d’accueil, le salarié retrouve son emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente (art. L. 1225-36 du Code du travail) (voir les brèves).
Autres options possibles envisagées dans l’Etude d’impact du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2021.
Mesure envisagée | Raisons pour lesquelles la mesure a été écartée |
Actions de communication sur le congé paternité | Impact limité de la mesure : seuls 4% des pères n’ont pas recours au congé par défaut d’information. |
Amélioration de l’indemnisation du congé | Impact restreint de la mesure : seuls les hauts niveaux de rémunération (recourant déjà largement au congé) y bénéficieraient, les CDD ou les chômeurs (recourant peu au congé) bénéficiant d’un remplacement quasi-intégral de leur salaire net. |
Mise en œuvre d’un mécanisme incitatif pour encourager les employeurs à favoriser la prise du congé paternité chez leurs salariés (à l’instar de l’index égalité) | Difficulté de mise en place de la mesure : elle nécessiterait de recueillir au niveau de chaque entreprise le nombre de pères éligibles ainsi que le nombre de congés effectivement pris, ce qui n’est aujourd’hui le cas. Ce taux de recours devrait être rapporté au taux constaté dans les entreprises de même taille et de même secteur. Il pourrait en outre difficilement être appliqué aux petites entreprises, des taux de recours pouvant n’être pas significatifs sur un nombre réduit de personnes concernées. Enfin, cette information comporterait un biais important, dans la mesure où les salariés ne sont pas contraints de révéler à leur employeur qu’ils viennent d’être pères. |
Voir plus d’informations sur le site du code du travail numérique
https://code.travail.gouv.fr/fiche-service-public/conge-de-paternite-et-daccueil-de-lenfant-dun-salarie-du-secteur-prive